Intervention de Bruno Coquet

Délégation aux entreprises — Réunion du 13 décembre 2018 à 9h00
Impact de l'éventuelle instauration d'un bonus-malus sur les contributions patronales à l'assurance chômage — Présentation par l'observatoire français des conjonctures économiques de l'étude demandée par la délégation aux entreprises

Bruno Coquet, chercheur affilié à l'OFCE :

La saisonnalité a plutôt baissé, hormis en infra-mensuel. Le nombre d'embauches en contrats courts a doublé. La seule corrélation dans cette proportion est l'exonération de cotisations sociales, qui touche indifféremment CDI et CDD, même si ces derniers sont surexposés, car orientés vers les bas salaires et des postes peu qualifiés.

L'Unédic a calculé le coût d'une prise en charge des contrats courts dans le cadre des relations suivies et d'une caisse spécifique - sectorielle ou générale. L'Unédic a recensé 3,5 millions de relations suivies. Dix ans après avoir repéré ce lien entre les contrats courts et l'assurance chômage, l'Unédic ne sait toujours pas combien cela lui coûte. Selon un tableau de l'Unédic, le déficit dû aux contrats courts atteindrait 8 milliards d'euros par an - hors intermittents du spectacle - mais selon un autre, ce déficit est estimé à 2 milliards d'euros... On ne sait comment ils ont calculé ces chiffres.

Une telle explosion de contrats très courts dans le secteur médico-social n'est pas due à des raisons comme la maladie ou l'absentéisme des salariés, ce n'est pas possible dans ces proportions ; c'est juste moins cher. Examinons les coûts de production des employeurs : peut-être qu'ils ne sont pas suffisamment remboursés par l'État. Ils réduisent le coût du travail et le reportent sur quelqu'un d'autre, ce qui aboutit à des temps incomplets complétés par exemple par une prime d'activité. L'essentiel est donc en dehors de l'assurance chômage.

Notre proposition ne fait pas tout, c'est comme pour le bonus-malus automobile : l'État se charge du code de la route, les constructeurs respectent également certaines obligations. Il y a un équilibre d'obligations à maintenir. Ce n'est pas en reportant les règles sur les assureurs et les assurés qu'on obtiendra la suppression du code de la route ! Cela restera une assurance.

Sur les CDD d'usage, créés en 1982, je renvoie au rapport de l'IGAS, qui dresse un bilan très négatif. On ne sait d'où provient la liste des secteurs éligibles, qui concerne en théorie 30 conventions collectives, mais 271 en réalité. Le CDD d'usage, très flexible, se développe bien, hors de tout contrôle. Il n'y a que l'OCDE qui croit qu'il est réglementé... Avant tout, ces contrats sont utilisés parce qu'ils sont rentables.

Notre proposition de tarification s'applique à tous les contrats. L'assurance chômage n'a pas à choisir le type de contrat le plus adapté à l'employeur, même s'il reporte ses coûts sur d'autres clients. Cinq secteurs seulement expliquent 22 % de la valeur ajoutée et 50 % des contrats inférieurs à un mois. Les concurrents et les autres secteurs d'activité paient. C'est à la puissance publique de réguler la concurrence.

On ne peut pas penser que l'absentéisme a doublé depuis les années 2000 et expliquerait l'augmentation des contrats courts et la réduction de leur durée.

La tarification ne sera pas une quatrième peine, car elle n'augmente pas le coût du travail mais le répartit différemment, en fonction des comportements. Cette mesure réduirait le coût de tous les contrats en cours de 0,3 point. Le chômage ordinaire sera l'objet d'une moindre contribution.

Les saisonniers ont des règles particulières dans l'assurance chômage. Vous pointez l'aléa moral, selon lequel des chômeurs vivraient indûment de l'assurance chômage qui leur apporterait suffisamment de bien-être. Mais en France, selon les études, il y en a deux fois moins que dans les autres pays européens. Même si on en a vu certains, on ne sait pas repérer ces chômeurs...

Une expérimentation de Pôle emploi a eu lieu en Provence-Alpes-Côte d'Azur l'année dernière, ciblant les chômeurs à risque sur le non-respect de leurs obligations de recherche d'emploi. Les chômeurs indemnisés étaient sous-représentés. Lorsqu'on crée 40 millions d'emplois par an, cela veut dire que certains les acceptent ! Même si des cas marginaux existent, ce n'est pas la situation générale. La règle générale ne doit pas dépendre d'eux, sinon elle est sous-optimale. L'important est d'assurer des contrôles suffisants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion