On pourrait débattre longtemps des ordonnances.
Vous avez fait de nombreuses annonces dans votre exposé. Si ces dernières sont mises en oeuvre, je pense que l'on aura déjà fait des avancées importantes. Je partage votre point de vue lorsque vous soulignez l'apport des dispositifs médicaux. Ces derniers - je ne parle pas de quelques objets accessoires - ont amélioré la vie de bien des patients, voire leur ont sauvé la vie.
Je pense également que la mise en place d'une autorisation de mise sur le marché par l'ANSM des dispositifs de classe 3 serait une bonne idée, comme preuve de l'attention que l'on peut y porter.
En ce qui concerne les prothèses mammaires, vous avez parlé de l'absence de remboursement. Sauf erreur de ma part, ces prothèses, lorsqu'il s'agit de chirurgie reconstructrice dans le cas de cancers du sein, sont remboursées. Le paradoxe actuel veut que les prothèses texturées, qui sont soupçonnées d'être à l'origine de lymphomes anaplasiques à grandes cellules, fussent les seules à être remboursées, alors que les prothèses lisses ne l'étaient pas. Lorsqu'il y a ce genre de soucis, n'y aurait-il pas la possibilité de réagir très vite, via une suspension, un moratoire, afin de démontrer l'innocuité du dispositif, et de revenir au dispositif préalable pendant cette période, à savoir la prothèse lisse ?
Mettre en place une fiche de matériovigilance à déclaration obligatoire est essentiel dans le suivi a posteriori des incidents. Mais cette obligation existe déjà. Est-elle bien remplie aujourd'hui, notamment pour tous les dispositifs implantés ?
Il faut faire le distinguo entre ce qu'il faut appeler un scandale, et des effets secondaires pas forcément prévisibles. Je reprends l'exemple de Mme Cohen. Le Médiator® était un scandale. J'en suis moins convaincu pour la Dépakine®. Je ne prends pas le parti de Sanofi, mais sauf erreur de ma part, la Dépakine était réputée contre-indiquée chez les femmes enceintes. Que certains médecins aient continué à prescrire ce médicament est un autre sujet, mais cela ne met pas forcément en cause le laboratoire. De même, en ce qui concerne les prothèses vaginales pour éviter les descentes d'organes, les conditions dans lesquelles la prothèse Prolift® avait été mise à disposition ne devraient plus se reproduire. En effet, ce dispositif a été mis en place et essayé par des chirurgiens très expérimentés, mais ensuite, il a été utilisé par des chirurgiens beaucoup moins expérimentés. Or, on sait que ce type de chirurgie est extrêmement sensible à l'expérience de celui qui la pratique.
Avant de valider ce type de dispositif, il existait d'autres types de chirurgie efficaces. N'y a-t-il pas lieu, dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché, de mettre en concurrence, comme on le fait dans l'évaluation des médicaments, une nouvelle technique avec une ancienne, et un nouveau dispositif avec un ancien ?
Concernant les implants mammaires, comme les prothèses texturées étaient remboursées, alors que les prothèses lisses ne l'étaient plus, on a assisté à ce qu'il faut appeler un effet « mode ».
Je suis particulièrement sollicitée sur la question de la collecte des déchets médicaux, et tout particulièrement ceux qui sont utilisés par les personnes atteintes de diabète. La filière des déchets d'activité de soins à risques infectieux (DASRI) est en attente d'une base légale et claire. Il est important de la donner. Quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer la prise en charge de ces dispositifs médicaux devenus déchets après utilisation des patients ?
Je rejoins ce qu'a dit le président Milon tout à l'heure ainsi que mes collègues concernant les ordonnances. Le Parlement est présent et ne doit pas être oublié.
Vous avez évoqué la matériovigilance, mais pas la réactovigilance. Il est nécessaire, à mon avis, pour le suivi microbiologique de certains dispositifs, de poursuivre les analyses. Je pense aux cathéters. Des examens sont faits pour vérifier qu'il n'y a pas d'infections, des hémocultures sont réalisées pour vérifier l'absence de septicémie.
Ma deuxième question porte sur les contrats d'exclusivité. Comment faites-vous pour rédiger les cahiers des charges des marchés publics ? Y a-t-il des critères précis ? Y a-t-il une homogénéisation ? Y a-t-il un format type de contrat ? Pour certains types de dispositifs, des contrats d'exclusivité mettent de fait en difficulté certains établissements car ils engendrent des surcoûts.
Je vous remercie, madame la ministre, pour avoir affirmé votre engagement fort sur la sécurité des dispositifs médicaux.
La Commission européenne a prévu que chaque entreprise fabriquant des dispositifs médicaux devra comprendre en son sein une personne chargée de contrôler la conformité des dispositifs, avec une formation ou une expérience minimale. Nous sommes encore loin des garanties apportées par le pharmacien responsable dans les entreprises du médicament. Sera-t-il possible dans la réglementation française de prévoir des règles plus exigeantes, pour ces contrôleurs internes, notamment en termes de responsabilité ?
Dans quelles mesures la révision en 2017 des directives relatives aux dispositifs médicaux améliore l'exigence des évaluations cliniques dans un sens plus favorable à la sécurité des patients ? Sera-t-il encore possible de commercialiser un dispositif similaire à un dispositif déjà homologué, par le biais d'une simple procédure d'équivalence sans essai préalable ? Je rappelle que, pour les médicaments, les médicaments génériques font l'objet d'essais cliniques.
En matière d'essai clinique pour les dispositifs médicaux, des exigences particulières devront-elles être prévues pour l'examen de demandes d'essai par les comités de protection des personnes et l'ANSM ?
Enfin, l'enquête que nous avons déjà évoquée « Implant Files » relève des partenariats conclus par des géants des technologies médicales avec des hôpitaux français en termes d'équipements, de fournitures de salles d'opération de haute technologie en contrepartie de contrats d'achat et de poses d'implants. Que pensez-vous de ces pratiques commerciales ? Sont-elles acceptables ou au contraire la loi devra-t-elle les interdire ?
Lors d'un récent reportage, j'ai découvert la pratique de certains praticiens aux États-Unis qui filment leurs patients lors des opérations. Le patient est-il protégé vis-à-vis de ces « méthodes de communication » du praticien ?
Vos objectifs en matière d'amélioration du management et de la qualité du circuit des médicaments, de traçabilité, de matériovigilance et de formation sont justifiés. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Mais, vous n'avez pas évoqué les moyens pour les atteindre, alors que l'on connaît les difficultés de nos établissements pour assurer l'essence de leurs missions au quotidien. Pensez-vous intégrer ces objectifs dans les contrats d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins notamment ? Dans le volet obligatoire, ou les volets additionnels ? Sur quels critères allez-vous vous appuyer pour autoriser les pratiques spécifiques que vous avez évoquées ? Je pense au prolapsus.
Ma question est très pratique. La mise en place du dossier médical partagé pourrait être l'occasion de vérifier les actes chirurgicaux. La procédure utilisée pour suivre le patient en pharmacie ne pourrait-elle pas être reprise pour suivre les opérations, connaître le type de prothèses utilisées ?
Vous avez évoqué la création de 4 ETP pour l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Or, au dernier conseil d'administration, 23 ETP ont été supprimés dans les moyens alloués pour 2019. Je cumule les emplois plafond et hors plafond. La baisse des dotations est de près de 300 000 euros. Je pense que cela fait le lien avec ce que disait Mme Cohen tout à l'heure, qui siège avec moi dans cette instance. On a évoqué le maintien à 118 millions d'euros de la dotation de l'État pour cet établissement. Nous sommes inquiets sur les moyens dont elle dispose, notamment pour les dispositifs médicaux. L'ANSM est le seul établissement public à avoir répondu sur une enquête internationale portant sur les dispositifs médicaux, de manière transparente. Cela a permis de mettre en évidence la question des moyens de l'agence en termes de contrôle des dispositifs médicaux. C'est la raison pour laquelle je m'étais abstenu sur le vote de ce budget. De mon point de vue, la baisse des effectifs n'est pas forcément un bon signal, même si l'agence continue sa transformation.
Un règlement européen devrait intervenir en 2020. La France peut-elle être plus ambitieuse dès maintenant, en anticipant cette réglementation ? Je sais que vous êtes très active au niveau européen. En effet, la réglementation en vigueur n'a pas empêché un certain nombre de défaillances qui ont mené à des scandales. Nous avons le souci que la France soit précurseur et sécurise ceux qui ont recours aux dispositifs médicaux.
M. Amiel, je comprends votre raisonnement, mais cela reste un scandale pour les malades dans leur vie quotidienne. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas nier que la souffrance endurée, les effets secondaires soient qualifiés de scandale, même si l'origine des troubles peut être la fraude - comme dans les prothèses mammaires PIP - ou un défaut d'un produit qui à long terme s'oxyde. Tout n'est pas volontaire dans ces scandales sanitaires. On accepte le terme de scandale à cause de la souffrance des patients. En revanche, il n'y a pas toujours la volonté de nuire - et heureusement.
En ce qui concerne les prothèses mammaires, il est très facile de refaire l'histoire a posteriori. La France est le seul pays à avoir identifié le risque de lymphomes anaplasiques qui se développaient sur les prothèses mammaires, car nous avions un registre des lymphomes. Nous avons été capables de suivre les cas. Nous avons alerté tous les pays - européens et les Etats-Unis à travers la FDA américaine -, afin de savoir s'ils avaient recensé des cas similaires. Pendant deux ans, j'ai essayé d'obtenir des données de la FDA américaine pour une raison bien précise. La France vendait un maximum de prothèses texturées, alors que les États-Unis utilisent un maximum de prothèses lisses. En France, on n'arrivait pas à faire le lien entre les cas et le type de prothèse. En effet, elles étaient toutes du même type. Les femmes changent de prothèses tous les cinq à dix ans. Beaucoup de femmes en ont deux, trois ou quatre dans leurs vies. Elles avaient toutes eu une prothèse texturée de telle marque. On était dans l'incapacité statistique de faire le lien. Si j'avais pu croiser nos données avec celles de la FDA américaine, où un maximum de prothèses lisses a été posé, cela me permettait mathématiquement d'avoir un plus grand échantillon. La FDA n'a jamais transmis ces données à la France. La direction générale de la santé leur a écrit à de nombreuses reprises. La France s'est retrouvée seule. Aucun autre pays ne disposait de données fiables. A posteriori, j'ai trouvé très dur le reproche qui nous a été adressé d'avoir été trop long pour faire le lien avec les prothèses texturées, alors que nous avons tiré la sonnette d'alarme, nous avons sollicité des réunions européennes sur le sujet.
Aujourd'hui, on commence à avoir suffisamment de signaux pour penser que les prothèses texturées sont plus susceptibles d'engendrer des lymphomes anaplasiques, d'où la décision de l'ANSM d'alerter les prescripteurs sur le risque que présente ce type de prothèses, à ce stade. Les deux prothèses, lisses et texturées, sont remboursées par la sécurité sociale. Ce sont des habitudes des chirurgiens qui font que l'une est posée plutôt que l'autre. Les prothèses texturées tiennent bien et vite, alors que les prothèses lisses nécessitent une coque, elles glissent. L'objectif des travaux en cours est que les prothèses texturées disparaissent totalement du marché, si le risque est confirmé, sauf indication rare, particulière, où on ne veut pas de coque et que les prothèses lisses ne peuvent pas être posées.
Nous avons également demandé à la Haute Autorité de santé d'évaluer toutes les mesures de reconstruction du sein sans pose d'implants, notamment les lambeaux pectoraux. La Haute Autorité de santé devrait dans les semaines qui viennent pouvoir aller jusqu'à une décision de police sanitaire. Je pense que la France a été particulièrement attentive sur ce sujet.
C'est le même problème avec les mèches : les effets secondaires sont-ils dus au dispositif lui-même, ou à une mauvaise technique chirurgicale ? En ce qui concerne le prolapsus, il semblerait que ce soit plus une technique chirurgicale inadéquate qui induit des problèmes, plutôt que le dispositif lui-même. C'est la raison pour laquelle nous avons à notre disposition l'article L. 1151-1 du code de santé publique qui permet de cadrer l'autorisation de poser ou de faire un geste dans des centres expérimentés. Le problème que nous rencontrons est qu'à chaque fois que la Haute Autorité de santé rend un avis sur un dispositif médical et indique qu'il ne sera autorisé que dans dix centres en France, en raison du temps nécessaire à la formation et du nombre minimal d'actes avant diffusion, il y a des recours d'établissements privés, d'industriels... Aujourd'hui, une dizaine de technologies de santé ont été encadrées. Il s'agit toujours de pose de dispositifs. Je pense qu'il ne faut pas hésiter à utiliser cet article.
Vous m'interrogez sur l'existence de comparaisons entre produits. Il y en a lors des essais, entre techniques, avec l'existant. Lorsqu'un avis est rendu pour évaluer le service rendu ou l'amélioration de ce dernier, cela est fait par rapport à l'existant.
Des travaux sont en cours sur la gestion des déchets.
Je vous ai bien entendu sur les ordonnances. La loi de ratification permettra au Parlement d'examiner ce que le Gouvernement a prévu.
En ce qui concerne les contrats d'exclusivité, à ma connaissance il y a toujours la possibilité pour un établissement d'acheter hors marché lorsqu'un dispositif est nécessaire à un acte particulier. Le marché est très encadrant, mais il n'est pas exhaustif. Si un chirurgien a besoin d'un dispositif particulier, un établissement peut l'acheter.
La biovigilance fait partie de la matériovigilance. Dans cette dernière, on évalue l'accident qui va avoir lieu sur le dispositif lui-même et les effets à long terme qui peuvent être biologiques.
Je ne peux pas vous répondre sur le contrôleur interne dans les entreprises. Je vais vous lire ce que prévoit le règlement européen : « il désigne une personne chargée de veiller au respect de la réglementation pour chaque fabricant et mandataire ». Ce règlement doit renforcer les exigences de qualité des opérateurs. Il est prévu par le règlement que le droit national puisse « prévoir des exigences de qualification professionnelle ». Cela pourrait être un médecin, un pharmacien, un ingénieur, un qualiticien. De même, les diplômes reconnus par la France pourraient être précisés dans un arrêté, à l'instar de ce qui a été prévu dans d'autres domaines.
Les essais cliniques sont soumis aux comités de protection des personnes. Un essai clinique sur un dispositif médical suit la même réglementation qu'un essai clinique sur un médicament. L'évaluation clinique d'un nouveau dispositif est-elle équivalente à ce qui existe pour le médicament ? Avec le renforcement du règlement, cela ne sera plus possible d'obtenir une mise sur le marché avec une simple équivalence.
Les contrats d'achat ne sont pas des contrats d'exclusivité. Pour prendre l'exemple de Rouen, le nombre de dispositifs achetés de la marque Medtronics représente 50 % des dispositifs médicaux implantés. Les chirurgiens ont le libre choix. On renforcera par un courrier aux établissements une note d'information relative à leur liberté d'action. Nous allons avoir une veille active de ces marchés innovants au sein du ministère.
Actuellement, il est illégal pour un chirurgien de filmer une opération sans accord du patient.
La matériovigilance et la traçabilité informatique des médicaments et dispositifs médicaux exigées dans tous les établissements font partie des objectifs des contrats d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.
Il est évident qu'à terme, le dossier médical personnalisé (DMP) devra contenir l'identifiant des dispositifs médicaux. Si le DMP fonctionne bien, c'est-à-dire si l'on dispose des comptes rendus chirurgicaux ou de geste, ces informations seront nécessairement intégrées. En effet, les directives européennes imposent de mentionner dans les comptes rendus chirurgicaux ou de geste la marque et l'identifiant du dispositif posé.
En ce qui concerne l'ANSM, ce ne sont pas les mêmes types d'ETP qui ont été supprimés et créés. Nous avons ajouté des fonctions de contrôle. Les moyens financiers ont été maintenus. Cela s'est fait en discussion avec l'ANSM. Il y a eu une revue des missions. Nous avons ajouté des postes à haute valeur ajoutée. Les 23 ETP supprimés concernaient des fonctions de support.
Nous avons anticipé le prochain règlement européen. Nous nous opposons à ce qui est demandé par les industriels, à savoir un report de la réglementation européenne. Nous voulons que le règlement soit appliqué dès le 1er janvier 2020. En outre, nous avons demandé à la HAS d'élargir ses évaluations à tous les dispositifs implantables, c'est-à-dire tous les dispositifs de classe 3.