Cette nouvelle lecture est aussi l’occasion d’évoquer le sort de plusieurs propositions qui ont été défendues durant les débats parlementaires par le groupe socialiste et républicain du Sénat, hier dénigrées, aujourd’hui reprises par le Gouvernement, ce qui est tout de même assez cocasse.
Ainsi, nous avons été suivis par le Gouvernement sur la suppression de l’augmentation des taxes sur le gazole non routier, alors que la majorité sénatoriale s’est curieusement opposée à notre amendement, préférant voter un étalement dans le temps de cette mesure, décision de nature à mettre en péril nombre d’entreprises.
Nous avons estimé très tôt que l’élargissement de la « niche Copé » constituait un signal politique regrettable et accentuait une politique contribuant activement à des pratiques d’optimisation fiscale. Après avoir rejeté nos argumentations et notre amendement, le Gouvernement a fait marche arrière et a fini par entendre raison, à la suite d’un amendement déposé bien évidemment par sa majorité à l’Assemblée nationale. J’en profite pour souligner que, alors que la majorité sénatoriale a, comme d’habitude, voté sans sourciller cette mesure libérale sans en connaître le coût, il aura fallu attendre qu’elle soit supprimée pour que son montant soit dévoilé : 200 millions d’euros tout de même !
Tant que vous y êtes, monsieur le secrétaire d’État, vous auriez pu en profiter pour supprimer, comme nous vous l’avions demandé, l’article modifiant l’exit tax, taxe dont l’objet est non le rendement, mais le blocage d’une possible optimisation fiscale.
Autre exemple : la semaine dernière, nous demandions qu’une partie du coût des mesures proposées par le Président de la République soit prise en charge par les très grandes entreprises de notre pays, sans que la majorité sénatoriale pipe mot. C’est chose faite pour les entreprises de plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, pour un montant de 1, 8 milliard d’euros. Ce premier pas doit être poursuivi à l’avenir.
Sur le sujet de la baisse de la taxation des entreprises, il faudra bien un jour mettre un terme à ce dumping fiscal, qui, de baisse en baisse et au nom d’une compétitivité toujours revendiquée, nous conduit inexorablement vers une taxation zéro à terme et à un transfert massif vers la taxation des revenus salariaux.
Par ailleurs, la taxation des GAFA a fait l’objet d’annonces très récentes du ministre de l’économie et des finances. Cela fait maintenant plusieurs années que nous défendons cette idée – comme l’ensemble de la commission des finances, du reste – et nous ne pouvons qu’être satisfaits de sa reprise, certes tardive, par le Gouvernement, sans attendre une éventuelle réglementation européenne, même si nous l’espérons.
De la même manière – et bien que ce ne soit pas directement l’objet du présent projet de loi de finances –, je note que le Gouvernement a fait le choix de reprendre, au moins partiellement, plusieurs des propositions que les socialistes avaient déposées, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, en matière de pouvoir d’achat. Ainsi en est-il du relèvement à 2 000 euros du seuil pour l’augmentation de la CSG et de l’augmentation immédiate de la prime d’activité : autant de mesures, hier négligées, aujourd’hui partiellement, mais insuffisamment, mises en œuvre.
Il aura fallu une crise politique majeure pour que le Gouvernement ouvre enfin les yeux et revienne sur certaines des mesures annoncées en écoutant quelques-unes de nos propositions. Nous le regrettons, car cela discrédite globalement l’action publique et la vie politique dont nous avons collectivement la responsabilité.
Il vous appartiendra, monsieur le secrétaire d’État, de veiller au respect de la parole donnée. À ce stade, nous avons encore quelques doutes sur ce point, mais vous serez jugé sur vos actes, c’est là le principe même de la démocratie.
L’incroyable improvisation d’hier sur le chèque énergie – annulation le matin, réintégration l’après-midi – ne rassure pas sur ce point.