Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en intervenant à ce stade de la discussion générale, il me paraît difficile voire impossible de ne pas redire devant vous ce que d’autres ont déjà dit.
Néanmoins, l’importance fondamentale du sujet et les trente-cinq années passées au service de l’éducation nationale à enseigner les sciences de la vie et de la terre me poussent à venir exprimer à cette tribune la conviction profonde qui est la mienne.
Aussi, mon intervention se limitera à rappeler ici quelques idées-force, quelques principes fondamentaux auxquels je tiens particulièrement et que j’aimerais vous faire partager.
La loi Grenelle est fondée sur un constat réel, indiscutable : l’avenir de l’homme est profondément lié à celui de l’environnement. L’homme ne peut continuer à porter atteinte à son environnement sans mettre en péril ses propres conditions de survie. Dorénavant, personne ne pourra envisager le développement économique sans penser à l’épanouissement humain et à l’équilibre social et sans prendre en compte les aspects environnementaux. Les trois sont indissociables.
C’est de ce constat qu’est née la notion de développement durable, de croissance durable ou de révolution verte… peu importe le nom qu’on lui donnera, c’est la finalité qui compte.
Et la finalité, quelle est-elle ?
La finalité, c’est d’avoir compris que l’homme doit être placé au centre du débat. Aujourd’hui, les scientifiques comme les politiques l’ont définitivement admis : l’homme doit d’abord subvenir à ses besoins – et quand je dis l’homme, c’est bien de tous les humains qu’il s’agit, ceux d’ici et ceux d’ailleurs, ceux d’aujourd’hui mais aussi et surtout ceux de demain, les générations futures.
Mais l’homme vit dans un milieu auquel il est profondément lié et dont il est indiscutablement dépendant.
Nous comprenons tous mieux aujourd’hui pourquoi le développement durable repose sur les trois piliers indissociables que j’ai cités voilà un instant : le pilier économique, le pilier social et le pilier environnemental. L’image est simple mais elle est précise : imaginons un édifice reposant sur trois piliers et demandons-nous ce qui se passe si l’un des trois se brise. Aujourd’hui, personne n’a intérêt à voir « l’édifice » s’écrouler, ici, pas plus qu’ailleurs.
La loi Grenelle est donc à considérer comme un des piliers sur lesquels nous devons bâtir la politique nationale mais aussi la politique locale de développement durable, qui doit également servir à montrer l’implication de la France dans la politique planétaire de développement durable.
La deuxième idée à retenir est que la loi dont nous débattons est certes une loi de programmation, d’autres l’ont rappelé, mais, nous le savons tous, elle se déclinera ensuite, dès l’automne, dans un engagement national pour l’environnement, qui inévitablement fixera toute une série de mesures normatives, de contraintes, d’obligations, de règles incontournables applicables à la France entière et qui ne seront pas sans conséquences sur nos collectivités respectives, sur notre gestion de proximité et sur notre comportement individuel.
Même si la tentation est forte pour chacun de nous, qui avons déjà eu à connaître du contenu de la loi suivante, de vouloir introduire dès à présent, dans la loi dont nous débattons, certaines mesures visant à rendre ces futures règles mieux adaptées à nos réalités locales, il nous faudra veiller à ne pas en dénaturer le sens. Je sais en cela pouvoir compter sur le président de la commission et sur le rapporteur.
La troisième réalité est que la problématique que nous traitons dans cette loi n’est pas seulement nationale, elle est planétaire et la prise de conscience qui l’accompagne est, elle aussi, mondiale.
La France, qui a délibérément choisi de se positionner dans cette nouvelle stratégie économique – parce que c’est de cela aussi qu’il s’agit – se voit aujourd’hui talonnée par d’autres grandes puissances – je pense tout particulièrement aux États-Unis et bientôt à la Chine, dont on sait que l’un est un véritable rouleau compresseur et que l’autre est capable de produire plus, plus vite et moins cher.
Je dis cela parce que cette nouvelle économie, aujourd’hui naissante mais qui se mettra en place progressivement, que nous avons appelée « croissance verte », va conduire inéluctablement à la création de nouvelles normes, de nouveaux standards qui se traduiront à terme en parts de marchés.
Il ne faudrait pas que la France pionnière, qui pouvait rêver d’être un jour leader, se fasse doubler par d’autres et se retrouve totalement larguée, se voyant ainsi imposer des technologies venues d’ailleurs. À l’ère de la mondialisation, il faut s’attendre à ce que les normes des uns ne soient pas forcément celles des autres, et à ce que la compétition économique entre les grandes puissances soit particulièrement rude.
La France, même si sa voix porte, ne pourra pas rivaliser seule : il me paraît donc absolument fondamental de traduire rapidement cette politique nationale en engagement européen.
Je pense, en disant cela, au rôle prépondérant que devront jouer nos eurodéputés récemment élus. L’initiative prise par la France sur le paquet « énergie-climat » est déjà une preuve.
Mais je veux aussi envoyer un signal à tous ceux qui font de la recherche ou qui dirigent notre économie. La crise économique aidant, il y a peut-être là une fenêtre, une occasion à saisir pour placer la France en position favorable sur le grand marché mondial.
Enfin – ce sera le dernier point que je défendrai –, si le développement durable doit fédérer les habitants de la planète autour d’un certain nombre de principes fondamentaux, je reste persuadé que, même si ces principes sont « universels », les règles qui en découleront ne pourront être strictement identiques ou appliquées de la même manière sur toute la surface du globe.
En disant cela, je rappelle simplement que la France, c’est aussi l’outre-mer.
Dans le cadre de la prise de conscience nationale et planétaire du rôle fondamental de l’environnement dans la survie de l’espèce humaine, l’outre-mer offre indiscutablement à la France des atouts incontestables.
Je ne parle pas seulement de la richesse de la biodiversité ou de l’étendue des surfaces maritimes, même si, lors d’une réunion à laquelle j’assistais hier, on a encore rappelé que 90 % de la richesse biologique de la France et plus de 90 % de la surface de ses eaux territoriales se trouvent en outre-mer. C’est d’ailleurs ce qui permet à la France de posséder le deuxième domaine maritime mondial, après les États-Unis.
Les outre-mer ont bien d’autres particularités, mais aussi – il ne faudrait pas l’oublier – bien d’autres différences et bien d’autres handicaps.
Si nous ne voulons pas que les atouts des outre-mer se transforment rapidement en handicaps et viennent s’ajouter à la liste de ceux qui existent déjà, nous devons rester vigilants.
Les choix de développement économique des outre-mer sont, plus que partout ailleurs, indissociables des réalités environnementales et sociétales propres à chacune des collectivités.
Ce n’est pas seulement à l’État français qu’il appartiendra de veiller à trouver le juste équilibre dans ce domaine, mais aussi à ceux qui ont et qui auront demain la charge d’accompagner et de piloter le développement économique de ces territoires.
En ce sens, je souhaiterais que, à chacun des titres et des chapitres du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, nous nous demandions si les règles arrêtées au niveau national peuvent être appliquées, en l’état, en outre-mer ou s’il faut les adapter.
C’est aussi pourquoi il convient d’être attentif aux remarques et aux amendements de nos collègues ultramarins, qui sont les mieux placés, ici, pour savoir de quoi ils parlent.
Pour ma part, je viens d’une île dotée d’un statut particulier et qui a choisi la voie de l’autonomie.
En nous accordant cette autonomie, le législateur nous a reconnu le droit de fixer nos propres règles dans un certain nombre de domaines qui nous ont été transférés, et l’environnement en fait partie.
Cela ne signifie pas pour autant, mes chers collègues, que ce projet de loi ne nous concerne pas ou ne nous intéresse pas. Bien au contraire ! Les décisions nationales sont, pour nous, le modèle à suivre : non seulement elles nous inspirent, mais elles nous guident et nous accompagnent dans notre démarche politique.
Monsieur le ministre d’État, je voudrais terminer mon propos en vous félicitant d’avoir été l’initiateur et le pilote de cette grande et belle réforme.
Le vote du projet de loi en première lecture vous aura permis de mesurer l’adhésion de notre assemblée à votre projet.
Comme nous l’avons entendu dans certaines interventions, chacun commence, avec un peu de recul, à mieux percevoir l’impact et les implications, parfois contraignantes, qu’auront cette loi et les suivantes sur notre comportement individuel et collectif.
Mais, nous savons aussi tous que cette loi marque un tournant indispensable, un passage obligé, qui conduira l’homme vers une meilleure intégration dans son environnement, vers un meilleur équilibre, au sens le plus large de ce terme, et, surtout, vers une plus grande responsabilité envers lui-même, envers les autres et envers la planète.
Nous le savons tous, comme le disait récemment le Premier ministre ici même, « la mise en place des dispositions du Grenelle de l’environnement est seule capable de réorienter le modèle de développement français vers la croissance ». J’en suis, pour ma part, profondément convaincu.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre d’État, vous pouvez compter sur mon soutien.