Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 21 décembre 2018 à 16h00
Mesures d'urgence économiques et sociales — Discussion générale

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Mesdames les ministres, nous sommes dos au mur et nous allons voter sans surprise le texte que vous soumettez à notre examen ; acceptez pourtant que le rapporteur spécial de la mission budgétaire « Engagements financiers de l’État », autrement dit de la dette, exprime quelques lourdes inquiétudes à son sujet : nous allons dépasser les 100 % d’endettement et – largement ! – les 3 % de déficit préconisés par Bruxelles.

Le projet de loi de finances que nous venons juste de voter aurait pu nous aider à financer les mesures que vous nous présentez aujourd’hui, mais il n’en est rien.

S’agissant de la taxe sur les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon –, l’Assemblée a accepté, après de multiples refus, la création de la taxe nationale prônée, notamment, par Marie-Noëlle Lienemann et que nous avons été nombreux à voter ici. On nous annonce qu’elle sera applicable au 1er janvier, mais selon quelles modalités ? Allez-vous nous présenter un projet de loi de finances rectificative ? Pour le moment, cette nouvelle taxe n’a aucune base légale.

L’Assemblée nationale a, en outre, complètement siphonné, au sens propre du terme, l’article additionnel que nous avions ajouté au texte, visant à sanctionner et à prévenir la fraude à la taxe sur les dividendes. Alors que ces mesures auraient pu rapporter entre 1 milliard et 3 milliards d’euros, je ne comprends pas pourquoi l’Assemblée nationale a vidé de sa substance un dispositif voté à l’unanimité des groupes politiques du Sénat, sur la base du travail du groupe de suivi de la fraude fiscale créé au sein de la commission des finances. Pourquoi le Gouvernement a-t-il accepté que ce texte soit traité ainsi, alors qu’il aurait pu offrir un important recours financier ?

L’Assemblée nationale a, enfin, retoqué une disposition très simple : la demande d’un rapport sur la fraude documentaire en matière de numéros INSEE.

Je vais m’arrêter un peu sur ce sujet. En 2011, madame la ministre, les services relevant du ministère chargé de la santé avaient relevé 17, 6 millions d’inscriptions au NIR, le numéro d’inscription au répertoire, de Français nés à l’étranger ou d’étrangers qui souhaitaient obtenir un numéro de sécurité sociale. Une expertise a mis à jour une fraude sur environ 10 % de ces demandes, soit 1, 8 million de faux numéros. Une équipe de la police aux frontières, la PAF, chargée de la fraude documentaire, a identifié, après expertise, 2 103 dossiers frauduleux.

Le 16 décembre 2016 – c’est presque un anniversaire ! –, j’ai posé une question d’actualité à la ministre qui vous a précédée à ce banc, pour l’interroger sur l’état d’avancement de l’expertise menée sur la fraude documentaire. Elle m’a répondu – cela figure au Journal officiel – que 500 dossiers avaient été radiés. De 1, 8 million, nous sommes passés à 500 : vous avouerez que le compte n’y est pas !

Depuis que l’article évoqué a été supprimé, hier, la presse s’est emparée du sujet et vos services donnent des éléments différents à chaque journaliste qui les interroge. Voilà qui est formidable… Cela justifie plus encore la demande d’enquête qui a été formulée !

Je vous propose un petit calcul digne d’une classe de CM2. S’il est évident qu’un progrès a été fait sur les flux, ce qui m’intéresse, c’est la fraude sur le stock, lequel s’élève à 17, 6 millions de dossiers. Dans la mesure où 2 103 dossiers ont été vérifiés en une semaine, une simple division montre qu’il faudra 8 360 semaines, c’est-à-dire 160 ans, pour contrôler le tout…

Il est donc absolument impossible que vous ayez contrôlé le stock de faux numéros INSEE présent dans le logiciel utilisé par SANDIA, le service administratif national d’immatriculation des assurés. Je vous demande, pour la régularité de nos débats comme pour la transparence de nos finances publiques, d’accepter la demande d’enquête qui a été formulée par le Sénat.

Nous ne pouvons pas tolérer cette fraude documentaire. Vos services ont fait des efforts sur le flux, mais je suis persuadée qu’il reste une marge de progression sur le stock. C’est au prix d’un travail sur la fraude fiscale et sur la fraude sociale que nous parviendrons à calmer la fronde sociale qui s’est déclarée avec les « gilets jaunes ». Nous l’avons dit, la demande de justice sociale est forte et la fin de la fraude documentaire serait un signal important !

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