Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du 22 janvier 2019 à 14h30
Mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en irak — Adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est bien humblement que je remplacerai le président Bizet, si tant est qu’il soit remplaçable, sur ce sujet très grave.

Notre commission a adopté, le 18 décembre dernier, la proposition de résolution européenne sur l’appui européen à un mécanisme de justice transitionnelle en Irak, déposée par notre collègue Bruno Retailleau et 80 membres du groupe sénatorial de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes. Le rapport de la commission des affaires étrangères va dans le même sens.

La défaite militaire de Daech, pas encore définitive, d’ailleurs, ne doit pas aujourd’hui faire oublier le sort dramatique des communautés chrétiennes et des minorités en Irak. De 860 000 en 2014, le nombre de chrétiens est passé à moins de 400 000 aujourd’hui ; 125 000 chrétiens auraient quitté l’Irak pour la seule année 2014. Le sort des fidèles des religions syncrétiques, pré-islamiques n’est guère plus enviable.

Le texte que nous examinons cet après-midi préconise la mise en place en Irak, avec l’appui de l’Union européenne, d’un mécanisme de justice transitionnelle à même de faciliter la réconciliation entre les communautés qui composent ce pays. L’Union européenne s’est engagée à de multiples reprises depuis 2003 pour la reconstruction en Irak, notamment au plan financier. C’est dans ce contexte que la proposition de résolution européenne vise à mettre en place le fléchage d’une partie des financements européens vers un mécanisme de justice transitionnelle permettant de qualifier et juger les crimes commis par Daech sur le territoire irakien.

Le texte demande en premier lieu que ce dispositif ait une dimension internationale. La proposition de résolution européenne met judicieusement en avant l’exemple des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, composées de magistrats internationaux et cambodgiens, créées afin de traduire en justice les responsables des crimes commis par les Khmers rouges. L’Union européenne finance pour partie leur activité. Ce dispositif pourrait être dupliqué à l’échelle irakienne. L’ajout d’une dimension internationale doit constituer, en tout état de cause, une des conditions du soutien européen.

La proposition de résolution européenne insiste également sur le travail de formation des enquêteurs et des juges. L’Union européenne pourrait renforcer le mandat de l’actuelle mission EUAM Irak et contribuer à la formation des forces de sécurité irakiennes aux enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Une telle option faciliterait indéniablement la coopération avec l’équipe d’enquêteurs des Nations unies chargée de recueillir des preuves en Irak, qui va commencer ses travaux dans les prochaines semaines. La proposition appelle, en outre, à la mise en place d’une mission européenne destinée à former le personnel judiciaire, en le sensibilisant particulièrement aux spécificités des instructions visant crimes de guerre ou crimes contre l’humanité. Une telle mission viendrait compléter tout à la fois le travail des enquêteurs et celui des chambres mixtes que je viens d’évoquer. L’Union européenne dispose d’une expertise en la matière de par le monde ; il faut s’appuyer dessus.

Je rappellerai pour conclure que l’Union européenne est souvent là pour mettre fin aux conflits. Je pense, toutes proportions gardées, à son rôle essentiel dans l’accord du Vendredi saint, qui a fait cesser la guerre civile en Ulster. En Irak, elle peut œuvrer à la réconciliation des différentes communautés. C’est pourquoi la commission des affaires européennes émet un avis favorable à l’adoption de ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion