Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 23 janvier 2019 à 14h30
Santé visuelle des personnes âgées en perte d'autonomie — Vote sur l'ensemble

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné le 16 janvier dernier, en application de la procédure de législation en commission, la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale sur l’initiative du groupe UDI, Agir et Indépendants, relative à la santé visuelle des personnes âgées hébergées en établissement. L’adoption conforme de ce texte et sa promulgation prochaine ouvriront à l’opticien-lunetier la possibilité d’accomplir dans l’établissement un test de réfraction de l’acuité visuelle du résident, ainsi que l’adaptation éventuelle de l’équipement optique de celui-ci, deux actes qu’il était jusqu’ici contraint de réaliser en magasin.

Bien qu’elle ait adopté cette proposition de loi, qui apporte un assouplissement bienvenu à la pratique des soins optiques destinés aux personnes âgées, la commission des affaires sociales n’a pas manqué de faire part à Mme la secrétaire d’État des attentes immenses qui subsistent en matière d’accès aux soins visuels.

Offrir la possibilité aux opticiens d’exercer leur art en établissement est, sur le papier, un indéniable progrès. Je crains néanmoins que l’effet de cette mesure ne se révèle dans les faits particulièrement limité. En effet, la possibilité pour l’opticien d’adapter l’équipement optique d’une personne âgée restera conditionnée à la production par cette dernière d’une ordonnance délivrée par un ophtalmologiste moins de trois ans auparavant. Or nous savons tous que, du fait des difficultés d’accès de la population à des soins ophtalmologiques très contraints par la démographie médicale, cette condition de délai est rarement remplie au moment d’une entrée en EHPAD. En conséquence, le nouveau droit ouvert risque fort de ne pas trouver à s’appliquer.

Indubitablement, le vrai problème, auquel cette proposition de loi ne répond pas, demeure celui de l’accès au prescripteur médical.

Comme déléguée à l’accès aux soins auprès de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, je suis intimement convaincue que le principal défi aujourd’hui posé au législateur concerne la délégation d’actes médicaux. Relever le principal défi qui se pose aux territoires supposera d’impliquer tous les professionnels de la santé visuelle.

La pénurie croissante de l’offre de soins en ophtalmologie a provoqué la mobilisation de tous les professionnels de la filière. Des expériences sont menées, à l’instar de la réflexion sur le rapprochement des trois « O » : ophtalmologistes, orthoptistes et opticiens-lunetiers.

Professionnels de santé appelés à jouer un rôle de plus en plus important au sein de la filière visuelle, les orthoptistes connaissent une montée en compétences. La loi de modernisation de notre système de santé, dont j’avais assuré le rapport au côté de notre président, Alain Milon, et de ma collègue Catherine Deroche, avait redéfini les termes de leur collaboration avec les ophtalmologistes, afin de leur permettre d’accomplir les actes médicaux de premier recours. Bien que porteuse d’indéniables progrès, cette loi doit être retravaillée et approfondie, afin que la filière visuelle s’approprie pleinement les possibilités nouvelles offertes, notamment, par la télémédecine.

En l’état actuel de notre droit, et malgré l’adoption de la présente proposition de loi, je crains fort que l’équipement optique des personnes âgées accueillies en établissement ne continue à pâtir d’une offre de soins faiblement accessible et inégalement distribuée sur le territoire national.

Un autre regret me vient des modifications apportées par l’Assemblée nationale en séance publique au texte initialement conçu par ma collègue députée Agnès Firmin Le Bodo. Alors que son intention première était d’habiliter les opticiens à réaliser directement des opérations de réfraction et d’adaptation en EHPAD, le groupe La République En Marche a décidé de rendre nécessaire une autorisation préalable du directeur général de l’agence régionale de santé, ce qui risque de compliquer l’accès au droit créé.

D’après nos collègues députés de la majorité, les gestionnaires d’EHPAD auraient pu être tentés de signer des conventions anticoncurrentielles avec un ou plusieurs opticiens partenaires. Dans la mesure où ces conventions sont déjà incluses dans le contrôle de qualité externe auquel les EHPAD sont obligatoirement soumis depuis la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, je considère cette précaution comme superflue : au lieu de protéger la personne, elle risque de la priver de l’opportunité offerte par ce texte.

Plusieurs membres de la commission des affaires sociales, auxquels je me joins, se sont également émus de ce que l’adoption d’un texte aussi modeste révèle de l’importance de l’initiative parlementaire…

Madame la secrétaire d’État, les sénateurs sont désireux de vous épauler dans la conduite des grands projets sociaux que vous soumettrez à notre examen au cours de cette année et que vous venez de décrire. Ils ne demandent qu’à vous apporter la richesse et l’expérience que leur confèrent leurs connaissances de terrain.

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