Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat sur la demande d’habilitation du Gouvernement à prendre des mesures de préparation au retrait britannique illustre, comme nous l’avons souligné lors de la première lecture, la crise que traversent aujourd’hui l’Union européenne et le projet européen tout entier.
Nous l’avons souligné : cette crise est inédite par sa gravité et son ampleur, car elle dépasse le cas britannique. L’Union européenne n’est plus, aux yeux de tous, à même de faire la richesse des nations ou d’assurer la prospérité des peuples. À cet égard, je n’approuve pas les propos qu’André Gattolin vient de prononcer, et je constate que nous n’avons pas toujours analysé les causes profondes de la décision du peuple britannique.
Ce débat met également en lumière le rapport de force entre le Parlement et le gouvernement britanniques, qui ne tourne pas toujours au désavantage du premier.
Ainsi, après le vote d’un amendement à la loi de finances qui a fixé des limites au pouvoir du Gouvernement de modifier, à la suite du Brexit, la réglementation relative aux taxations indirectes, de nombreux observateurs de la vie institutionnelle britannique ont relevé le peu de docilité dont les députés de la Chambre des communes ont fait preuve face à l’exécutif, en rejetant le projet de retrait mardi dernier. Or, comme l’a déclaré Theresa May hier, « la Chambre a parlé et ce gouvernement écoutera ».
L’exécutif britannique a donc trois jours pour présenter un nouvel accord au Parlement, au risque de laisser la possibilité à ce même Parlement de définir les conditions du Brexit, si le Gouvernement n’y parvenait pas.
Je tenais à relever ce point en préambule, car, malgré les difficultés, voire le chaos que connaissent nos amis britanniques, le vote d’hier démontre, d’une certaine manière, la vitalité de leur démocratie parlementaire. Le Parlement est un véritable contre-pouvoir à l’exécutif, et les parlementaires de la majorité ne sont pas de simples godillots. C’est aussi cela, une véritable démocratie représentative.
Je regrette donc d’autant plus que, une fois encore avec ce projet de loi d’habilitation, la majorité de l’Assemblée nationale n’ait pas su préserver les avancées votées par le Sénat.
Comme l’a rappelé notre rapporteur, Ladislas Poniatowski, lors des débats au Sénat, le Gouvernement a supprimé une bonne partie du travail de la commission spéciale. Je reprends ses termes : « Cette dernière a pourtant fait du bon travail et n’a pas cherché à enquiquiner le Gouvernement en le mettant en difficulté. Elle a, au contraire, tenté très sincèrement d’aider en tenant compte de la situation des Britanniques, y compris après le Brexit, qu’il y ait ou non accord. »
Nous l’avions déjà souligné au sujet de ce projet d’habilitation : même si l’urgence est réelle, le Gouvernement demande des pouvoirs dérogatoires à nos yeux trop étendus, qu’il s’agisse de l’urbanisme, de l’aménagement, du respect du droit de l’environnement ou des règles de la commande publique.
D’ailleurs, nous l’avons souligné lors des débats, la question des aménagements nécessaires afin d’assurer le contrôle des marchandises et des passagers en provenance et à destination du Royaume-Uni n’est pas nouvelle, tout comme la faiblesse de nos ports, par manque de vision claire et, surtout, d’investissements. C’est donc en première urgence, dès le début du quinquennat, qu’il aurait fallu construire des bureaux de douane et recruter les agents nécessaires à l’anticipation de cet événement historique qu’est le Brexit.
Toutefois, la finalité des ordonnances telle que précisée par le Sénat a été préservée, et l’information du Parlement a été renforcée.
Aussi, comme en première lecture, nous nous abstiendrons sur ce texte, malgré notre opposition de principe aux demandes d’habilitation, malgré aussi le fait que la situation d’urgence est pour partie le fait du Gouvernement, qui aurait dû anticiper l’hypothèse d’une sortie britannique sans accord ; il a d’ailleurs montré sa capacité à le faire en matière fiscale ou financière, lorsqu’il s’agissait de « renforcer » l’attractivité de la place financière de Paris.
Nous nous abstiendrons, car le sort des ressortissants britanniques installés en France et des Français installés au Royaume-Uni ne peut souffrir d’incertitudes ; le projet d’habilitation permet d’y répondre.