Nous examinons le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant mesures d'urgence économiques et sociales. Le délai de dépôt des amendements a expiré, aucun n'a été déposé.
Ce projet de loi porte, comme son intitulé l'indique, des mesures d'urgence économiques et sociales. Le calendrier imposé au Parlement illustre tout particulièrement ce caractère d'urgence, puisque nous examinons ce texte deux jours seulement après son adoption par le conseil des ministres et le jour même de sa transmission au Sénat par l'Assemblée nationale - qui l'a adopté à 4 h 30 du matin... Il s'agit de conditions de travail que nous nous accorderons à trouver peu confortables.
Heureusement, ce projet de loi est court : il ne compte que quatre articles, relativement brefs. Je tiens à souligner la bonne collaboration des services du Gouvernement, qui ont répondu avec rapidité et précisions à mes questions. Le dialogue a également été nourri, ces derniers jours, avec le rapporteur général à l'Assemblée nationale, Olivier Véran. Je m'en réjouis, et espère que cette bonne collaboration perdurera pour l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et les lois rectificatives à venir, et permettra au Parlement de peser davantage.
Venons-en au fond des mesures de ce projet de loi, qui traduit en droit les mesures annoncées par le Président de la République lors de son discours télévisé à la Nation du 10 décembre dernier, dans le contexte social très particulier de cette fin d'automne.
L'article 1er prévoit que les employeurs pourront verser, entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019, une prime exceptionnelle à leurs employés de 1 000 euros maximum, exonérée de toute imposition, cotisation ou contribution sociale. Précisons qu'il s'agit des employeurs soumis à l'obligation de contribuer à l'assurance chômage et de certains autres employeurs à statut particulier, non des fonctions publiques.
L'article 2 vise, d'une part, à avancer au 1er janvier 2019 - au lieu du 1er septembre comme adopté en loi de financement pour 2019 - l'exonération de cotisations salariales sur les rémunérations liées aux heures supplémentaires, d'autre part, à exonérer d'impôt sur le revenu ces mêmes rémunérations, dans la limite de 5 000 euros nets imposables par an. M. Roger Karoutchi, auteur de ces propositions lors du débat du PLFSS, doit être satisfait. Il regrettait beaucoup de ne voir aucun de ses amendements retenus. Il faut savoir être patient !
En revanche, à l'inverse du régime mis en place par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) de 2007, les cotisations patronales ne seront pas exonérées. Il n'y a donc pas d'incitation pour les employeurs à privilégier les heures supplémentaires plutôt que l'embauche de nouveaux salariés, mais simplement une mesure de pouvoir d'achat renforcé pour les salariés.
L'article 3 rétablit un taux de CSG de 6,6 %, c'est-à-dire le taux applicable jusqu'en 2017, sur les pensions de retraite, d'invalidité ou les allocations chômage, pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil. Même s'il peut y avoir des nuances en fonction de la nature des revenus du foyer, ce seuil correspond à un revenu net mensuel de 2 000 euros pour une personne seule ou de 3 060 euros pour un couple. L'abaissement du taux de CSG concernera 3,8 millions de foyers et 5 millions de retraités, soit la moitié des retraités ayant acquitté une CSG au taux de 8,3 % en 2018. Il resterait ainsi 30 % des retraités soumis au taux de CSG de 8,3 %. Le gain moyen par foyer est estimé à 448 euros par an.
Enfin, l'article 4 propose la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement six mois après la promulgation de cette loi afin de dresser le bilan de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité. Une fois n'est pas coutume, ce rapport est opportun : il introduit le sujet de la prime d'activité dans nos débats, et pour cette mesure peut-être plus encore que pour les autres, l'exécution concrète de la loi sera capitale pour atteindre l'objectif fixé par le Président. En particulier, le taux de recours à la prime d'activité ainsi renforcée devra être élevé, peut-être en allant vers l'automaticité du versement de cette prestation aux personnes qui y ont droit. Près de 75 % des personnes qui y sont éligibles ont recours à la prime d'activité ; essayons d'atteindre le plus vite possible 100 %. Le rapport du Gouvernement devra être précis et présenter des pistes pour améliorer le taux de recours si cela se révélait nécessaire.
L'Assemblée nationale a adopté quelques amendements à ce texte, essentiellement de précision ; aucun d'entre eux n'a modifié l'économie générale du texte déposé par le Gouvernement.
Les mesures sont donc substantielles. De plus, elles s'inscrivent dans un plan plus vaste comprenant, en particulier, l'abandon des augmentations des taxes énergétiques prévues à compter du 1er janvier 2019 - et que le Sénat avait inscrit en première lecture au sein du projet de loi de finances pour 2019.
Comme le rapport écrit le détaille, ce plan coûtera 10,3 milliards d'euros pour les finances publiques en 2019.
En face, à ce stade, une seule mesure a été introduite au sein du PLF 2019 : l'abandon de l'assouplissement de la « niche Copé », pour un gain de l'ordre de 200 millions d'euros. Le Gouvernement annonce, certes, diverses autres mesures, qui devraient être examinées dans le cadre du collectif budgétaire prévu pour la fin du premier trimestre. Mais, même si toutes ces mesures étaient adoptées et exécutées, il resterait un « trou » de 6,4 milliards d'euros. En conséquence, l'article liminaire du PLF 2019 a été corrigé afin de prévoir désormais un déficit public de 3,2 % du PIB en 2019, au lieu des 2,8 % initialement prévus.
Seule une loi de financement de la sécurité sociale peut diminuer les ressources de la sécurité sociale. Or le projet de loi que nous examinons n'est pas un PLFSS. Par conséquent, juridiquement, tout ce que le Parlement votera devra être compensé à la sécurité sociale - sauf à ce qu'une loi de financement future prévoie le contraire. La ministre ne nous a donné qu'une réponse évasive, M. Darmanin n'étant pas là... Nous devrons y veiller. Cela rejoint le débat plus large sur les relations entre l'État et la sécurité sociale. La loi de 1994 prévoit une compensation intégrale, même s'il peut y avoir des dérogations. Selon la Cour des comptes, l'État a compensé la sécurité sociale plus que prévu ces deux dernières années, des moindres recettes de 3 milliards d'euros sont acceptables, mais on ne peut pas sortir de ce cadre.
À titre informatif, vous trouverez néanmoins dans le rapport écrit les tableaux d'équilibre pour 2019 rectifiés si d'aventure le Gouvernement était tenté d'appliquer les principes qu'il a définis dans son rapport de juillet 2018 sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale - et qu'on peut résumer par la formule : « que chacun finance ses pertes ». Les régimes obligatoires de base et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) afficheraient un déficit consolidé de 2,8 milliards d'euros - ou 2,5 milliards d'euros pour l'ensemble régime général et le FSV.
Nous serions donc assez loin du retour à l'équilibre annoncé au début de l'automne. Comment mieux illustrer la pertinence de nos réserves sur les coupes prévues dans le flux de TVA à destination de la sécurité sociale et sur le fait qu'on ne saurait lui « faire les poches » avant qu'elles ne soient pleines ?
Sous le bénéfice de ces observations, nous pouvons convenir que l'économie générale de ce projet de loi répond, au moins en partie, à plusieurs préoccupations soulevées par le Sénat et par notre commission, notamment lors de l'examen des deux derniers PLFSS.
Les gains de pouvoir d'achat qu'entraîneront ces mesures, en particulier pour les travailleurs et les retraités aux revenus modestes, seront substantiels.
De plus, le climat politique actuel invite toutes les institutions à la mesure et à un sens des responsabilités particuliers. Le Sénat doit contribuer à ce que les annonces faites par le Président de la République puissent rapidement se traduire concrètement.
C'est pourquoi je préconise l'adoption, sans modification, de l'ensemble des articles de ce projet de loi par notre commission, puis par le Sénat.
Le Gouvernement, avec précipitation et beaucoup de couacs et de confusion, répond à une situation d'urgence créée par une révolte sociale, dont il n'est certes pas le seul responsable mais à laquelle il a gravement contribué depuis les élections. Ces mesures ne sont pas des « miettes pour les poules » comme l'affirment certains, puisqu'elles engagent 10 milliards d'euros ; elles contribuent à augmenter le pouvoir d'achat de certains de nos concitoyens. Certaines mesures mériteraient un débat approfondi. La prime exceptionnelle est un fusil à un coup, et n'est pas une mesure égalitaire car elle dépend du bon vouloir des entreprises. Le débat sur les heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées n'est pas nouveau. Il n'y aura pas d'exonération des cotisations sociales patronales, ce qui pourrait ne pas contribuer à l'amélioration de la situation sociale du chômage. Plus de 6 milliards d'euros ne seront pas financés, et risquent d'augmenter le déficit budgétaire en 2019. Parmi les dispositions importantes contre lesquelles nous nous étions élevés, la fin de l'indexation des retraites et des prestations familiales n'a pas été remise en cause.
En responsabilité, et en fidélité à son rôle d'opposition, le groupe socialiste, républicain et citoyen s'abstiendra lors du vote du rapport et du projet de loi.
Je partage les propos de M. Daudigny. Nous allons créer des différences notoires entre Français, selon que l'entreprise est une PME ou un grand groupe, en bonne ou mauvaise santé financière. Et les montants vont être différents.
Il en est de même pour les retraités, qui réclamaient la réindexation par rapport à l'inflation, que nous avions votée au Sénat. Et pour donner des heures supplémentaires, l'entreprise doit avoir des carnets de commande bien remplis... Il y a beaucoup d'attentes, il y aura beaucoup de déçus. Je ne suis pas très optimiste. Malgré la trêve des fêtes, je crains que nous ne retrouvions des citoyens dans la rue, au mois de janvier, lorsque débutera le prélèvement à la source... Qu'en est-il de la CSG-CRDS sur les heures supplémentaires ? Il resterait beaucoup à dire sur le financement de cette loi d'urgence.
Sur le fond, il y a une pseudo prise en compte de la mobilisation très large dans le pays, avec des mesures apportant un petit plus, mais ne faisant pas le compte. Le Gouvernement ne prend pas les événements à leur juste valeur. Les citoyens revendiquent une augmentation de salaires, qui n'aura pas lieu, et plus de justice sociale. Les cadeaux vont toujours vers les plus fortunés.
Le Gouvernement annonce des mesures déjà prévues, c'est un peu de l'enfumage... Il bouge un peu, en raison de la mobilisation. Par conséquent, il y en aura d'autres.
Sur la forme, je suis extrêmement choquée que le Gouvernement, ainsi que le Président du Sénat, demandent aux parlementaires de voter le texte conforme pour qu'il soit adopté le plus vite possible. On ne ferait pas autre chose pour prouver que le Parlement ne sert à rien ou suit aveuglément l'exécutif... Nous avons travaillé pour déposer des amendements, ils seront tous retoqués. À quoi cela sert-il ? La politique d'Emmanuel Macron n'améliore pas l'image de l'Assemblée nationale ; et voilà que le Sénat se couche ! C'est très grave.
Il y a une urgence économique et une urgence sociale. Médecin, je distingue l'urgence du traitement de fond. Nous ne ferons pas l'économie d'une vraie prise en charge. C'est davantage la question d'inégalités que celle du pouvoir d'achat qui est posée - et pas seulement les salaires. Les inégalités proviennent aussi du patrimoine, de nombreuses études économiques, comme celles de Thomas Piketty, le montrent. Lors du débat entre CSG et TVA, j'étais plus favorable à la CSG et prônais un plancher à 1 500 euros ; il est ici établi à 1 200 euros. Nous voilà dans l'autoflagellation... Si nous avions pu anticiper cette vague de fond, peut-être n'aurait-elle pas été aussi brutale.
Le mouvement des gilets jaunes a exprimé une plainte contre trop de pression fiscale et sociale. La hausse des salaires serait une mesure trop simpliste, il faut penser pouvoir d'achat.
Le Gouvernement a agi dans la précipitation - le réveil fut tardif - et nous avons le sentiment de ne pas pouvoir débattre suffisamment. Cependant, ces mesures ont déjà été proposées et votées par les sénateurs. Le Gouvernement a totalement oublié l'indexation des pensions des retraités, et l'indexation des bases fiscales demeure inchangée...
Le groupe de l'Union centriste votera en faveur de ce projet de loi.
Je rejoins Mme Cohen sur la précipitation avec laquelle nous devons nous prononcer. Les gilets jaunes ne sont pas dans la rue depuis quelques jours, mais depuis plusieurs semaines ! Le Gouvernement aurait pu prendre ces mesures plus tôt au lieu d'attendre la veille de Noël. Il n'a pas su écouter, et le travail des parlementaires s'en trouve bousculé : l'Assemblée nationale a fini l'examen du texte à 4 h 30... Nous défendrons cet après-midi des arguments plus politiques. Les Français sont dans la rue pour obtenir du pouvoir d'achat, ce qui passe par la revalorisation des retraites, des salaires et des prestations sociales. Ceux qui sont sur les ronds-points sont des retraités, des femmes seules... Il faut leur répondre. Les mesures ne sont pas à la hauteur de la colère : certains gilets jaunes passeront Noël sur les ronds-points...
Des usines à gaz comme l'exonération limitée aux primes exceptionnelles versées après le 11 décembre vont, comme l'a souligné Pascale Gruny, créer de nouvelles injustices. Catherine Di Folco m'a signalé le cas d'une association d'accueil pour autistes ayant versé une prime de fin d'année en novembre : les salariés ont l'impression d'être les dindons de la farce !
Voilà que tout le monde salue le revirement de l'exécutif et le chemin parcouru ; mais celui-ci est jalonné de neuf morts, sans parler des blessés, des magasins vandalisés et des pertes économiques majeures. On est passé de l'arrogance, des certitudes et d'une forme de mépris à une comédie compassionnelle et larmoyante du Président de la République. C'est du très mauvais théâtre !
Cette crise ne date pas d'hier, comme à peu près tous les groupes l'ont reconnu ; elle est le produit des trente ou trente-cinq dernières années. Aujourd'hui, il est urgent de réagir, mais, pendant trente-cinq ans, il n'y a pas eu de réaction, en tout cas de cette ampleur !
En très peu de temps, des mesures ont été prises, la plupart sociales, pour aider, notamment, les classes moyennes les plus défavorisées. Elles ne répondent pas à tout, mais notre responsabilité d'élus est à présent d'essayer de progresser.
Le problème, nous l'avons compris, tous ensemble - pas uniquement la droite, la gauche, le centre, La République En Marche ou qui que ce soit. Quand on voit le nombre d'amendements que déposent les députés de la majorité, on ne peut parler de godillots ! Pour redonner du sens au Parlement et au travail parlementaire, il nous faut aussi nous respecter les uns les autres.
J'appuie le propos de Mme Cohen sur la place réservée au Parlement. Ce matin, un député de la majorité nous a enjoints de voter le texte conforme. Je dois dire que j'ai été émue de voir un député La République En Marche s'intéresser au travail du Sénat... Reste que de telles injonctions sont assez désagréables.
De cette affaire, le Parlement ne sort pas grandi : l'Assemblée nationale est la chambre d'enregistrement du Gouvernement... et le Sénat devient la chambre d'enregistrement de l'Assemblée nationale. Tout cela n'est pas sain.
Depuis plusieurs jours, on entend dire : la crise ne date pas d'aujourd'hui, elle est là depuis trente ans. Dans son allocution de la semaine dernière, le Président de la République, que les circonstances auraient dû porter à la mesure, n'a pu s'empêcher de donner des coups de griffe à ses prédécesseurs. Mais, dans ce cas, ce ne sont pas trente ans de politiques publiques qui sont en cause : ce sont trente ans d'économie financiarisée. Or, l'économie financiarisée, M. Macron l'adore et veut y convertir la France à marche forcée !
Si le Président de la République se heurte à un mur, c'est parce que notre pays n'est pas prêt à se convertir au modèle néolibéral anglo-saxon. Sous Sarkozy comme sous Hollande, et même si, les uns et les autres, nous n'avons pas tout bien fait, nous avons tout de même un peu résisté à la vague libérale. Aujourd'hui, le Gouvernement essaie de détruire le modèle social français !
Non, la situation n'est pas due seulement au temps accumulé : elle est la conséquence des nombreuses provocations des dix-huit derniers mois.
Des mesures auraient pu être prises plus tôt. À cause du manque de réactivité du Gouvernement, je crains que celles proposées aujourd'hui ne règlent rien ; les revendications s'accumulent de jour en jour.
Dans les conseils départementaux, nous sommes régulièrement confrontés à la question de l'information des populations sur leurs droits sociaux. Comme M. le rapporteur l'a souligné, nous devrons être très attentifs au taux de recours à la prime d'activité.
Monsieur Lévrier, je sais bien que c'est votre leitmotiv du moment : la situation actuelle est la conséquence des trente-cinq à quarante dernières années. Je ne supporte plus ce discours : au cours des quarante dernières années, des avancées se sont produites, du RSA à la prime d'activité, sans compter les augmentations de salaires !
Pendant sa campagne déjà, le Président de la République a expliqué que tous les partis, tous les politiques étaient les mêmes : les élus n'ayant pas la cote, ce discours a imprégné les esprits. Aujourd'hui, prétendre que l'on paierait quarante ans d'inaction est intolérable. Ce que l'on paie, c'est dix-huit mois de mépris !
Monsieur le rapporteur, vous a-t-on expliqué pourquoi les retraités devront attendre le 1er mai, voire le 1er juillet, pour que leur CSG baisse ? Je m'étonne qu'il faille plusieurs mois pour appliquer un taux à une pension connue. Cette méthode n'est guère opportune, d'autant qu'il faudra déjà expliquer aux retraités que, contrairement à ce qu'ils ont compris à la télévision, on ne leur remboursera pas la CSG de cette année...
Quant à l'augmentation de la prime d'activité - de quatre-vingt-dix euros, si j'ai bien compris -, elle ne se retrouvera pas sur la feuille de paie de janvier, puisque cette prime est versée par les caisses d'allocations familiales.
Entre le message entendu du Président de la République et son application sur le terrain, il y a donc de nombreuses discordances...
Avant-hier, j'ai été frappée par l'impréparation des deux ministres et le flou de certaines de leurs réponses, s'agissant en particulier des moyens alloués à la CNAF, qui, il faut le souligner, subit une diminution de postes. On nous dit : nous nous occupons d'abord de la mesure, nous verrons ensuite comment l'ajuster. Étonnante méthode... Ce n'est vraiment pas à la hauteur des circonstances !
Ce matin, j'ai entendu à la radio que le Parlement avait définitivement adopté le projet de loi... C'est dire le respect que l'on porte aux chambres !
Ce qui me choque, c'est qu'on choisisse des mesures financées par la dette, donc par l'impôt, déjà considéré comme trop lourd. Faire payer l'amélioration du niveau de vie d'aujourd'hui par les générations futures n'est pas digne d'un banquier. Ce banquier-là, je ne lui confierais pas ma bourse !
Le déficit va atteindre 100 milliards d'euros, tandis que la dette tutoie les 100 % du PIB : est-ce cela que les Français attendent de nous ?
De surcroît, les mesures annoncées ne calmeront rien, parce qu'elles ne traduisent pas les annonces du Président de la République. C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, je suis en désaccord avec l'une des dernières phrases de votre rapport, qui devrait être atténuée : « Pour dire les choses clairement, je considère que le Sénat doit contribuer à ce que les annonces faites par le Président de la République puissent rapidement se traduire de façon concrète. »
Dans un esprit de responsabilité, nous pouvons contribuer à ce que s'appliquent les mesures proposées par le Gouvernement, mais en lui laissant la responsabilité de savoir si elles correspondent aux annonces. Je considère que ce n'est pas entièrement le cas, et que nous allons au-devant de lendemains douloureux.
Chacun a sa part de vérité, mais je tiens à rectifier ce qui a été dit sur la position du président du Sénat.
Dans une interview, le président Larcher a annoncé que le Sénat soutiendrait les propositions du Gouvernement, à la suite de l'Assemblée nationale. Celle-ci, d'ailleurs, s'est d'une certaine façon déjugée, puisque le projet de loi est plus proche de la version du projet de loi de financement de la sécurité sociale adoptée par le Sénat que de la sienne...
Que les députés rejoignent nos positions est une bonne chose pour le Sénat.
Si le président du Sénat a pris cette position, c'est parce qu'il a conscience de l'urgence actuelle et des difficultés du pays. Je puis vous assurer que M. le rapporteur et moi-même, avec de nombreux autres collègues, en particulier présidents de groupe, avons intensément travaillé avec lui sur ce sujet pendant toute une semaine, pour conclure que, malgré toutes nos réserves, il fallait obtenir un résultat immédiat pour essayer - je dis bien essayer - d'éteindre l'incendie, afin que l'activité économique redémarre. Telle est la position du président du Sénat.
Comme M. Savary, je pense qu'il est trop tard pour céder. Peut-être aurait-il fallu le faire au début de la crise. Le faire maintenant, c'est ouvrir la voie à de nouvelles revendications de la part de professions qui se considèrent comme défavorisées, notamment dans le secteur médical.
Malheureusement pour nous, il va falloir répondre à toutes ces demandes, au risque d'aggraver la dette et d'entamer sérieusement l'avenir de notre pays.
Ces mesures risquent, en effet, de ne pas suffire, d'autant que les revendications sont variées. Fallait-il pour autant ne rien faire ? Non : il fallait apporter une réponse, et rapidement.
On peut tout de même considérer que des satisfecit, certes partiels, peuvent être adressés au Gouvernement, même s'il est exact, monsieur Savary, qu'il y a certains décalages entre les mesures prises et les formulations du Président de la République, s'agissant notamment du SMIC.
J'ai entendu le terme « injustice ». Évidemment, le salarié moyen préférerait toucher 100 euros payés par l'entreprise... Mais toutes les entreprises ne seraient pas en mesure de les verser, notamment dans le secteur des aides à la personne.
Il est vrai, monsieur Daudigny, madame Gruny, que certaines mesures aggraveront les injustices entre salariés d'entreprises différentes. Peut-être y aura-t-il des déçus, mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire.
S'agissant de la prime exceptionnelle, je précise que son exonération sera totale. En revanche, les heures supplémentaires seront seulement défiscalisées et exonérées de cotisations sociales ; elles resteront soumises à la CRDS.
Madame Cohen, les gilets jaunes revendiquent, en effet, plus de justice sociale, mais il est faux de dire qu'on distribuerait des cadeaux aux plus fortunés.
Le Sénat ne se couche pas : au contraire, il y a eu, pour une fois, un dialogue entre l'Assemblée nationale, le Gouvernement et notre assemblée, ne serait-ce que pour le choix du véhicule législatif. Prime d'activité ou hausse du SMIC ? Là aussi, il y a eu débat.
Cette prime étant un peu une usine à gaz, il ne serait pas inintéressant que nous nous penchions de manière plus approfondie sur son fonctionnement.
On aurait pu aller plus vite et mieux anticiper : vous l'avez tous signalé, et c'est incontestable. Le risque est de ne pas arriver à éteindre l'incendie, parce qu'on s'y prend trop tard. Oui, madame Apourceau-Poly, le Gouvernement aurait pu écouter plus tôt. Mais, aujourd'hui, faisons preuve de responsabilité pour ne pas prolonger encore les délais de réaction.
Madame Fournier, vous avez raison : certaines des mesures de ce projet de loi ont déjà été votées par le Sénat. Sur la CSG, nous proposions même d'aller beaucoup plus loin.
S'agissant de la prime exceptionnelle, madame Deroche, elle ne sera pas exonérée dans le cas dont vous parlez.
Madame Rossignol, c'est l'Assemblée nationale qui doit aujourd'hui se mordre les doigts de ne pas avoir su écouter ce que, tous, nous avons entendu. Aujourd'hui, elle se déjuge en quelque sorte. Va-t-on vers un modèle anglo-saxon ? Nous sommes là pour en discuter.
La France n'est ni un pays anglo-saxon ni un pays latin. Elle a une originalité à défendre dans son modèle social : un équilibre entre l'État, qui s'occupe des plus fragiles, et la sécurité sociale, qui a une vocation assurancielle au bénéfice de l'ensemble des Français. Nous devons maintenir cet équilibre et ne pas laisser la dérive s'opérer sous nos yeux.
S'agissant du recours à la prime d'activité, madame Berthet, nous avons demandé à Mmes Pénicaud et Buzyn d'agir le plus vite possible.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui avance l'échéance du 1er juillet au 1er mai.
C'est exact, et je l'ai approuvé quand on me l'a soumis. Je dois dire que, pour une fois, un dialogue très suivi s'est établi, heure par heure, entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Pourvu que ça dure...
Madame Lubin, on ne peut pas dire que rien n'a été fait par le passé, mais cela n'a pas suffi.
Monsieur Morisset, j'ai posé la même question que vous sur le délai de cinq mois pour la CSG. Je n'ai pas eu le sentiment d'obtenir une réponse satisfaisante. C'est technique, me dit-on...
Je veux bien comprendre qu'il y ait des difficultés pratiques, mais pourquoi faut-il attendre cinq mois ? Nous poserons à nouveau la question.
Monsieur le rapporteur, si vous voulez modifier la phrase du rapport que j'ai citée, ne vous gênez pas...
Je la modifie : il sera question des annonces faites non par le Président de la République, mais par le Gouvernement, en réponse au Président de la République.
La commission n'a été saisie d'aucun amendement.
Le projet de loi est adopté sans modification.
Si des amendements sont déposés en vue de la séance publique, notre commission les examinera à l'issue de la discussion générale.
L'article 48 alinéa 3 du règlement du Sénat dispose que « les amendements sont recevables s'ils s'appliquent effectivement au texte qu'ils visent ou, en première lecture, s'ils présentent un lien, même indirect, avec le texte en discussion ». Les nôtres ont justement trait au financement des mesures d'urgence.
C'est avec le texte lui-même que les amendements doivent être liés, non avec son intitulé.
Pascale Gruny et M. Stéphane Artano sont nommés rapporteurs de la mission d'information relative à la santé au travail.
La réunion est close à 12 h 05.