Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission des affaires sociales — Réunion du 21 décembre 2018 à 11h05
Projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur :

En revanche, à l'inverse du régime mis en place par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) de 2007, les cotisations patronales ne seront pas exonérées. Il n'y a donc pas d'incitation pour les employeurs à privilégier les heures supplémentaires plutôt que l'embauche de nouveaux salariés, mais simplement une mesure de pouvoir d'achat renforcé pour les salariés.

L'article 3 rétablit un taux de CSG de 6,6 %, c'est-à-dire le taux applicable jusqu'en 2017, sur les pensions de retraite, d'invalidité ou les allocations chômage, pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil. Même s'il peut y avoir des nuances en fonction de la nature des revenus du foyer, ce seuil correspond à un revenu net mensuel de 2 000 euros pour une personne seule ou de 3 060 euros pour un couple. L'abaissement du taux de CSG concernera 3,8 millions de foyers et 5 millions de retraités, soit la moitié des retraités ayant acquitté une CSG au taux de 8,3 % en 2018. Il resterait ainsi 30 % des retraités soumis au taux de CSG de 8,3 %. Le gain moyen par foyer est estimé à 448 euros par an.

Enfin, l'article 4 propose la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement six mois après la promulgation de cette loi afin de dresser le bilan de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité. Une fois n'est pas coutume, ce rapport est opportun : il introduit le sujet de la prime d'activité dans nos débats, et pour cette mesure peut-être plus encore que pour les autres, l'exécution concrète de la loi sera capitale pour atteindre l'objectif fixé par le Président. En particulier, le taux de recours à la prime d'activité ainsi renforcée devra être élevé, peut-être en allant vers l'automaticité du versement de cette prestation aux personnes qui y ont droit. Près de 75 % des personnes qui y sont éligibles ont recours à la prime d'activité ; essayons d'atteindre le plus vite possible 100 %. Le rapport du Gouvernement devra être précis et présenter des pistes pour améliorer le taux de recours si cela se révélait nécessaire.

L'Assemblée nationale a adopté quelques amendements à ce texte, essentiellement de précision ; aucun d'entre eux n'a modifié l'économie générale du texte déposé par le Gouvernement.

Les mesures sont donc substantielles. De plus, elles s'inscrivent dans un plan plus vaste comprenant, en particulier, l'abandon des augmentations des taxes énergétiques prévues à compter du 1er janvier 2019 - et que le Sénat avait inscrit en première lecture au sein du projet de loi de finances pour 2019.

Comme le rapport écrit le détaille, ce plan coûtera 10,3 milliards d'euros pour les finances publiques en 2019.

En face, à ce stade, une seule mesure a été introduite au sein du PLF 2019 : l'abandon de l'assouplissement de la « niche Copé », pour un gain de l'ordre de 200 millions d'euros. Le Gouvernement annonce, certes, diverses autres mesures, qui devraient être examinées dans le cadre du collectif budgétaire prévu pour la fin du premier trimestre. Mais, même si toutes ces mesures étaient adoptées et exécutées, il resterait un « trou » de 6,4 milliards d'euros. En conséquence, l'article liminaire du PLF 2019 a été corrigé afin de prévoir désormais un déficit public de 3,2 % du PIB en 2019, au lieu des 2,8 % initialement prévus.

Seule une loi de financement de la sécurité sociale peut diminuer les ressources de la sécurité sociale. Or le projet de loi que nous examinons n'est pas un PLFSS. Par conséquent, juridiquement, tout ce que le Parlement votera devra être compensé à la sécurité sociale - sauf à ce qu'une loi de financement future prévoie le contraire. La ministre ne nous a donné qu'une réponse évasive, M. Darmanin n'étant pas là... Nous devrons y veiller. Cela rejoint le débat plus large sur les relations entre l'État et la sécurité sociale. La loi de 1994 prévoit une compensation intégrale, même s'il peut y avoir des dérogations. Selon la Cour des comptes, l'État a compensé la sécurité sociale plus que prévu ces deux dernières années, des moindres recettes de 3 milliards d'euros sont acceptables, mais on ne peut pas sortir de ce cadre.

À titre informatif, vous trouverez néanmoins dans le rapport écrit les tableaux d'équilibre pour 2019 rectifiés si d'aventure le Gouvernement était tenté d'appliquer les principes qu'il a définis dans son rapport de juillet 2018 sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale - et qu'on peut résumer par la formule : « que chacun finance ses pertes ». Les régimes obligatoires de base et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) afficheraient un déficit consolidé de 2,8 milliards d'euros - ou 2,5 milliards d'euros pour l'ensemble régime général et le FSV.

Nous serions donc assez loin du retour à l'équilibre annoncé au début de l'automne. Comment mieux illustrer la pertinence de nos réserves sur les coupes prévues dans le flux de TVA à destination de la sécurité sociale et sur le fait qu'on ne saurait lui « faire les poches » avant qu'elles ne soient pleines ?

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