Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 1er juillet 2009 à 14h30
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 12

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Aujourd’hui, le transport des voyageurs est un enjeu majeur. Malheureusement, dans ce Grenelle I, l’intérêt général ne prime pas dans la manière d’appréhender la réalisation des objectifs que nous nous fixons du point de vue du transport tant des marchandises que des voyageurs.

En premier lieu, je souhaite souligner que je ne partage pas la proposition du rapport du 16 juin dernier sur l’avenir du fret ferroviaire, tendant à filialiser le fret de la SNCF. En effet, tout en affirmant vouloir préserver le statut des cheminots actuels, ce rapport vise, à terme, à y mettre fin.

Avec une telle filialisation est recherchée, en fait, une modification des conditions de travail, rendue impossible jusqu’à présent par la détermination conjuguée des organisations syndicales et des cheminots. La filialisation proposée par les députés de la majorité parlementaire ne redynamisera pas un secteur soumis aux affres de la crise. Sur l’ensemble du secteur des transports – routier et non routier –, 12 000 salariés ont été mis au chômage en 2008 en France ; ils seront 50 000 cette année et 140 000 en Europe.

La filialisation envisagée créera au sein de l’entreprise publique, je le crains, un système de transport ferroviaire à deux vitesses, sur le plan social et territorial : elle conduira à supprimer le statut des cheminots ; elle se désintéressera du trafic fret par wagon isolé en faisant fi du développement durable. C’est ce que nous voyions déjà poindre lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires.

Telle est la concurrence libre et non faussée vers laquelle vous voulez pousser les futurs salariés de la SNCF et de la RATP.

Pour ce qui concerne la question de l’intérêt général, je veux répéter encore une fois qu’il existe une contradiction fondamentale entre les orientations libérales de l’Europe qu’applique ce gouvernement et les réponses qu’appellent les défis auxquels nous sommes confrontés.

Chacun connaît le poids des secteurs des transports et de l’énergie dans les émissions de gaz à effet de serre. Des mesures fortes devraient être mises en œuvre, avec des politiques coordonnées sur le plan national et européen. Or, alors que de grandes entreprises publiques intégrées constituaient des atouts pour développer une politique de coopération globale et cohérente, l’objectif imposé est le développement du marché.

Dans le secteur ferroviaire, un tel objectif a des conséquences lourdes, d’autant que les entreprises publiques – ou ce qu’il en reste – doivent se plier aux règles du marché.

Au niveau mondial, la libéralisation poussée à l’extrême, sans aucun contrôle, conduit aux drames que nous venons de connaître dans les transports aériens, où les exigences de sécurité semblent à géométrie variable.

Je veux rendre hommage aujourd'hui aux victimes, pour la plupart d’origine comorienne, du crash de l’Airbus de la compagnie Yemenia, ainsi qu’aux victimes du crash du mois dernier. Monsieur le secrétaire d’État, cet avion était interdit de séjour en France et en Europe. Malheureusement, il a pu voler vers le Yémen.

La politique menée depuis plusieurs années, les désindustrialisations successives, les annonces de fermetures de lignes et de gares, le manque d’entretien des voies, les politiques de dumping menées par le transport routier, l’autorisation du cabotage routier, l’endettement de la SNCF, l’augmentation des péages, l’interdiction de toute péréquation ont concouru à créer une situation extrêmement difficile pour la SNCF.

La crise actuelle montre clairement les limites de l’économie libérale et de la déréglementation. La SNCF subit de plein fouet les effets de la crise, avec une baisse importante de son chiffre d’affaires en matière de transports de marchandises. Puisque ce secteur est déficitaire, vous justifiez le désengagement de la SNCF par un raccourci rapide qui permet l’entrée des opérateurs ferroviaires de proximité.

Ce n’est pas l’ouverture du trafic aux opérateurs privés qui permettra d’accroître la part modale du fret ferroviaire. Nous n’acceptons pas la fatalité de telles orientations, qui sont les conséquences directes des premières directives européennes, et nous souhaitons que la SNCF continue de jouer un rôle majeur pour l’intégralité du fret ferroviaire.

De même, l’intérêt général doit primer lors de la mise en place des services de transports collectifs dans les zones urbaines et périurbaines. L’exigence d’un modèle de développement « soutenable » pour les villes fait du transport collectif un secteur d’avenir.

La situation dans les transports urbains est caractérisée par deux éléments principaux : un accroissement des besoins de transports collectifs dû à la montée de la demande de mobilité urbaine – 60 % des habitants de la planète vivront dans des villes en 2030 – et la pénétration des sociétés multinationales, qui voient dans cette montée des besoins une source potentielle de profits.

Aujourd’hui, six à sept grands groupes dominent le marché mondial des transports urbains, et ce processus de concentration se poursuit.

Les collectivités locales sont en situation de faiblesse par rapport à ces groupes, qui, par leur puissance, tendent à dicter leurs conditions. Il est très rare, lors du renouvellement des contrats d’exploitation des réseaux, que le titulaire du marché change. C’est pourquoi il faut un espace d’échanges et d’expertise, ainsi qu’une mise en cohérence avec ce que l’on exige des entreprises de transports publics en matière de développement durable.

Nous proposons donc de promouvoir l’idée de la coopération et non plus simplement celle de la concurrence.

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