Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, de l’Entente cordiale nos jours, les relations entre le Royaume-Uni et notre pays sont le fruit d’une longue construction qui a tenu bon malgré les soubresauts de l’histoire, particulièrement lorsque cette dernière s’est montrée sous son jour le plus tragique, lors de la Seconde Guerre mondiale.
Nos deux pays sont liés, et ils le resteront au-delà de la volonté des électeurs britanniques de sortir de l’Union européenne. Ils sont liés parce qu’ils sont voisins et à peine séparés par une bande de mer large de trente-six kilomètres. Ils sont liés par leur histoire entremêlée et leur mémoire commune. Ils sont liés, enfin, par les 200 000 Britanniques vivants sur le sol français et les près de 300 000 Français résidant outre-Manche. De nombreuses entreprises collaborent entre nos deux pays, au point que 30 000 sociétés françaises exportent, outre-Manche, l’équivalent de 3 % de notre PIB.
Malgré tout, rien ne sera sans conséquence pour nos deux pays. Dès lors, au-delà de nos regrets, nous ne pouvons qu’accompagner du mieux possible la décision de sortie de l’Union européenne.
C’est dans cet état d’esprit que nous avons abordé l’examen de ce projet de loi, et c’est dans cet esprit que nous poursuivrons notre travail. Mais, depuis l’annonce des résultats du référendum, la situation a pris une drôle de tournure. Le dernier soubresaut est survenu avec le vote de la Chambre de communes, ce mardi 15 janvier, qui s’est soldé par le rejet de l’accord sur le Brexit. Aucun doute n’a été levé par le Royaume-Uni ; pis encore, de nombreuses incertitudes viennent aggraver une situation déjà hasardeuse.
Ce projet de loi doit permettre de préparer l’éventualité d’un Brexit sans accord. Mais, en tout état de cause, il ne permettra que de gérer cette urgence, et toutes les incertitudes ne pourront être levées.
De très nombreux points d’inquiétude subsistent, d’autant que, malgré ces mesures pour lesquelles le Gouvernement nous demande notre habilitation, malgré les efforts consentis, nous serons difficilement prêts, en cas de Brexit, le 29 mars 2019.
Dans tous les cas, le degré d’impréparation du Royaume-Uni ne manquera pas d’avoir de lourdes conséquences.
Au rang de nos inquiétudes se trouve notamment la gestion des espaces frontaliers qui voient transiter, à titre d’exemple, plus de 5, 2 millions de camions chaque année. S’y ajoutent des questions concrètes pour les déplacements de nos concitoyens et des sujets britanniques, pour nos étudiants et pour nos entreprises.
En outre, la Commission européenne doit mieux prendre en compte les conséquences du Brexit sur l’organisation et les activités de nos ports maritimes. Ces derniers méritent autant son attention que les ports hollandais et belges. Je pense notamment aux ports de Cherbourg et du Havre, dont les équipements et les personnels doivent certes être renforcés, mais dont le savoir-faire n’est plus à démontrer pour absorber les flux venus d’Irlande dans les meilleures conditions possible.
Je réitère également, au nom de mon groupe, les propos tenus par mon ami Didier Marie : à nos yeux, notre travail de parlementaires est d’accompagner le Gouvernement, en lui donnant les moyens d’agir avec flexibilité et réactivité, notamment par l’outil des ordonnances. Mais cette méthode doit engager le Gouvernement à garantir la plus grande transparence, en permettant au Parlement d’exercer pleinement ses capacités de contrôle.
Sur ce dernier point, nous serons inflexibles. Le Parlement doit pouvoir contrôler avec régularité et précision toutes les actions du Gouvernement dans le processus de sortie de l’Union européenne qu’a engagé le Royaume-Uni.
Ainsi, au-delà de nos travaux en séance, nous souhaitons avoir le retour du terrain le plus direct possible, et même être en mesure d’aller à la rencontre des différents acteurs, notamment au sujet des frontières maritimes.
C’est pourquoi nous avons apprécié la rédaction proposée par l’Assemblée nationale au premier alinéa de l’article 4 ; elle exprime le souci de garantir un véritable contrôle parlementaire, aussi bien sur la préparation des ordonnances que sur la mise en œuvre des mesures décidées dans le cadre de cette procédure.
Le présent texte confère une large marge d’action au Gouvernement pour prendre des mesures dérogatoires en matière d’aménagement, d’urbanisme et de règles relatives aux commandes publiques. En contrepartie, il importe donc que les parlementaires puissent jouer un véritable rôle de contrôle et d’évaluation des mesures adoptées.