Intervention de Agnès Buzyn

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 janvier 2019 à 10h30
Audition de Mme Agnès Buzyn — Deuxième partie

Agnès Buzyn, ministre :

M. Amiel, je comprends votre raisonnement, mais cela reste un scandale pour les malades dans leur vie quotidienne. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas nier que la souffrance endurée, les effets secondaires soient qualifiés de scandale, même si l'origine des troubles peut être la fraude - comme dans les prothèses mammaires PIP - ou un défaut d'un produit qui à long terme s'oxyde. Tout n'est pas volontaire dans ces scandales sanitaires. On accepte le terme de scandale à cause de la souffrance des patients. En revanche, il n'y a pas toujours la volonté de nuire - et heureusement.

En ce qui concerne les prothèses mammaires, il est très facile de refaire l'histoire a posteriori. La France est le seul pays à avoir identifié le risque de lymphomes anaplasiques qui se développaient sur les prothèses mammaires, car nous avions un registre des lymphomes. Nous avons été capables de suivre les cas. Nous avons alerté tous les pays - européens et les Etats-Unis à travers la FDA américaine -, afin de savoir s'ils avaient recensé des cas similaires. Pendant deux ans, j'ai essayé d'obtenir des données de la FDA américaine pour une raison bien précise. La France vendait un maximum de prothèses texturées, alors que les États-Unis utilisent un maximum de prothèses lisses. En France, on n'arrivait pas à faire le lien entre les cas et le type de prothèse. En effet, elles étaient toutes du même type. Les femmes changent de prothèses tous les cinq à dix ans. Beaucoup de femmes en ont deux, trois ou quatre dans leurs vies. Elles avaient toutes eu une prothèse texturée de telle marque. On était dans l'incapacité statistique de faire le lien. Si j'avais pu croiser nos données avec celles de la FDA américaine, où un maximum de prothèses lisses a été posé, cela me permettait mathématiquement d'avoir un plus grand échantillon. La FDA n'a jamais transmis ces données à la France. La direction générale de la santé leur a écrit à de nombreuses reprises. La France s'est retrouvée seule. Aucun autre pays ne disposait de données fiables. A posteriori, j'ai trouvé très dur le reproche qui nous a été adressé d'avoir été trop long pour faire le lien avec les prothèses texturées, alors que nous avons tiré la sonnette d'alarme, nous avons sollicité des réunions européennes sur le sujet.

Aujourd'hui, on commence à avoir suffisamment de signaux pour penser que les prothèses texturées sont plus susceptibles d'engendrer des lymphomes anaplasiques, d'où la décision de l'ANSM d'alerter les prescripteurs sur le risque que présente ce type de prothèses, à ce stade. Les deux prothèses, lisses et texturées, sont remboursées par la sécurité sociale. Ce sont des habitudes des chirurgiens qui font que l'une est posée plutôt que l'autre. Les prothèses texturées tiennent bien et vite, alors que les prothèses lisses nécessitent une coque, elles glissent. L'objectif des travaux en cours est que les prothèses texturées disparaissent totalement du marché, si le risque est confirmé, sauf indication rare, particulière, où on ne veut pas de coque et que les prothèses lisses ne peuvent pas être posées.

Nous avons également demandé à la Haute Autorité de santé d'évaluer toutes les mesures de reconstruction du sein sans pose d'implants, notamment les lambeaux pectoraux. La Haute Autorité de santé devrait dans les semaines qui viennent pouvoir aller jusqu'à une décision de police sanitaire. Je pense que la France a été particulièrement attentive sur ce sujet.

C'est le même problème avec les mèches : les effets secondaires sont-ils dus au dispositif lui-même, ou à une mauvaise technique chirurgicale ? En ce qui concerne le prolapsus, il semblerait que ce soit plus une technique chirurgicale inadéquate qui induit des problèmes, plutôt que le dispositif lui-même. C'est la raison pour laquelle nous avons à notre disposition l'article L. 1151-1 du code de santé publique qui permet de cadrer l'autorisation de poser ou de faire un geste dans des centres expérimentés. Le problème que nous rencontrons est qu'à chaque fois que la Haute Autorité de santé rend un avis sur un dispositif médical et indique qu'il ne sera autorisé que dans dix centres en France, en raison du temps nécessaire à la formation et du nombre minimal d'actes avant diffusion, il y a des recours d'établissements privés, d'industriels... Aujourd'hui, une dizaine de technologies de santé ont été encadrées. Il s'agit toujours de pose de dispositifs. Je pense qu'il ne faut pas hésiter à utiliser cet article.

Vous m'interrogez sur l'existence de comparaisons entre produits. Il y en a lors des essais, entre techniques, avec l'existant. Lorsqu'un avis est rendu pour évaluer le service rendu ou l'amélioration de ce dernier, cela est fait par rapport à l'existant.

Des travaux sont en cours sur la gestion des déchets.

Je vous ai bien entendu sur les ordonnances. La loi de ratification permettra au Parlement d'examiner ce que le Gouvernement a prévu.

En ce qui concerne les contrats d'exclusivité, à ma connaissance il y a toujours la possibilité pour un établissement d'acheter hors marché lorsqu'un dispositif est nécessaire à un acte particulier. Le marché est très encadrant, mais il n'est pas exhaustif. Si un chirurgien a besoin d'un dispositif particulier, un établissement peut l'acheter.

La biovigilance fait partie de la matériovigilance. Dans cette dernière, on évalue l'accident qui va avoir lieu sur le dispositif lui-même et les effets à long terme qui peuvent être biologiques.

Je ne peux pas vous répondre sur le contrôleur interne dans les entreprises. Je vais vous lire ce que prévoit le règlement européen : « il désigne une personne chargée de veiller au respect de la réglementation pour chaque fabricant et mandataire ». Ce règlement doit renforcer les exigences de qualité des opérateurs. Il est prévu par le règlement que le droit national puisse « prévoir des exigences de qualification professionnelle ». Cela pourrait être un médecin, un pharmacien, un ingénieur, un qualiticien. De même, les diplômes reconnus par la France pourraient être précisés dans un arrêté, à l'instar de ce qui a été prévu dans d'autres domaines.

Les essais cliniques sont soumis aux comités de protection des personnes. Un essai clinique sur un dispositif médical suit la même réglementation qu'un essai clinique sur un médicament. L'évaluation clinique d'un nouveau dispositif est-elle équivalente à ce qui existe pour le médicament ? Avec le renforcement du règlement, cela ne sera plus possible d'obtenir une mise sur le marché avec une simple équivalence.

Les contrats d'achat ne sont pas des contrats d'exclusivité. Pour prendre l'exemple de Rouen, le nombre de dispositifs achetés de la marque Medtronics représente 50 % des dispositifs médicaux implantés. Les chirurgiens ont le libre choix. On renforcera par un courrier aux établissements une note d'information relative à leur liberté d'action. Nous allons avoir une veille active de ces marchés innovants au sein du ministère.

Actuellement, il est illégal pour un chirurgien de filmer une opération sans accord du patient.

La matériovigilance et la traçabilité informatique des médicaments et dispositifs médicaux exigées dans tous les établissements font partie des objectifs des contrats d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

Il est évident qu'à terme, le dossier médical personnalisé (DMP) devra contenir l'identifiant des dispositifs médicaux. Si le DMP fonctionne bien, c'est-à-dire si l'on dispose des comptes rendus chirurgicaux ou de geste, ces informations seront nécessairement intégrées. En effet, les directives européennes imposent de mentionner dans les comptes rendus chirurgicaux ou de geste la marque et l'identifiant du dispositif posé.

En ce qui concerne l'ANSM, ce ne sont pas les mêmes types d'ETP qui ont été supprimés et créés. Nous avons ajouté des fonctions de contrôle. Les moyens financiers ont été maintenus. Cela s'est fait en discussion avec l'ANSM. Il y a eu une revue des missions. Nous avons ajouté des postes à haute valeur ajoutée. Les 23 ETP supprimés concernaient des fonctions de support.

Nous avons anticipé le prochain règlement européen. Nous nous opposons à ce qui est demandé par les industriels, à savoir un report de la réglementation européenne. Nous voulons que le règlement soit appliqué dès le 1er janvier 2020. En outre, nous avons demandé à la HAS d'élargir ses évaluations à tous les dispositifs implantables, c'est-à-dire tous les dispositifs de classe 3.

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