Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner en seconde lecture une proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dans le cadre d’un débat dont la complexité technique ne saurait occulter l’urgente nécessité.
Le Parlement présente ainsi une réponse législative digne d’intérêt au fléau endémique de l’indivision successorale en outre-mer. L’accumulation des dévolutions successorales non réglées est en effet extrêmement préoccupante pour le développement des territoires ultramarins, notamment de Mayotte.
Pour démêler l’écheveau de cet imbroglio foncier a donc été institué un régime dérogatoire et temporaire selon lequel, durant dix ans, la sortie de l’indivision n’exigerait plus l’unanimité des indivisaires.
Je ne répéterai pas ce qui vient d’être excellemment exposé par Mme la ministre et par notre rapporteur Thani Mohamed Soilihi. Le Sénat s’est inscrit dans la continuité des travaux engagés par l’Assemblée nationale. Sur ce terrain comme sur d’autres, la fabrication législative a été tempérée par l’art de la mesure. Ce texte nécessitait de véritables compétences d’équilibriste : il fallait trouver la bonne formule pour articuler l’opérationnalité du dispositif et les garanties juridiques du droit de propriété. Dans cet exercice, notre rapporteur a fait preuve de virtuosité.
Le Sénat a beaucoup enrichi cette proposition de loi : il a institué un droit de préemption au sein de la famille au cas où un tiers se porterait acquéreur du bien mis en cession ; il a voté une exonération des taxes attachées aux opérations de partage ; il a renforcé le mécanisme de protection des droits, notamment en matière d’information, afin de ne pas léser ceux qui ne font pas partie de la majorité des 51 % ; il a inclus la Polynésie française dans le dispositif, mais aussi Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui ne figuraient pas non plus dans le texte initial ; il a, enfin, prévu d’étendre les dispositions concernant l’attribution préférentielle et l’omission d’héritiers aux autres collectivités d’outre-mer.
L’Assemblée nationale s’est engagée, quant à elle, dans une collaboration constructive, au terme de laquelle elle s’est alignée sur les suggestions sénatoriales. Si, sur l’initiative du Gouvernement, les dispositions concernant la Polynésie française ont été retirées du texte, c’est pour les intégrer dans le projet de loi ordinaire devant compléter le projet de loi organique relatif à la révision du statut de la Polynésie qui nous sera bientôt soumis, avec un titre consacré spécifiquement au droit foncier.
Ces deux lectures aboutiront donc à un vote conforme et je note avec plaisir le consensus fort qui s’est fait autour de la proposition de loi.
Quelques mots sur la logique d’approche dont s’inspire ce texte : monsieur le rapporteur, à l’évidence, votre entreprise fut un franc succès. Ici, aucune conception hexagonale surplombante n’aplatit les réalités ultramarines. Vous l’avez bien compris, l’organisation territoriale ne doit plus être un simple prêt-à-porter ; elle exige du sur-mesure. Le droit à la différenciation ne doit plus se borner à saupoudrer d’éléments ultramarins des tronçons normatifs d’inspiration hexagonale. Renouons avec l’esprit de l’article 73 de notre Constitution, car il n’est pas iconoclaste de proclamer que la démocratie du terrain, c’est la démocratie du concret !
Ce texte nous rappelle donc combien il est nécessaire d’articuler l’organisation territoriale de la République avec ses modalités d’expression locale et nous montre la voie.
Voilà, pour l’essentiel, l’ordre des faits qui nous conduit à apporter sans réserve notre soutien au rapporteur et au texte adopté par notre commission des lois.