Intervention de Bruno Coquet

Délégation aux entreprises — Réunion du 13 décembre 2018 à 9h00
Impact de l'éventuelle instauration d'un bonus-malus sur les contributions patronales à l'assurance chômage — Présentation par l'observatoire français des conjonctures économiques de l'étude demandée par la délégation aux entreprises

Bruno Coquet, chercheur affilié à l'OFCE :

Il s'agit de modifier la répartition entre l'assurance chômage de l'Unédic et l'État. La France est le seul pays au monde où l'État n'a pas mis un euro, entre 1958 et 2018, dans l'assurance chômage : seul le secteur privé est affilié obligatoirement par les cotisations des salariés et des employeurs. Les recettes des cotisations sont supérieures au coût des prestations, chaque année depuis 25 ans, y compris durant la crise de 2008. Cet excédent atteint 2 milliards d'euros. Pourquoi l'Unédic est-elle alors en déficit ? Un rapport de la Cour des comptes de 2007, juste avant la création de Pôle emploi, déplorait la somme des charges imposées par l'État à l'Unédic à partir de 1997 : celle-ci est obligée de recevoir tous les chômeurs, qu'ils soient indemnisés ou non, sans compensation. Le financement du service public de l'emploi repose pour les deux tiers sur l'Unédic, pour un tiers sur l'État. Or en économie, un service public doit être financé par l'impôt, sinon il doit être financé au coût marginal. Actuellement, l'Unédic devrait payer 450 millions d'euros par an à Pôle emploi au lieu de 3,5 milliards d'euros. À aucun moment une règle modifiant les droits à l'assurance ne pourrait régler ce différentiel. La politique culturelle vers les intermittents du spectacle a coûté 20 milliards d'euros sur 20 ans... Par un tel système, l'État fait d'importantes économies !

Les droits à l'assurance chômage sont-ils généreux ? Les droits allemands sont un peu supérieurs, mais leur composition est différente. En Allemagne, 40 % des revenus sont des transferts publics, contre 15 % en France, où l'assurance chômage se substitue en grande partie à l'État. Si on modifie les règles de calcul du salaire de référence, on augmentera les dépenses sociales de l'État. Les transferts de l'État vers l'assurance chômage sont un sujet important, mais pas dans le sens qu'on croit habituellement.

En 1979, l'assurance chômage était en faillite une première fois. La loi a alors prévu qu'à chaque fois que le salarié payait 2 euros, l'État devait payer 1 euro à l'assurance chômage - comme dans la plupart des pays. En effet, le chômage n'est pas seulement dû à des causes individuelles, mais peut être lié à des cycles économiques. La CSG a cette fonction.

L'assurance chômage fonctionne bien comme assurance. L'inclure dans la redistribution serait la mettre dans un pot commun où personne ne comprendrait plus qui paie quoi ni pourquoi... Ainsi, le Royaume-Uni prévoit une allocation forfaitaire pour tous, avec, en contrepartie, des contributions très faibles. Jamais personne n'a évalué positivement le système. En revanche, une économie qui a une assurance chômage fonctionne toujours mieux qu'une autre, car elle a une meilleure croissance potentielle, plus d'innovation.... Il est important de financer cette assurance avec des ressources publiques partielles tout en conservant un système assurantiel et non de redistribution.

Le secteur médico-social est très contraint. Notre rapport montre en quoi modifier les règles générales de l'assurance chômage est nécessaire, mais sa portée est modeste. Jamais un coût de production ne doit être reporté sur l'assurance chômage, or c'est ce qui se passe dans l'hôtellerie-restauration : c'est au consommateur de payer et non à l'assurance chômage. C'est en raison de cette mauvaise incitation que les contrats courts se développent. Avec une mauvaise incitation, le niveau de prélèvements obligatoires va augmenter. Si une tarification dégressive et comportementale n'est pas efficace, il faut interdire au secteur automobile de le faire, et au transport aérien de faire du yield management. Si un assureur privé gérait l'assurance chômage, cela se passerait ainsi ; il faudrait juste contrôler qu'elle n'en abuse pas pour augmenter ses profits, et reste un service public. Il ne s'agit pas de taxer mais bien de réguler un comportement. Le système sera en faillite si l'on ne fait rien.

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