Intervention de Jean-Philippe Vinquant

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 17 janvier 2019 à 11h00
Audition de M. Jean-Philippe Vinquant directeur général de la cohésion sociale dgcs

Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale :

La direction générale de la cohésion sociale (DGCS), placée sous l'autorité de la ministre des solidarités et de la santé, contribue à la protection des personnes vulnérables, bien que la plupart des compétences concernées aient été décentralisées, dans la mesure où elle pilote la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires et accompagne la prise en charge. La protection des personnes vulnérables vise les enfants maltraités, mais aussi les violences faites aux femmes, aux personnes âgées ou handicapées.

Sur ces sujets, il y a une continuité de l'action du Gouvernement, au-delà des alternances politiques. Concernant la protection de l'enfance, la DGCS pilote ainsi le premier plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants pour les années 2017 à 2019. Nous le pilotons avec l'ensemble de parties prenantes : ministères concernés, associations familiales et associations de professionnels de l'enfance. Dans le cadre de ce plan, nous veillons à la mise en oeuvre des dispositions adoptées dans le cadre des différentes lois promulguées ces dernières années et qui concernent aussi bien la répression des auteurs que des mesures d'accompagnement.

Nous intervenons également sur un deuxième champ, celui de la mise en oeuvre de politiques actives visant à former les professionnels. Nous sommes par ailleurs responsables, aux côtés du groupement d'intérêt public pour l'enfance en danger (Giped), de l'accueil téléphonique « 119 » pour les enfants maltraités.

Nous menons en outre des actions plus transversales à destination de l'ensemble des publics vulnérables. Elles consistent à formuler des recommandations aux professionnels et aux gestionnaires des établissements afin que les évaluations professionnelles et le contrôle interne des établissements sociaux et médico-sociaux prennent en compte le sujet de la maltraitance. Il s'agit d'une mission autrefois exercée par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), agence qui a disparu au profit de la Haute Autorité de santé (HAS).

La HAS travaille également en direction des établissements et des professionnels. L'objectif est de mettre en place des référentiels permettant de mesurer la qualité de la bientraitance des usagers des établissements sociaux et médico-sociaux. Il nous faut donc renforcer la vigilance sur la qualité des interventions des établissements sociaux et médico-sociaux.

Sur le périmètre de votre mission, des dispositions législatives ont récemment renforcé l'arsenal juridique de manière positive. Nous sommes dorénavant dans la mise en oeuvre de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant. Elle concerne principalement les conseils départementaux mais l'État est associé à sa mise en oeuvre, en particulier les services déconcentrés sous l'autorité du préfet et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. D'autres professionnels sont aussi associés, dont ceux du système de santé car ils jouent un rôle majeur en matière de détection et d'accompagnement des victimes identifiées. Le plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants mobilise d'ailleurs ces professionnels de santé, en particulier avec le développement, à titre expérimental, de centres spécialisés pour la prise en charge de victimes de psycho-traumas.

S'agissant de la prévention primaire des phénomènes de violences, pour qu'un auteur ne soit pas à nouveau en contact avec des enfants, nous nous inscrivons dans la mise en oeuvre de la loi dite de « Villefontaine ». Il est apparu en effet nécessaire, au-delà des mesures de vérifications du casier judiciaire, d'avoir une information plus précoce sur les personnes mises en cause dans le cadre d'une information judiciaire ou d'une mise en examen. Les professionnels de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements, les gestionnaires d'établissements devaient pouvoir être informées sur ces personnes. La mise en oeuvre de ces dispositions pose encore quelques difficultés d'ordre opérationnel car la consultation des bases de données judiciaires n'est pas accessible à tous les services qui le demandent. C'est aussi le cas du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) qui n'est pas si aisé à consulter.

Nous travaillons avec la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (Djepva), qui a conçu un système d'informations pour déclarer les encadrants des établissements d'accueil de mineurs. Nous souhaitons nous inspirer de ce système d'informations pour voir comment, pour d'autres types de séjours, nous pourrions créer ce type de fichier, notamment pour les séjours d'adaptation pour enfants handicapés.

Concernant la répression des auteurs d'infractions sexuelles, la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est venue compléter le code pénal, notamment sur l'extension de la prescription. Elle offre ainsi un cadre renforcé pour l'action publique.

Dans le cadre de notre action, nous sommes également mobilisés sur l'identification précoce des auteurs de violences en exploitant davantage les signaux faibles. Le Giped doit permettre cette détection précoce par la plateforme téléphonique « 119 », de même que la remontée des informations par le biais des cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP), qui doit être renforcée. Nous savons que l'exploitation de signaux plus faibles permettrait de mieux prévenir les phénomènes de violences. Une mission inter-inspections a été récemment conduite sur les décès d'enfants à la suite de violences, en étudiant 323 cas d'enfants décédés. Ces travaux font ressortir l'intérêt qu'il y aurait à faire remonter davantage d'informations pour mieux détecter, à partir d'un faisceau d'indices, un risque devant déclencher un certain nombre d'actions préventives.

À cet égard, la ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, a lancé une campagne de communication sur les violences faites aux enfants dont le slogan est « dans le doute, agissez ». Le doute doit profiter à la protection de l'enfant. Dans cette logique, il faut mieux sensibiliser les professionnels pour savoir quand signaler et que dire. Les professionnels de santé sont bien informés sur ce sujet, avec un régime particulier de levée du secret professionnel s'agissant des violences sexuelles. Pour d'autres professionnels, il faudrait mieux préciser le cadre éthique du signalement et nous travaillons sur ce sujet, sur la base de cette mission inter-inspections relative aux enfants décédés à la suite de violences.

La loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement est venue renforcer les obligations de signalement des gestionnaires d'établissements pour personnes âgées ou handicapées auprès des autorités de tutelle en cas de suspicion de maltraitance à l'égard des résidents. Lorsque l'autorité est le département, celui-ci doit également informer les services de l'État, en l'espèce l'Agence régionale de santé (ARS). Nous constatons toutefois que ces remontées aux ARS concernant les personnes âgées et handicapées ne sont pas satisfaisantes. Des évènements qui ne méritaient pas d'être signalés nous remontent, par exemple le décès en établissement d'une personne âgée souffrant d'une grave maladie. En revanche, une violence commise sur une personne âgée dans un établissement doit faire l'objet d'une remontée d'information. Nous sommes donc conscients des progrès à faire pour affiner la remontée d'informations. C'est pourquoi j'ai demandé à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de conduire une mission d'audit interne sur les procédures de signalement des évènements graves dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Pour les directeurs d'établissements qui ne remonteraient pas ces informations, il faut que la procédure qualité conduise au déclenchement d'un contrôle afin d'aller voir ce qui se passe dans ces établissements. Ces faits peuvent en effet être révélateurs de dysfonctionnements systémiques et il faut pouvoir les identifier pour améliorer la situation.

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