Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les bons Européens sont ceux qui savent identifier les difficultés, essaient de les résoudre et ne se laissent jamais décourager ». Il nous revient plus que jamais de suivre cette phrase de Paul-Henri Spaak et de ne pas nous décourager face à la décision radicale prise mardi par la Chambre des communes britannique.
Le Royaume-Uni semble en effet avoir décidé de mettre fin de façon désordonnée à ses quarante-six ans d’appartenance à l’Union européenne, en rejetant un texte négocié durant plus de dix-sept mois ; je tiens, à cet égard, à saluer l’excellent travail mené par Michel Barnier. Ce rejet plonge le Royaume-Uni et l’Union européenne dans un état d’incertitude inédit.
Pourtant, en décembre dernier, Theresa May a réussi à repousser le vote dans l’espoir de parvenir à un accord avec les députés ou d’arracher une concession à Bruxelles. Échec des deux côtés. Or, en parallèle, l’horloge continue de tourner, la date du Brexit se rapproche : soixante-dix jours pour éviter de rompre dans le chaos et l’urgence. Les semaines à venir s’annoncent, à la fois, décisives et terriblement incertaines.
À l’heure du premier bilan, il est difficile d’évaluer la performance de Theresa May. Force est de constater que, en dépit d’élections anticipées catastrophiques, des démissions en série, des confrontations défavorables à Bruxelles, des revirements récurrents et des fausses informations répandues sur les réseaux sociaux, Theresa May a su faire preuve d’une capacité de résilience peu commune. On ne peut que l’admirer pour cela.
Comment ne pas en vouloir à cette classe politique britannique, première responsable de cette faillite collective, à commencer par le parti conservateur, qui risque de précipiter tout le Royaume-Uni dans un Brexit sans accord dont personne ne voulait ? Et que dire de cette coalition baroque regroupant les eurosceptiques et européistes irréductibles, les Écossais indépendantistes et les Nord-Irlandais unionistes, des conservateurs et des travaillistes, réunis pour s’opposer à un accord pour des raisons bien différentes les unes des autres ?
Dès lors, que faire ? Plusieurs hypothèses sont sur la table : renégociation de l’accord, nouveau référendum, élections anticipées, hard Brexit, Brexit sous conditions, motion de défiance… Certains évoquent même un report de la date du 29 mars, avec des conséquences ubuesques sur les élections européennes du 26 mai.
Il est consternant de constater que l’Europe est totalement impuissante et dépendante de la dynamique politique anglaise, alors même que les Européens ont multiplié les efforts et les signaux, y compris pour rassurer les Anglais sur le backstop irlandais.
Il convient de ne pas oublier que ce projet d’accord, froidement rejeté par le Royaume-Uni, s’inscrit à bien des égards dans une perspective plus large, celle de la construction d’une relation future entre les Européens et les Britanniques.
La France devra œuvrer avec ses partenaires européens, en maintenant l’unité et la solidarité des Vingt-Sept, pour trouver rapidement des solutions communes et pérennes. Le Royaume-Uni est et doit rester, d’une façon ou d’une autre, un partenaire de la France et de l’Europe.
Nous devons aller de l’avant, assurer cette continuité, mais aussi penser à l’avenir de l’Union européenne à vingt-sept, ainsi qu’à nos concitoyens, et veiller à répondre au mieux à leurs attentes.
De plus en plus d’hommes et de femmes sur notre continent ont le sentiment de ne pas être écoutés par une Europe qui se ferait sans eux. Les élections européennes de mai prochain, perturbées par le Brexit, ne doivent pas devenir une occasion ratée de faire vivre notre démocratie européenne.
Pour cela, il faut tout d’abord sécuriser les relations avec le Royaume-Uni, en prenant rapidement les mesures d’urgence nécessaires.
Déjà, les États membres commencent à prendre des mesures pour éviter tout vide juridique en cas de no deal : la Commission européenne a sorti en décembre un plan d’action d’urgence comprenant quatorze mesures pour éviter que ce scénario catastrophe ne heurte trop ses intérêts « vitaux », ceux de ses 450 millions de citoyens et de ses dizaines de milliers d’entreprises. Mais, nous le savons, c’est loin d’être suffisant.
Ce projet de loi, qui prévoit la mise en œuvre d’ordonnances en France, n’est sûrement pas la panacée. Toutefois, il permet de répondre dans l’urgence à un no deal et de préserver les intérêts des citoyens et des entreprises. Il permettra d’éviter que les 150 000 ressortissants anglais en France n’aient plus le droit de séjourner, que des avions ne soient cloués au sol ou que des médicaments ne puissent plus arriver jusqu’aux Britanniques, et de la même façon jusqu’en France, aggravant ainsi de part et d’autre le problème de la pénurie de médicaments.
Madame la ministre, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires espèrent que le Gouvernement n’aura pas à prendre ces ordonnances. Cela signifierait l’échec des négociations et une rupture forte avec ce partenaire essentiel.