Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est dans un contexte évidemment particulier que nous procédons aujourd’hui à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi Brexit, dont nous venons de débattre longuement.
La situation politique britannique fait en effet peser encore davantage d’incertitudes sur les conditions de la sortie de ce pays de l’Union européenne. Le scénario du no deal étant de plus en plus probable, cela justifie plus que jamais la prise de mesures d’urgence, donc l’adoption de ce texte.
Malgré le flou qui entoure cette affaire depuis son commencement, il est certain que les effets attendus d’un Brexit sans accord seront probablement graves pour l’économie, tant britannique que française et européenne.
Ainsi, dans mon département, le Nord, mais aussi dans le Pas-de-Calais et dans les territoires qui en sont proches, de très nombreuses entreprises commercent quotidiennement avec le Royaume-Uni et sont dépendantes du principe de libre circulation qui est aujourd’hui remis en cause. Je ne suis d’ailleurs pas certain – c’est un euphémisme ! – que les entreprises aient pris la juste mesure des conséquences et qu’elles soient toutes prêtes.
Il ressort également que les infrastructures routières et portuaires ne sont pas adaptées aux longues files d’attente qu’entraînera nécessairement la remise en place de contrôles douaniers et sanitaires. Or la fluidité du trafic transmanche est essentielle pour l’activité de ces entreprises, et il en va de même pour des milliers d’entreprises ailleurs en France, tout comme chez nos voisins continentaux.
Nos collectivités et nos entreprises ne pourront pas seules faire face à un changement aussi radical et brutal. L’État et les autorités européennes doivent les accompagner et les protéger.
Le Brexit n’affectera pas seulement notre économie : il impactera aussi les droits de nos citoyens établis outre-Manche, la fonction publique, les étudiants en mobilité, et bien d’autres domaines encore. Le projet de loi a justement pour objet de répondre à ces enjeux, et le Gouvernement entend pour cela procéder selon un principe général de réciprocité. Si cette approche est légitime et indispensable, l’absence d’indications de la part de nos partenaires britanniques sur leurs intentions limite nécessairement sa mise en œuvre.
En clair, le problème est que ni le Parlement britannique ni l’opinion britannique ne savent réellement ce qu’ils veulent. C’est d’ailleurs une leçon sur les dangers des consultations populaires improvisées : il est plus facile de construire des majorités contre que des majorités pour. C’est à méditer, alors même que le référendum d’initiative citoyenne, le RIC, surgit dans le débat politique français.
David Cameron a voulu jouer au plus malin, et tel le rat avec l’huître dans les fables de La Fontaine, « tel est pris qui croyait prendre ». Dans la presse de ce matin, il a dit qu’il ne regrettait rien. Que diable, un peu d’humilité ferait du bien ! Je crois que David Cameron, tout comme le référendum en Angleterre, est hors-jeu pour longtemps, voire pour toujours. Tant mieux ! N’est pas Churchill qui veut…
Compte tenu de cette situation de confusion, je veux saluer le travail constructif des deux assemblées. Le Parlement n’est évidemment, cela a été dit, que rarement favorable a priori au recours aux ordonnances. Nous reconnaissons cependant que cette méthode est la plus adaptée pour faire face à l’urgence de la situation. Je pense notamment aux procédures d’urgence en matière d’urbanisme et à beaucoup d’autres encore.
La commission mixte paritaire a abouti à un texte équilibré, à même de permettre au Gouvernement de remplir pleinement ses objectifs pour limiter l’impact du no deal tout en bénéficiant des apports du Parlement. Je veux, à ce stade, saluer le travail du rapporteur Ladislas Poniatowski et le remercier à la fois de l’ambiance qui a régné parmi nous et des conclusions qui ont été rendues. Cette commission a constitué, pour le jeune sénateur que je suis, un moment d’apprentissage assez précieux.
Le groupe Union Centriste restera très attentif à la mise en œuvre des ordonnances prévues par le projet de loi, dans le respect des compétences du Gouvernement et du Parlement. Nous qui sommes des partisans de la belle et grande idée européenne, nous veillerons à ce que les intérêts de notre pays comme ceux de l’Union européenne soient préservés au mieux, dans le respect d’un partenaire historique de première importance.