La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, j’ai été informé que M. le secrétaire d’État aurait un quart d’heure de retard. Je vais donc suspendre la séance.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quatorze heures trente et une, est reprise à quatorze heures quarante-cinq.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de résolution européenne sur l’appui de l’Union européenne à la mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en Irak, présentée, en application de l’article 73 quinquies du règlement, par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 156, rapport et texte de la commission n° 247).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.
auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous pouvons tous en convenir, nous n’en avons pas encore terminé avec Daech et son idéologie mortifère.
Nous n’en avons pas terminé au Levant, où, de semaine en semaine, les attentats se multiplient – la semaine dernière encore, seize personnes sont mortes à Manbij en Syrie, dont quatre Américains. Pensons aussi aux attentats qui ont eu lieu en Europe et en France, dernièrement au cœur de la ville de Strasbourg au moment du marché de Noël.
Nous n’en avons pas terminé avec cette idéologie mortifère et l’écho funeste des crimes abominables commis en son nom résonne encore. Cet écho résonne d’abord sur les anciennes terres du califat, dans le cœur des millions de femmes, d’hommes et d’enfants qui ont été suppliciés d’une façon ou d’une autre ; certains sont rescapés, d’autres pas, qu’ils soient chrétiens, musulmans, yézidis, shabaks ou kakaïs. Une mission de l’ONU a dénombré plus de 200 charniers, où reposent au moins 12 000 corps.
Au moment où je vous parle, mes chers collègues, on peut penser que plus de 3 000 jeunes femmes yézidies sont encore détenues dans la région et traitées comme des esclaves sexuelles.
Et il ne faut pas oublier la grande cohorte des déplacés. Sur une population de 550 000, 400 000 yézidis ont été déplacés. Voilà à peine quarante ans, on dénombrait 1, 2 million de chrétiens, leur nombre a été divisé par quatre et ils ne représentent plus que 1 % de la population sur une terre qui est pourtant leur terre originelle.
Vous le voyez, nous n’en avons pas terminé avec Daech et son idéologie mortifère.
Pour autant, nous avons désormais devant nous un immense chantier, celui de la reconstruction.
C’est d’abord une reconstruction politique ; à cet égard, les élections du 12 mai ont été une nouvelle étape dans le processus de stabilisation de l’Irak, même s’il a fallu plusieurs mois pour former un gouvernement – certains pays européens connaissent des délais aussi longs pour former un gouvernement stable.
Autre signe positif de ce point de vue, le gouvernement de M. Adel Abdel-Mahdi a pris des initiatives qui, toutes, vont dans le bon sens, notamment pour permettre à l’ensemble des communautés de se retrouver, quels que soient leurs origines ethniques ou religieuses et les clivages, souvent confessionnels. J’en veux pour preuve la décision annoncée le 24 décembre de faire de Noël un jour férié.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d ’ État auprès du ministre de l ’ Europe et des affaires étrangères, opine.
Même si cette reconstruction politique rencontrera encore des obstacles et fera face à de nouveaux défis, elle est sur le bon chemin.
Il y a ensuite la reconstruction matérielle. La France et l’Union européenne sont en pointe sur ce sujet. Ainsi, l’Union européenne a apporté pas moins de 650 millions d’euros entre 2014 et 2017 et a promis, lors de la conférence sur la reconstruction en Irak qui a eu lieu en février 2018, 400 millions d’euros supplémentaires d’ici à 2020. D’autres efforts doivent encore être fournis, par exemple pour lutter contre la corruption, mais cette reconstruction est aussi en bonne voie.
Toutefois, il ne peut y avoir de reconstruction matérielle sans une reconstruction immatérielle. Dans tous les exemples que nous connaissons, où une société a été fracturée par de grandes violences et une guerre civile, on voit bien que le préalable à la reconstruction, c’est la réconciliation.
J’insiste, il ne peut pas y avoir de reconstruction matérielle sans reconstruction immatérielle, il ne peut y avoir de reconstruction tout court sans réconciliation, et il ne peut pas y avoir de réconciliation sans justice. Je suis profondément convaincu que seul un tel processus permet de stopper le cycle infernal de la violence, dans la mesure où, pour utiliser les mots d’Hannah Arendt, ce processus permet d’entrevoir un nouveau commencement, là où tout semblait avoir terminé.
Je mets en garde celles et ceux qui voudraient attendre, parce que ce serait prendre le risque de la disparition des preuves, voire des bourreaux eux-mêmes. Ce serait aussi prendre le risque d’alimenter le cycle de la revanche et du ressentiment, qui mènerait demain à de nouvelles guerres civiles.
Il nous faut donc réfléchir aux moyens permettant, sans ingérence, d’aider l’Irak à mettre en place un cadre pour que la société irakienne dans toutes ses composantes se retrouve autour d’une même citoyenneté. Je sais que la tâche est difficile.
Ce cadre qui doit permettre de rendre la justice équitablement doit être spécifique pour plusieurs raisons.
D’abord, parce que la nature des crimes est très particulière, un certain nombre d’entre eux relevant vraisemblablement d’incriminations définies par le droit international depuis Nuremberg comme le génocide ou le crime contre l’humanité.
Ensuite, parce que les auteurs de ces crimes ne sont pas tous des Irakiens. Je vous rappelle que plusieurs dizaines de nationalités étaient représentées sur place entre 2014 et 2017.
Enfin, il y a le contexte particulier que j’évoquais d’une société qui doit se reconstruire. Le processus global de reconstruction et de réconciliation doit permettre à toutes ses composantes de se retrouver dans un même idéal, un idéal irakien.
C’est dans ce contexte que nous avons déposé cette proposition de résolution, car nous croyons que l’Union européenne peut prendre un certain nombre d’initiatives.
Pourquoi l’Union européenne ? D’abord parce qu’elle a une légitimité : c’est sans doute la première puissance qui aide l’Irak à se reconstruire sur le plan matériel. Ensuite parce que l’Union européenne – je pense notamment à la mission Eujust Lex-Irak – s’est engagée depuis plusieurs années dans un processus pour soutenir un cadre judiciaire indépendant permettant à l’Irak de se rapprocher des standards internationaux. Enfin, parce que l’Union européenne a adopté, il y a un peu moins d’un an, une communication où elle proposait de nouveau son appui au gouvernement irakien en la matière.
Nous soutenons donc la mise en place d’un cadre spécifique de justice transitionnelle à dimension internationale, dans lequel des juges irakiens jugeraient ces crimes avec l’aide de juges internationaux. Cette solution mixte permettrait de juger des crimes qui sont d’une nature particulière, puisqu’ils intéressent à la fois l’Irak et la communauté internationale.
À ce stade de mon intervention, je voudrais faire une mise en garde et apporter en même temps un éclaircissement. Pour les cosignataires de cette proposition de résolution, il n’est aucunement question d’envisager une quelconque ingérence. Il n’est pas question d’imaginer un seul instant que la justice soit rendue à l’encontre de la souveraineté irakienne.
Nous visons la reconstruction et la réconciliation. Que penserait le peuple irakien si on lui donnait le sentiment que la justice a été rendue par d’autres ? La réponse est évidente et cette proposition de résolution n’est certainement pas une invitation à s’ingérer dans la justice irakienne, qui doit rester pleinement souveraine.
Dans ce débat, certains pourraient envisager de faire intervenir la Cour pénale internationale, mais une telle décision relève de la souveraineté irakienne. Ce n’est pas à nous de décider si l’Irak doit ou non adhérer au Statut de Rome pour accéder à la justice internationale.
Cependant, j’observe qu’à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de l’accord de Paris en 2015, l’Irak a demandé son appui et son soutien à la communauté internationale pour juger les crimes contre l’humanité dont nous parlons. Notre proposition de résolution prend sa source dans cette position, elle ne se place pas à rebours de la volonté de l’Irak, mais dans un souci d’accompagnement.
Nous connaissons des exemples de pays fracturés de la sorte, où des cadres spécifiques de justice transitionnelle à dimension internationale ont été mis en place, le meilleur exemple pour cela étant sans doute le Cambodge. On peut au moins y réfléchir.
Je voudrais dire pour conclure que cette proposition de résolution est la traduction concrète de la position constante de notre groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens et les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes. Nous l’avons élaborée au fil de nos rencontres et auditions. Nous l’avons présentée à Bruxelles à la suite de la conférence de Paris et elle a été bien accueillie.
Nous estimons qu’il ne peut y avoir de reconstruction sans réconciliation, de même qu’il ne saurait y avoir de réconciliation sans justice. Il nous semble que les crimes commis en Irak concernent en premier lieu les Irakiens et l’Irak, mais qu’ils concernent aussi la communauté internationale du fait des crimes commis sur notre sol.
M. Bruno Retailleau. Je conclus, monsieur le président, en insistant sur le fait que nous devons aider l’Irak tout simplement parce que les victimes de là-bas et d’ici réclament justice. Nous ne devons pas pour autant violer la souveraineté de ce pays, mais nous devons l’aider à se rapprocher des standards internationaux.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – MM. Patrick Kanner et Yannick Vaugrenard applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Bruno Retailleau vient de rappeler l’ampleur terrible des crimes de masse de l’État islamique. Les chiffres de l’épuration religieuse et ethnique qu’a connue l’Irak sont terribles : en une génération, la population chrétienne d’Irak a diminué de 75 %. Ce sont vingt siècles d’histoire qui ont presque été balayés en vingt ans !
Et pourtant, il reste aujourd’hui des populations chrétiennes et membres des minorités religieuses, notamment yézidies, shabaks ou kakaïs, qui tentent de survivre dans leur pays, en particulier au Kurdistan irakien. Une partie des populations qui ont fui l’arrivée de Daech, en particulier dans la région de la plaine de Ninive, aspire à retourner vivre chez elle.
Je voudrais tout de suite apporter deux précisions, dont nos débats en commission, la semaine passée, ont montré l’importance.
Tout d’abord, il ne s’agit pas, ici, de défendre les chrétiens d’Orient, juste parce qu’ils sont chrétiens, ni toute autre minorité du fait de son appartenance à une religion ou à une origine plutôt qu’à une autre. Il s’agit de faire en sorte que le Moyen-Orient, et l’Irak plus spécifiquement, puisque c’est de ce pays que nous discutons aujourd’hui, conserve sa véritable identité.
L’identité du Moyen-Orient, depuis trois millénaires, est d’être un creuset des peuples, des religions et des cultures. C’est cette ouverture, cette capacité à définir un vivre ensemble qu’il faut sauver, et ce pour des raisons non seulement morales, bien sûr, mais aussi de sécurité collective.
Il faut la sauver pour des raisons morales, car nous, Européens, avons appris les cruelles leçons de l’Histoire, lorsque l’intolérance prend le dessus dans les sociétés et conduit à la persécution de civils désarmés. Que ce soit à travers les trop longues guerres de religion en France, la Shoah dans toute l’Europe, ou, plus récemment, l’épuration ethnique dans les Balkans, l’histoire de l’Europe s’est forgée dans ces terribles épreuves. La mémoire de ces persécutions, dont certaines sont encore proches, nous fait un devoir de nous élever contre ces crimes de masse, au Moyen-Orient ou dans toute autre région du monde.
Si certains trouvent qu’elles ne suffisent pas, à ces raisons morales s’ajoutent également des considérations très pragmatiques de préservation de notre sécurité. Les pays dans lesquels on laisse libre cours au nettoyage ethnique et religieux, où les crimes les plus odieux peuvent être perpétrés sans sanction, s’enfoncent dans une radicalité toujours plus grande, ce qui en fait aussi, tôt ou tard, des menaces pour leurs voisins.
Or nous savons bien, désormais, que la déstabilisation du Moyen-Orient a des conséquences très directes et très concrètes sur les pays européens, que ce soit à cause des entreprises terroristes, favorisées par la constitution de foyers djihadistes au Moyen-Orient et la propagation d’une version fondamentaliste et dévoyée de l’islam, ou des migrations que les troubles de la région provoquent.
Par conséquent, encourager le maintien chez elles des minorités du Moyen-Orient, c’est agir selon notre conscience, mais c’est aussi agir selon nos intérêts.
La seconde précision que je souhaitais apporter, c’est que notre attachement au respect des droits des minorités ne nous fait naturellement pas oublier les innombrables victimes sunnites de l’État islamique. Rappelons que cette organisation djihadiste, si elle s’est fixé comme but de persécuter les minorités, a plus généralement comme objectif d’éliminer tous ceux qui n’adhèrent pas à son projet criminel.
Comme le reste de la population irakienne, les sunnites ont aussi été les victimes des djihadistes, et l’attention portée à la volonté de détruire des populations entières du fait de leur appartenance religieuse ou ethnique ne nous fait pas oublier, je le répète, les crimes commis contre certains sunnites.
Je ne m’attarderai pas longtemps sur le contenu de la proposition de résolution, que Bruno Retailleau vient de présenter. Je rappellerai simplement qu’elle s’attache à la question de la justice transitionnelle, c’est-à-dire la justice qui permet d’effectuer une transition entre l’état de guerre civile, caractérisée par des exactions contre les populations, et l’État de droit.
L’idée selon laquelle, après le traumatisme des crimes commis contre les populations civiles, la société ne peut revenir à un état normal que s’il est rendu justice aux victimes de ces crimes n’est pas nouvelle. Elle était déjà présente dans l’organisation du procès de Nuremberg.
On la retrouve ensuite dans plusieurs pays dans lesquels la démocratie remplace la dictature militaire, avec des procès des principaux responsables des juntes.
On en retrouve enfin des versions récentes plus développées, à l’instar de la commission « Vérité et réconciliation » en Afrique du Sud, mise en place en 1995 pour permettre au pays de tourner la douloureuse page de l’apartheid.
Tous ces exemples illustrent l’importance de la reconnaissance des crimes et de la désignation des principaux responsables, pour éviter leur occultation et la perpétuation de l’injustice faite aux victimes.
En réalité, il s’agit non pas de régler les comptes du passé, et de prévoir une vengeance ou une revanche, mais, bien au contraire, de permettre les conditions du vivre ensemble pour l’avenir.
C’est un point important, qui explique à la fois l’intérêt que l’Union européenne porte à ce sujet, et la proposition de résolution qui nous est soumise : la justice transitionnelle vise en même temps le passé, le présent et l’avenir.
Le passé, car il s’agit de nommer les crimes pour ce qu’ils sont, de les établir de façon claire et précise pour éviter qu’ils ne soient plus tard niés ou contestés.
Le présent, car il faut permettre le retour chez elles des populations persécutées. Or cet objectif, déjà ardu, sera presque impossible à atteindre si ces populations ne peuvent avoir confiance dans une forme de justice et être assurées que leurs droits seront reconnus et respectés.
L’avenir, enfin, car comment imaginer que l’Irak puisse se reconstruire pacifiquement s’il n’est pas rendu justice aux victimes des exactions passées ?
Reconnaître les victimes et ce qu’elles ont subi, c’est aussi affirmer leur légitimité à vivre dans leur pays et à retrouver leurs maisons, qui ont souvent été détruites ou occupées par d’autres après leur fuite.
Il faut rappeler également le contexte irakien, qui est celui d’une décrue des combats, et d’un début de normalisation politique. Si l’État islamique n’a pas été éradiqué, il a perdu l’essentiel de son emprise territoriale, et ses activistes ont plongé dans la clandestinité dans les zones sous contrôle gouvernemental. C’est aussi ce début de stabilisation qui permet d’envisager la mise en place d’une justice transitionnelle.
Naturellement, nous devons garder à l’esprit la nature de ce texte, qui n’a pas la force normative d’une loi. Toutefois, cette résolution peut avoir une portée très concrète, notamment pour guider l’action de l’Union européenne.
C’est pourquoi notre commission a adopté cette résolution et propose au Sénat de confirmer cette position.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, applaudit également.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, en remplacement de M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est bien humblement que je remplacerai le président Bizet, si tant est qu’il soit remplaçable, sur ce sujet très grave.
Notre commission a adopté, le 18 décembre dernier, la proposition de résolution européenne sur l’appui européen à un mécanisme de justice transitionnelle en Irak, déposée par notre collègue Bruno Retailleau et 80 membres du groupe sénatorial de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes. Le rapport de la commission des affaires étrangères va dans le même sens.
La défaite militaire de Daech, pas encore définitive, d’ailleurs, ne doit pas aujourd’hui faire oublier le sort dramatique des communautés chrétiennes et des minorités en Irak. De 860 000 en 2014, le nombre de chrétiens est passé à moins de 400 000 aujourd’hui ; 125 000 chrétiens auraient quitté l’Irak pour la seule année 2014. Le sort des fidèles des religions syncrétiques, pré-islamiques n’est guère plus enviable.
Le texte que nous examinons cet après-midi préconise la mise en place en Irak, avec l’appui de l’Union européenne, d’un mécanisme de justice transitionnelle à même de faciliter la réconciliation entre les communautés qui composent ce pays. L’Union européenne s’est engagée à de multiples reprises depuis 2003 pour la reconstruction en Irak, notamment au plan financier. C’est dans ce contexte que la proposition de résolution européenne vise à mettre en place le fléchage d’une partie des financements européens vers un mécanisme de justice transitionnelle permettant de qualifier et juger les crimes commis par Daech sur le territoire irakien.
Le texte demande en premier lieu que ce dispositif ait une dimension internationale. La proposition de résolution européenne met judicieusement en avant l’exemple des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, composées de magistrats internationaux et cambodgiens, créées afin de traduire en justice les responsables des crimes commis par les Khmers rouges. L’Union européenne finance pour partie leur activité. Ce dispositif pourrait être dupliqué à l’échelle irakienne. L’ajout d’une dimension internationale doit constituer, en tout état de cause, une des conditions du soutien européen.
La proposition de résolution européenne insiste également sur le travail de formation des enquêteurs et des juges. L’Union européenne pourrait renforcer le mandat de l’actuelle mission EUAM Irak et contribuer à la formation des forces de sécurité irakiennes aux enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Une telle option faciliterait indéniablement la coopération avec l’équipe d’enquêteurs des Nations unies chargée de recueillir des preuves en Irak, qui va commencer ses travaux dans les prochaines semaines. La proposition appelle, en outre, à la mise en place d’une mission européenne destinée à former le personnel judiciaire, en le sensibilisant particulièrement aux spécificités des instructions visant crimes de guerre ou crimes contre l’humanité. Une telle mission viendrait compléter tout à la fois le travail des enquêteurs et celui des chambres mixtes que je viens d’évoquer. L’Union européenne dispose d’une expertise en la matière de par le monde ; il faut s’appuyer dessus.
Je rappellerai pour conclure que l’Union européenne est souvent là pour mettre fin aux conflits. Je pense, toutes proportions gardées, à son rôle essentiel dans l’accord du Vendredi saint, qui a fait cesser la guerre civile en Ulster. En Irak, elle peut œuvrer à la réconciliation des différentes communautés. C’est pourquoi la commission des affaires européennes émet un avis favorable à l’adoption de ce texte.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Annick Billon, ainsi que MM. Jean-Marie Bockel et Patrick Kanner applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, monsieur le président Retailleau, nous sommes réunis autour de cette proposition de résolution européenne sur l’appui que pourrait apporter l’Union européenne à la mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en Irak.
D’emblée, je tiens à souligner le grand nombre de signataires de ce texte. On retrouve le président Kanner, le président Marseille ; sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée, on est sensible, et cela ne date pas d’aujourd’hui, j’y reviendrai, à la terrible épreuve qu’ont subie un certain nombre de minorités en Irak, et au Moyen-Orient en général.
Nous sommes en 2019, et je me souviens comme si c’était hier de ce 26 juin 1999, où j’avais eu la chance, j’y insiste, d’aller à la rencontre de jeunes chrétiens dans une église chaldéenne de Bagdad. À l’époque, ils n’avaient pas l’habitude de voir de jeunes occidentaux, puisque le pays était frappé d’embargo. Le lien a été gardé, et, depuis, hélas, leurs trajectoires sont représentatives de ce qu’ont vécu nos amis, nos frères d’Irak : une famille est partie au Canada ; l’autre est venue en France ; certains sont restés sur place et ont été frappés dans leur chair ou dans leur cœur. Nous avons toutes et tous en tête des parcours de vie, mais également un certain nombre d’atrocités. Tout cela ne peut pas nous laisser indemnes.
Aujourd’hui, vous proposez de donner un certain nombre d’orientations à travers cette proposition de résolution. Je vous remercie de cette mobilisation.
Nous partageons totalement votre diagnostic : il n’y aura pas de paix durable sans réconciliation nationale, et il n’y aura pas de réconciliation sans justice. Cette justice est due à l’ensemble des Irakiens victimes de la barbarie djihadiste, et notamment aux minorités religieuses atrocement et systématiquement persécutées par Daech. Je pense en particulier aux chrétiens et aux yézidis.
À cet instant, je veux rendre hommage au Sénat, qui, dès le printemps 2015, sur l’initiative des présidents Larcher et Retailleau, a créé un groupe de réflexion rassemblant tous les groupes politiques du Sénat. Ses membres furent parmi les premiers à sonner l’alerte sur le drame qui se produisait alors.
Monsieur le président Retailleau, vous avez évoqué Hannah Arendt, qui a parlé, dans Eichmann à Jérusalem, de « la banalité du mal ». On se rend bien compte que, hélas, cette banalité du mal frappe encore et toujours. Comment l’inhumain peut-il se loger si facilement dans un être humain ? Face à ces « atrocités qui défient l’imagination et heurtent profondément la conscience humaine » – j’ai repris la formulation du préambule du Statut de Rome de la Cour pénale internationale –, il est légitime et nécessaire de pouvoir compter sur une justice à la hauteur, qui garantisse qu’il n’y aura ni oubli ni impunité.
Avant d’en venir plus précisément à la résolution présentée aujourd’hui, permettez-moi de revenir sur les grands fondamentaux de notre engagement aux côtés de l’Irak. Depuis 2014, la France se tient aux côtés du gouvernement et du peuple irakiens dans sa lutte contre l’organisation terroriste Daech, et nous n’avons cessé de mobiliser nos partenaires européens pour l’appuyer dans cette entreprise.
Aujourd’hui, l’Irak se relève. Ce pays aspire à devenir une puissance d’équilibre capable de tenir à distance les conflits de son environnement régional proche.
Jean-Yves Le Drian s’est rendu la semaine dernière en Irak, accompagné notamment par vous, monsieur le président de la commission des affaires étrangères du Sénat. Vous avez rencontré les nouvelles autorités fédérales, ainsi que les autorités du gouvernement régional du Kurdistan, leur faisant savoir combien la France était désireuse de continuer à soutenir les efforts de lutte contre le terrorisme, de reconstruction et de réconciliation nationale, ainsi que d’étendre et de densifier les liens forgés dans le combat commun pour construire une paix durable.
La France a été, depuis le début de la guerre contre Daech, le premier soutien des minorités persécutées, fidèle à une tradition historique qui remonte à François Ier, à nos valeurs, aux liens anciens et étroits qui nous unissent aux chrétiens d’Orient. C’est aussi parce que nous sommes convaincus que la diversité religieuse est une part essentielle de l’identité de l’Irak et du Moyen-Orient. À nos yeux, cette région ne peut pas vivre sans cela. C’est donc une condition de son évolution vers la paix, la stabilité, la tolérance et la prospérité.
Je veux d’ailleurs rendre aussi hommage à l’action déterminée d’un grand nombre d’associations, confessionnelles comme laïques, de l’Œuvre d’Orient, de la CHREDO, qui se sont engagées en faveur des minorités persécutées du Moyen-Orient.
Monsieur Retailleau, vous avez évoqué la conférence de Paris de septembre 2015 sur les victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient, qui a permis d’adopter un plan d’action pour créer les conditions d’un retour volontaire, sûr et durable de ces minorités dans leurs foyers. Nous avons souhaité que ce plan fasse l’objet d’un suivi scrupuleux. C’est ainsi que vos travaux sont venus compléter ceux de la conférence de suivi de Bruxelles en 2018. Par ailleurs, en 2019, la France s’honorera d’accueillir la conférence de suivi, vraisemblablement au mois d’octobre. Nous y mettrons l’accent sur l’éducation, sur l’inclusivité et, justement, sur la lutte contre l’impunité, j’y reviendrai.
J’en profite pour former le vœu que vous puissiez travailler à l’architecture de cette conférence internationale avec le Quai d’Orsay.
Nous avons également fortement soutenu ces communautés sur le terrain. Nous avons permis à ceux qui le souhaitaient de trouver l’asile en France : plus de 7 000 personnes en ont bénéficié.
Nous avons mobilisé notre fonds « minorités » à hauteur de plus de 20 millions d’euros, ce qui a permis à une soixantaine de projets humanitaires et de stabilisation de voir le jour.
Nous sommes aussi particulièrement investis pour permettre le retour des chrétiens à Mossoul et dans la plaine de Ninive. L’Agence française de développement vient d’ailleurs de lancer un projet de 10 millions d’euros à cette fin.
En outre, M. Charles Personnaz a été missionné par le Président de la République pour proposer une stratégie destinée à renforcer l’action de la France au Moyen-Orient dans le domaine du patrimoine et notre soutien au réseau éducatif des communautés chrétiennes de la région. Il a rendu son rapport le 3 janvier dernier, et, naturellement, nous allons très largement nous en inspirer afin de pouvoir agir, encore et toujours.
Une attention toute particulière est portée à la communauté yézidie. Le Président de la République s’est engagé auprès du prix Nobel de la paix Mme Nadia Murad à accueillir une centaine de femmes yézidies victimes de Daech et leurs familles en France pour les aider à se reconstruire. Une vingtaine d’entre elles sont d’ores et déjà arrivées à Paris à la fin du mois de décembre avec leurs enfants.
Nous contribuerons enfin à la reconstruction du Sinjar.
Le devenir de ces communautés est donc une priorité, que nous ne manquons pas de mettre en avant dans notre dialogue bilatéral avec les Irakiens. M. le président Cambon a pu s’en rendre compte et y prendre part très directement la semaine dernière. La France a plaidé très clairement pour que les nouvelles autorités irakiennes fassent de la réconciliation et de l’inclusivité une priorité. À cet égard, nous nous réjouissons que les initiatives prises par le nouveau gouvernement aient permis, par exemple, de déclarer Noël comme jour férié : c’est un symbole fort, et les symboles sont importants.
Désormais, il faut s’assurer de la mise en place d’une gouvernance inclusive, les membres de ces minorités revendiquant tout simplement un statut de citoyens comme les autres et d’avoir voix au chapitre.
De façon pragmatique, puisque la France, en 2019, accueillera la conférence de suivi, nous ne verrions que des avantages à ce que l’Irak copréside à notre côté cette conférence.
La lutte contre l’impunité sera un axe fort de cette conférence, parce qu’elle est indispensable à la reconstruction de ces communautés, de l’ensemble des victimes de Daech, et au relèvement de l’Irak. Le Gouvernement souscrit donc naturellement aux objectifs de la résolution qui vous est soumise : la demande d’un soutien européen fort à une justice qui soit à la hauteur des crimes commis par Daech en Irak est pleinement légitime.
Le président Retailleau l’a dit, les autorités irakiennes ont le souci d’agir en exerçant leur pleine souveraineté. Je suis d’accord avec vous, nous ne devons en aucun cas manifester une quelconque forme d’ingérence. En revanche, nous devons nous efforcer de les accompagner en leur offrant un cadre et des moyens leur permettant de mener à bien cette mission de justice, dans le respect de leur souveraineté et de leurs compétences.
Des milliers de condamnations ont d’ores et déjà été prononcées contre des djihadistes, mais il importe de renforcer les capacités de la justice irakienne pour l’aider à lutter contre l’impunité. Nous le faisons dans un cadre bilatéral, avec des programmes de formation des magistrats irakiens en France. Nous soutenons également des projets de documentation des crimes commis par Daech, notamment à l’encontre des populations yézidies. C’est ainsi que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a financé le récent rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, la FIDH, consacré aux crimes sexuels commis par des djihadistes étrangers contre des yézidies. Ces projets favorisent l’ouverture effective de poursuites judiciaires pour des faits de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment à l’encontre de ceux des djihadistes étrangers qui sont ou seront jugés hors d’Irak.
Nous entretenons en outre un dialogue politique dense avec l’Irak ; nous l’encourageons à devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale et à intégrer les crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité à sa législation. Nous agissons aussi à travers les Nations unies, en tant que coparrains de la résolution 2379 du Conseil de sécurité, qui a mis en place cette équipe d’enquête sur les crimes commis par Daech en Irak appelée UNiTAD. Elle permet – c’est très précieux – de recueillir et stocker des preuves de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, pour que la justice puisse passer un jour.
Puisque c’est le cœur de la résolution, l’Union européenne doit évidemment prendre sa part. Vous appelez à mobiliser en ce sens l’action de la mission civile de l’Union européenne, EUAM Irak. Son mandat a d’ores et déjà été élargi à la formation de certains personnels irakiens aux enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Évaluons cette formule avant d’envisager une nouvelle extension. En tout cas, cette piste doit être creusée.
Nous souhaitons enfin que davantage de fonds européens soient fléchés vers le renforcement des capacités du système judiciaire irakien. Nous le faisons savoir dans les instances européennes et nous le ferons savoir avec encore plus de force une fois que votre assemblée aura délibéré.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage pleinement votre volonté d’appuyer la lutte contre l’impunité des crimes de Daech, nécessaire au relèvement de l’Irak, et de mobiliser l’Union européenne en ce sens. Le Président de la République, inaugurant une magnifique exposition à l’Institut du monde arabe sur les chrétiens d’Orient, le 25 septembre 2017, concluait ainsi son discours : « C’est ce passé qui nous oblige. Mais je voulais que vous soyez sûrs de l’engagement au présent ». C’est sur ces mots que je souhaite terminer, en vous faisant part de la sagesse très bienveillante que le Gouvernement exprime à l’égard de cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer le travail de sensibilisation et de suivi qu’effectue le groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes.
Cette proposition de résolution européenne présentée par le président Retailleau et plusieurs de nos collègues préconise d’établir en Irak un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale ou mixte pour juger les crimes commis sur son territoire par Daech de 2014 à 2017.
Elle demande de flécher d’emblée des financements européens pour la création d’un tel dispositif.
Ces dernières années, à travers le monde, l’expérience de la justice transitionnelle nous a montré combien cette étape était cruciale pour consolider la paix au sortir d’une période conflictuelle, pour rétablir un sentiment de sécurité, pour reconstruire un pays et pour réconcilier une nation meurtrie.
La justice transitionnelle comprend quatre piliers complémentaires et indissociables : le droit à la vérité, avec l’établissement des faits, la recherche des disparus, les archives ; le droit à la justice, par la création de commissions d’enquête, mais aussi par des actions en justice aux niveaux national, régional, international ou mixte ; le droit à la réparation, par exemple par des programmes de réparation individuelle et/ou collective, ou des monuments commémoratifs ; enfin, l’exigence de non-répétition, garantie par des réformes institutionnelles, une constitution suffisamment protectrice des droits de l’homme, des institutions de sécurité, mais aussi par la mise en œuvre d’un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration.
Ces principes sont connus sous le nom de « piliers Joinet », du nom du juriste Louis Joinet.
Systématiquement, tous les groupes vulnérables, qu’il s’agisse des minorités, des femmes, des enfants, des handicapés, doivent être spécifiquement protégés, pour éviter le retour de discriminations qui ont pu conduire à des conflits.
La justice transitionnelle ne se réduit donc pas au droit à la justice et au « mécanisme de justice transitionnelle » évoqué par cette proposition de résolution européenne.
En la matière, plusieurs écueils sont à proscrire.
Premièrement, il faut se garder de croire que ces quatre piliers peuvent être mis en œuvre simultanément.
Deuxièmement, une précipitation excessive au nom de l’impératif de la réconciliation tout comme un ajournement permanent sont contre-productifs.
Dès lors, il apparaît plus que souhaitable que le lancement d’un processus de justice transitionnelle implique, au préalable, que la situation sécuritaire soit entièrement stabilisée.
Bien sûr, cette nécessité ne doit pas empêcher de commencer à se concerter pendant la phase de stabilisation, sur ce qui peut être le rôle et la forme d’un tel processus.
Avec cette proposition de résolution européenne, et bien que nous souscrivions aux intentions louables portées, nous avons toutefois le sentiment d’être tombés dans l’un des écueils que je viens d’énoncer : une précipitation excessive au nom de l’impératif de la réconciliation.
En dépit des progrès récents accomplis, l’Irak demeure un pays où l’on se déplace encore en véhicule blindé. Les forces de sécurité irakiennes, appuyées par la coalition internationale contre Daech, procèdent encore à des opérations de sécurisation dans le désert à l’ouest de la province de l’Anbar, où des combattants de Daech se sont repliés.
Pour l’heure, la priorité est donc plutôt au retour de la stabilité sécuritaire et de la souveraineté irakienne, en combattant la menace terroriste.
Nos efforts doivent se concentrer sur la situation humanitaire dramatique, la reconstruction des bases de l’État, des institutions et des services élémentaires assurés par l’État, tout comme sur la consolidation du fonctionnement légitime des tribunaux de droit commun et la collecte de preuves sur les crimes perpétrés par Daech, qui sont des préalables indispensables pour la réconciliation nationale.
Cela signifie aussi soutenir Bagdad dans la politique inclusive qu’elle mène à l’égard de toutes les minorités du pays. La nomination du nouveau premier ministre Adel Abdel-Mehdi, en octobre, après un compromis trouvé entre les deux blocs chiites rivaux vainqueurs des élections, est un signe prometteur.
Nous savons par ailleurs que le pays rechigne à se soumettre à la compétence de la Cour pénale internationale. Bagdad n’est pas non plus demandeur d’un tribunal pénal ad hoc international ou mixte. Or le consentement du pays concerné est une condition sine qua non pour la mise en place d’un tel dispositif.
Notre prudence est d’autant plus de mise que rien ne nous assure que les Irakiens accepteront de renoncer à l’application de la peine de mort, même dans ce cadre.
Aller aussi vite en besogne, en fléchant d’emblée un financement européen, nous fait alors courir le risque d’être vus comme leur adressant une injonction, ce qui braquerait le pays et serait contre-productif.
Les tribunaux mixtes peuvent être une solution, mais à condition de s’inscrire dans le cadre d’une souveraineté pleinement recouvrée.
Néanmoins, un tel modèle mixte a aussi pu montrer ses limites dans le cas cambodgien, où plus de dix ans ont été nécessaires avant que les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens puissent débuter leurs travaux.
Seule une poignée de responsables a finalement été jugée. Toute la lumière n’a guère pu être faite. Cela a été extrêmement coûteux, et la pression exercée sur les procureurs et les juges internationaux comme cambodgiens a été telle qu’il a fallu à plusieurs reprises trouver un remplaçant au démissionnaire.
Dès lors, il semble préférable de continuer à défendre la compétence de la CPI, à appeler l’Irak à la reconnaître et à appeler le Conseil de sécurité de l’ONU à étudier la possibilité de déférer ces crimes à la CPI, d’autant que le procureur de la Cour est déjà impliqué dans la collecte de preuves.
Telle est également la position de l’Union européenne, comme celle qui a été adoptée dans le Plan d’action de Paris, dont l’Irak est partie.
Notre groupe soutient évidemment le rôle essentiel joué par l’Union européenne dans la reconstruction de l’Irak. Nous croyons à la mise en place et à la promotion d’un système judiciaire effectif et indépendant irakien. Nous soutenons la coopération judiciaire et partageons, bien sûr, l’avis selon lequel les crimes commis par Daech doivent être punis. Avec toutes les réserves que je viens d’évoquer, le groupe La République En Marche préférera s’abstenir, mais évidemment avec bienveillance.
M. François Patriat applaudit.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette proposition de résolution européenne tente de répondre à deux questions : comment s’assurer que la justice est rendue dans le cas des crimes de masse commis par Daech ? Comment amorcer dans ce pays le développement et la paix ?
L’équilibre est fragile. La situation en Irak est encore instable et les risques de se retrouver face à une épuration incontrôlée ou à un pardon généralisé existent. D’autant plus qu’en n’adhérant pas au Statut de Rome, Bagdad ne pourrait même pas se reposer sur le tribunal pénal international. Alors, comment répondre à la demande d’aide du gouvernement irakien ? Comment gérer la situation ?
Ainsi, nous en sommes ici tous d’accord, il serait opportun de maintenir l’aide apportée à l’Irak pour reconstituer ses institutions, notamment judiciaires.
Dans ce cadre, le programme européen lancé à la fin de l’année 2017 pour aider les forces de police irakiennes doit se poursuivre en vue de récolter l’ensemble des éléments d’enquête. De la même manière, il faut relancer la mission européenne de renforcement de l’État de droit en Irak.
L’accord de partenariat dont nous discutons doit permettre une communication permanente entre Bagdad et les pays européens. Cela est d’autant plus nécessaire au regard des 5 000 Européens qui ont rejoint Daech en Syrie ou en Irak de 2011 à 2016. À ce titre, le Plan d’action de Paris présenté en 2015 doit être pleinement mobilisé.
Conforter la reconstruction d’un pays ne doit pas forcément signifier sa mise sous tutelle. La volonté exprimée par les autorités irakiennes de pouvoir juger sur le sol de leur pays les actes qui relèvent de sa législation doit être écoutée, ce que vous avez précisé, monsieur le président Retailleau, en appelant à la non-ingérence.
Que penser, dans ces conditions, de cette proposition de résolution ? La volonté de créer un mécanisme judiciaire proche des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, ou CETC, rappelée par le collègue qui m’a précédé, tente de trouver un équilibre subtil, sans pour autant y arriver pleinement. Il est vrai que l’absence de reconnaissance des crimes contre l’humanité dans la loi antiterroriste irakienne de 2014 pose un problème majeur. Il est vrai aussi que l’ONU pointe depuis plusieurs années le risque que les juridictions nationales irakiennes ne se montrent peu enclines à juger les crimes commis par Daech.
Toutefois, rappelons-nous les limites importantes des CETC, je pense notamment à la lenteur extrême des procédures et, au final, au jugement d’à peine dix anciens responsables khmers en vingt ans.
De plus, dessaisir Bagdad d’une partie de ses prérogatives judiciaires pourrait ralentir considérablement sa reconstruction sociétale et institutionnelle. Ne sous-estimons pas l’importance du travail judiciaire dans le devoir de mémoire d’un État.
Comme le pointe la résolution, l’Irak est, finalement, un État composite où ont cohabité musulmans, chrétiens, shabaks, yézidis et autres, comme nous l’avons tous précisé.
La demande légitime des autorités irakiennes de pouvoir juger sur le sol de leur pays les criminels, disons plutôt les terroristes islamistes et leurs complices, pourrait pleinement participer à la reconstruction de l’Irak en incluant l’ensemble des Irakiennes et des Irakiens. Et c’est sur cette notion de « l’ensemble des Irakiennes et des Irakiens » que j’émets quelques réserves par rapport à l’écriture de l’alinéa 7, qui distingue les victimes chrétiennes et les victimes appartenant à d’autres minorités religieuses. Cette distinction dans le texte me semble maladroite. Je note d’ailleurs que dans votre intervention, monsieur le président Retailleau, vous avez mélangé toutes les religions. En effet pour nous, et j’espère que vous comprenez la nuance, une victime d’un crime de masse, d’un crime de guerre, d’un crime contre l’humanité reste une victime, quelle que soit son origine, sa race, sa religion. Toutes les victimes doivent avoir les mêmes droits.
Sur le fondement de ces réserves et de ces seules réserves, nous allons nous abstenir. Abstention empreinte d’une certaine bienveillance car nous notons que cette proposition de résolution prône un renforcement de la coopération en respectant la souveraineté de l’Irak.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, un an et demi après la fin des combats contre l’État islamique en Irak, le pays a donc entamé un long travail de reconstruction.
Quatre années de guerre ont en effet non seulement détruit en partie le pays, mais aussi fait des milliers de morts.
Bien sûr, c’est l’ensemble du peuple irakien qui est concerné, mais n’oublions surtout pas que Daech avait ciblé un certain nombre de communautés. À ce titre, les chrétiens d’Orient ont eu à subir, nous le savons, de très lourds massacres, les pires exactions, accompagnés dans ce triste bilan par les Yézidis, les Turkmènes, les Kurdes ou encore les Shabaks.
Il convient par ailleurs de souligner dans ces horreurs que le terrorisme de l’État islamique a également ciblé – et durement – le monde musulman !
À l’heure actuelle, les survivants recherchent toujours leurs disparus. Des milliers de corps sont enfouis dans les ruines des villes ou ont été jetés dans des charniers.
Pour être précis, on a découvert 202 de ces charniers de l’État islamique, où seraient ensevelis entre 6 000 et 12 000 corps. Beaucoup reste encore à faire pour les familles et leurs victimes.
Depuis 2014, la France joue pleinement son rôle – vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État – de soutien auprès de l’Irak pour sa reconstruction. Chacun a noté la présence du ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, voilà quelques jours à Najaf, la ville sainte du sud du pays où les pèlerins chiites du monde entier viennent se recueillir.
Sa rencontre avec l’une des plus hautes autorités chiites d’Irak fut l’occasion d’annoncer un nouveau prêt de 1 milliard d’euros sur quatre ans pour des projets de reconstruction. Il vient compléter un premier prêt de 430 millions d’euros accordé en 2017.
L’absence et la déliquescence des services publics, principalement les coupures d’électricité, rendent la vie quotidienne particulièrement difficile pour les Irakiens. Au-delà des mots et des déclarations d’intention, nous ne pouvons, je pense, que nous féliciter de l’investissement concret de la France auprès de notre partenaire historique.
J’en viens au texte qui nous est présenté aujourd’hui : la proposition de résolution européenne demandant l’appui de l’Union européenne à la mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en Irak.
Je voudrais, tout d’abord, donner les raisons pour lesquelles nous sommes favorables à cette proposition de résolution.
Première raison, il s’agit d’exprimer notre détermination à lutter absolument contre toute impunité. C’est un impératif à la fois moral, juridique et politique. Le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à la réparation est probablement, au final, la meilleure garantie de la non-répétition !
Deuxième raison, l’Europe doit démontrer son exigence humaniste. Si elle aide déjà à la reconstruction de l’Irak, elle doit aussi, parallèlement, soutenir la mise en place d’une justice transitionnelle. Les deux sont, selon moi, indissociables et n’ont pas à se succéder. Bref, en termes d’exigence humanitaire, il n’est jamais urgent d’attendre !
D’autant que dans le cas de l’Irak et du Moyen-Orient en général, notre pays a une responsabilité historique particulière. Toutefois, celle-ci doit passer, autant que faire se peut, par une décision européenne. Au-delà de l’aspect pratique et juridique, un engagement de l’Europe en faveur d’une justice transitionnelle en Irak a une valeur symbolique forte.
C’est une question essentielle au nom du respect des droits de l’homme, mais ce peut être aussi un gage de sécurité future pour notre propre continent.
La France, parce qu’elle fut durement touchée par l’État islamique, est dans son rôle lorsqu’elle souhaite pousser l’Union européenne à prendre sa place et ses responsabilités dans ce domaine.
Avant de poursuivre mon propos, mes chers collègues, je voudrais rendre ici hommage à ceux qui, par la force de leur engagement, par la force de leur détermination et trop souvent par le sacrifice de leur vie, auront permis de faire reculer Daech. Même si l’État islamique n’est pas totalement éradiqué, c’est grâce à eux qu’aujourd’hui nous pouvons précisément imaginer une autre étape d’évolution vers la démocratie. Qu’ils soient chaleureusement remerciés pour leur engagement !
Cette seconde étape, indispensable, eh bien, nous y sommes ! Et l’histoire nous l’enseigne depuis toujours, face à la nature totalitaire et génocidaire, la réponse uniquement militaire ne suffit jamais.
La reconstruction est, certes, une étape essentielle, mais elle doit être accompagnée de la volonté de combattre le totalitarisme par la force du droit et de la justice, qui doivent succéder à la force militaire.
La paix ne se gagne pas seulement avec les armes, elle se gagne aussi par la puissance des valeurs de respect mutuel, de tolérance et d’acceptation des différences, sur lesquelles doivent reposer la justice et le droit.
C’est la raison pour laquelle il est indispensable de solder les horreurs passées, sans pour autant, à l’évidence, les oublier. Pour cela, la non-impunité des crimes est une ardente obligation et un passage obligé. Sans quoi, aucune réconciliation n’est envisageable, aucune réconciliation n’est possible. C’est le but profond d’un mécanisme de justice transitionnelle !
La France, je l’ai dit, doit prendre sa place, l’Europe tout autant, ainsi que la communauté internationale, à l’évidence. C’est pourquoi je voudrais également vous faire part, mes chers collègues, de ma conviction profonde : le soutien européen au mécanisme de justice transitionnelle doit prévoir que celui-ci ait forcément une dimension internationale. Il faut qu’y soient associés magistrats irakiens et magistrats internationaux en vue, notamment, de mieux prendre en compte le droit international et les incriminations de crime de guerre et de crime contre l’humanité.
À cet égard – ce point a déjà été évoqué précédemment –, je prendrai à mon tour l’exemple cambodgien. « Le processus vérité » a, pour ce pays, finalement bien fonctionné. L’association de juges cambodgiens et de juges étrangers a permis à ce tribunal de faire sereinement son travail et aux victimes d’être reconnues comme telles. C’est en effet la reconnaissance des crimes qui peut aider à entrer dans un processus de réconciliation et faciliter le chemin de démocratisation pour, ensuite, permettre une justice véritablement indépendante des autres pouvoirs.
Je ne nie pas tout ce qui reste à parcourir pour aboutir à la mise en œuvre d’un tel mécanisme. Le contexte régional ne facilitera pas cette démarche, comme les jeux de dupes qui s’y jouent. C’est pourquoi l’Europe doit être volontariste. Tout obstacle mérite d’être surmonté. L’Europe, de par son histoire, de par ce qu’elle a traversé et a su surmonter, est une voix particulière, à part, et à ce titre, il se trouve qu’elle est parfois respectée.
L’enjeu est important : il s’agit aussi d’exprimer la capacité de l’Union européenne à projeter, en quelque sorte, des valeurs humanistes fondamentales et de respect des droits de l’homme, au nom desquels les crimes ne peuvent rester impunis. Il y va à la fois de notre crédibilité et, peut-être aussi, de notre sécurité présente et future.
Actuellement, nous donnons parfois le sentiment, au niveau européen, d’être paralysés par des jeux régionaux qui mêlent Turquie, Syrie, Iran et Russie. De plus, l’imprévisibilité de la politique américaine et le fait que le soutien des États-Unis n’est plus indéfectible ont ébranlé et vont, à l’avenir, profondément bouleverser nos stratégies européennes habituelles.
Pour autant, mes chers collègues, nous ne pouvons nous permettre aucune frilosité. L’Europe est plus que jamais face à ses responsabilités. Elle a trop souffert de crimes contre l’humanité pour en négliger leur condamnation partout ailleurs dans le monde.
Il est donc urgent d’agir et fondamental de procéder à la reconstruction de l’Irak, ce qui ne doit pas empêcher d’aborder dans le même temps les questions juridiques et de droit international. L’un ne va pas sans l’autre !
Je le redis, l’Union européenne doit affirmer avec détermination sa volonté de lutter contre toute impunité pour des raisons d’ordre moral, politique et juridique. Elle doit défendre avec force son exigence humaniste et prendre toute sa place et ses responsabilités. La communauté internationale et l’ONU doivent prendre les leurs. Aujourd’hui, mes chers collègues, prenons les nôtres !
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la paix en Irak repose non seulement sur sa reconstruction matérielle et politique, mais aussi sur sa reconstruction morale, qui devra évidemment passer par la réparation des exactions commises depuis 2014 par Daech contre la population civile.
Tel est le sens de la proposition de résolution aujourd’hui soumise à notre examen.
La nature et l’ampleur des crimes recensés en Irak justifient que l’on encourage tous les outils qui iront dans le sens d’une politique de réconciliation entre toutes les communautés vivant sur le territoire irakien.
Ai-je besoin de rappeler ici l’horreur des actes perpétrés par les djihadistes, de rappeler les meurtres, les tortures, les déplacements forcés, les viols, la réduction en esclavage de milliers d’hommes et de femmes ?
Doit-on rappeler l’enfer vécu par les minorités chrétiennes, par les yézidis, par les minorités kurdes, et en général, l’enfer vécu par tous les musulmans qui n’adhéraient pas au califat ?
Doit-on rappeler que certaines de ses exactions relèvent – disons-le clairement – du crime contre l’humanité ?
C’est pourquoi la réponse judiciaire doit être à la hauteur des drames vécus, à l’instar de ce qui a pu être fait, par exemple, pour l’Afrique du Sud ou pour le Cambodge.
Nous savons que ces grands moments de vérité judiciaire permettent non seulement de satisfaire des attentes individuelles, mais également de refonder une mémoire collective apaisée par le sceau de la justice, une étape nécessaire au retour à l’apaisement et à la paix.
Dans cette perspective, et sachant que l’Irak ne reconnaît pas la Cour pénale internationale, il me semble qu’un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale est l’une des réponses que l’on peut apporter aux victimes.
Comme nos collègues rapporteurs l’ont rappelé, cette initiative recueille l’assentiment de l’Union européenne.
Bien sûr, je pense que la réussite d’un tel dispositif est conditionnée, au minimum, par le respect de trois principes : la transparence, la capacité de l’outil judiciaire irakien et, bien entendu, l’adhésion sincère des autorités irakiennes à une entreprise de réconciliation.
S’agissant de la transparence, l’accueil par l’Irak, depuis 2017, d’une équipe internationale d’enquêteurs au titre de la résolution 2379 du Conseil de sécurité des Nations unies est plutôt un bon indicateur.
En ce qui concerne la capacité de l’outil judiciaire, la proposition de résolution avance deux pistes : le lancement d’une nouvelle mission d’assistance européenne dans le domaine judiciaire afin de former des magistrats, ainsi que l’élargissement de la mission « EUAM Irak » en vue d’y intégrer la formation aux enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité,
Je soutiens bien évidemment ces orientations, même si je sais que tout cela demandera du temps. S’agissant, en particulier, de la seconde piste, elle risque de se heurter au fait que la loi antiterroriste irakienne ne prend pas en compte la notion de crime contre l’humanité.
Enfin, quant à l’état d’esprit du pouvoir en place, on peut osciller entre optimisme et pessimisme. En effet, on le sait bien, les autorités actuelles sont soucieuses du respect de leur souveraineté et, par conséquent, des missions régaliennes qui lui sont attachées.
L’adoption de cette proposition de résolution constitue un encouragement au lancement d’un processus de réparation dû à tous ceux qui ont souffert des atrocités exercées par Daech.
Ce serait en outre un signal positif pour favoriser un retour plus rapide des personnes réfugiées ou déplacées.
En attendant, la communauté internationale doit demeurer vigilante, car le bon rétablissement des institutions et des principes d’une justice démocratique en Irak dépend fortement des contours de la paix dans toute la région.
À cet égard, personne n’ignore que la situation est encore bien fragile. Que ce soit en Syrie ou en Irak, la reconquête des territoires ne signifie pas la fin du terrorisme islamiste.
Alors, oui, nous devons soutenir toutes celles et ceux qui ont été et qui sont encore aujourd’hui nos meilleurs alliés contre Daech.
Je pense évidemment aux Kurdes. Le peuple kurde s’est battu en première ligne, sur tous les fronts, et a remporté de grandes victoires contre le terrorisme islamique en Irak comme en Syrie.
Alors, oui, si nous en sommes là aujourd’hui, c’est surtout grâce à eux, il ne faut jamais l’oublier !
En début d’année dernière, lors des attaques menées par le gouvernement turc à Afrin, je vous avais déjà fait part de mon indignation.
À cette époque, les troupes américaines étaient encore présentes et la Turquie devait forcément en tenir compte.
Que va-t-il se passer, demain, lors du retrait des troupes américaines dans cette région ?
En Syrie, le Rojava est menacé et on ne peut pas exclure une offensive de Damas, qui ne reconnaît pas les forces démocratiques syriennes comme légitimes, et au sein de laquelle, je le rappelle, se trouvent de nombreux Kurdes.
Vous l’aurez compris, le peuple kurde est gravement menacé, pris en étau entre la Syrie et la Turquie. Et le président Macron a eu raison d’appeler la Russie à préserver les Kurdes.
Mes chers collègues, si nous voulons encourager une paix durable dans cette région du monde, …
… nous ne pourrons pas le faire en tournant le dos au peuple kurde.
La communauté internationale ne doit pas faire preuve d’amnésie. Elle ne doit pas oublier ses alliés.
Elle ne doit pas abandonner celles et ceux qui ont combattu victorieusement contre les djihadistes, que ce soit à Raqqa ou à Kobané. J’ajouterai que les Kurdes continuent aujourd’hui à lutter contre Daech dans la vallée de l’Euphrate…
… où quelques djihadistes tiennent encore des positions stratégiques. Je voudrais remercier…
M. Olivier Léonhardt. Je voudrais remercier, disais-je, le président Bruno Retailleau pour avoir permis de faire adopter cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Bruno Retailleau applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est évident que je suis, comme tout le monde, horrifié par les exactions de l’État islamique et par toutes les pratiques scandaleuses par rapport aux droits de l’humanité relevées dans les pays arabes.
Cela étant, en France en particulier, il est quand même facile de se donner bonne conscience ! Il y a des centaines de milliers de morts en Libye, des centaines de milliers de morts en Syrie, mais la faute à qui ?
( M. Antoine Lefèvre s ’ exclame.) Je conviens tout à fait que M. Kadhafi n’était pas un ange, mais du temps de Kadhafi, il y avait peut-être 1 000 ou 2 000 morts par an. Depuis que la France est allée faire la guerre chez Kadhafi – c’était M. Sarkozy qui, pour des raisons éventuelles d’intérêt national, et peut-être pour d’autres raisons moins avouables…
MM. Laurent Duplomb et Jackie Pierre s ’ exclament.
Qui est allé enclencher la guerre en Libye pour déstabiliser le gouvernement de Kadhafi, lequel n’était pas un ange ? §
–… Et la France est fière ! On a renversé Kadhafi et, au lieu d’avoir quelques milliers de morts par an, on en a 100 000 !
En Syrie, M. Hollande a voulu renverser le gouvernement Assad. M. Hollande, qui était à la pointe du combat, a fait tout ce qu’il a pu. Résultat, alors que du temps d’Assad, il y avait un certain nombre de milliers de morts, les morts se comptent actuellement par centaine de milliers !
Eh bien, nous Français, nous n’avons pas à être fiers de nos gouvernements successifs, tout comme nous n’avons pas à être fiers de la politique que conduit actuellement M. Sarkozy au Yémen.
En effet, tout le monde sait qu’au Yémen l’Arabie Saoudite commet des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. L’Arabie Saoudite, c’est Khashoggi, mais on lui déroule le tapis rouge !
Il y a deux poids, deux mesures ! On n’admet pas que M. Assad fasse telle ou telle chose, mais le roi d’Arabie Saoudite, lui, est sacré, il fait ce qu’il veut, il assassine les gens, il va bombarder les populations civiles au Yémen, il fait un génocide contre les Houthis et non seulement on lui dit « merci », mais en plus, on lui vend les armes ! Nous vendons actuellement à l’Arabie Saoudite les armes qui servent à commettre des crimes de guerre…
Oui, monsieur le président.
Cela veut dire que nous avons du sang sur les mains par la faute de certains de nos dirigeants, que ce soit vis-à-vis de la Libye, vis-à-vis de la Syrie ou vis-à-vis du Yémen…
Cela me paraît scandaleux à ce niveau-là.
Merci, monsieur le président, je sais que je n’ai pas beaucoup de temps ! Je vous quitte, je ne vous bloque pas !
Mme Claudine Kauffmann applaudit vivement.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui résulte du travail de notre groupe de liaison – nous sommes nombreux sur toutes les travées à en faire partie – et de l’engagement constant de son président, Bruno Retailleau.
Le mécanisme de justice transitionnelle qu’elle promeut est nécessaire pour éviter la vengeance sourde à la suite des horreurs commises par Daech et permettre tant la reconstruction du pays, en tout cas, y contribuer, que la réconciliation des communautés.
D’ailleurs, elle s’inscrit dans la continuité de celle qui a été votée par notre assemblée le 6 décembre 2016, laquelle invitait le Gouvernement à utiliser toutes les voies de droit pour reconnaître les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak.
Les intentions de la présente proposition de résolution sont donc profondément bonnes. Cependant, celles-ci ne suffisent pas. Encore faut-il qu’elles se traduisent en actes. En effet, comme le dit fort bien le général Pierre de Villiers, « gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix ».
Je veux rappeler à mon tour que la présence des chrétiens au Moyen-Orient est bien antérieure à l’arrivée de l’islam. Descendants des premières communautés chrétiennes, ils sont partie intégrante de l’identité de la région. De plus, il ne faut pas oublier que la France entretient avec ces communautés une relation historique d’amitié qui découle de l’accord dit des « Capitulations » de 1536.
Le pape Jean-Paul II considérait, quant à lui, que la situation des chrétiens dans leur pays est révélatrice de l’ensemble du pays. Plusieurs collègues l’ont dit, au-delà de la question si sensible des chrétiens et des minorités, ce qui est en cause, c’est le devenir de ces pays. Je pense que tel est toujours le cas aujourd’hui. Or, si au début du XXe siècle, un habitant du Moyen-Orient sur quatre était chrétien, les chrétiens ne représentent désormais plus que 3 % de la population.
Comme vous le savez, les chrétiens irakiens, perçus comme des alliés de l’Occident, ont vu leur situation se dégrader considérablement ces dernières années. Il en va de même pour plusieurs religions syncrétiques, en particulier les yézidis, qui rassemblent des centaines de milliers de personnes. L’émigration de toutes ces minorités s’est accélérée massivement en raison de la stratégie de Daech visant à supprimer systématiquement toutes les formes de diversité culturelle et religieuse.
La moitié d’entre eux est partie en Europe ou outre Atlantique ; ceux-là ne reviendront pour la plupart jamais. Quant à l’autre moitié, elle s’est réfugiée dans la région, essentiellement dans les pays limitrophes de l’Irak ; beaucoup d’entre eux aspirent à retourner dans leur pays.
C’est vers eux aussi que nous devons aujourd’hui tendre la main. En effet, comme l’affirmait la militante yézidie et récipiendaire du prix Nobel de la paix Nadia Murad, lors de son passage à Paris le 22 décembre dernier, la priorité, pour les yézidis, est de récupérer leur terre. Cela passe par la reconstruction de cette région. Par ailleurs, je suis convaincu – nous le sommes tous, je crois – qu’aider les minorités à rester en Orient contribue à y consolider un front contre l’extrémisme.
Je tiens également à souligner que cette proposition de résolution européenne trouve un écho particulier au regard de l’annonce, le mois dernier, du retrait programmé des forces américaines de Syrie. En effet, cette décision donne un rôle crucial à l’Irak comme base arrière dans la lutte contre Daech.
Car la guerre contre Daech n’est pas terminée en Syrie ; beaucoup l’ont dit. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, quelque 350 militaires français restent déployés en Irak pour lutter contre les derniers combattants de l’État islamique. La France continuera – c’est du moins notre attente forte – à soutenir les Kurdes dans cette lutte.
L’Irak tend donc à redevenir un acteur diplomatique majeur sur la scène régionale. M. le secrétaire d’État a d’ailleurs fait allusion au ballet diplomatique qui s’est joué à Bagdad la semaine dernière ; nous avons notamment pu remarquer, du côté français, la visite du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Cette visite s’inscrit dans la continuité de l’engagement constant de la France aux côtés du peuple et du gouvernement irakiens pour la mise en œuvre d’une politique de réconciliation nationale et pour la reconstruction de ce pays. Dans ce domaine, en tout cas, nous avons fait preuve de constance, gouvernement après gouvernement.
Cet engagement de la France s’est traduit par un soutien politique, diplomatique, militaire et humanitaire. Il tend d’autant plus à se consolider que de réels progrès ont été constatés, ces derniers mois, vers une politique inclusive vis-à-vis de toutes les minorités du pays, ce dont on ne peut que se réjouir.
La prévention de l’émergence du djihadisme passe également par la reconstruction économique de l’Irak. C’est pourquoi je salue à mon tour l’annonce faite par la France, la semaine dernière, d’un prêt d’un milliard d’euros, sur quatre ans, à Bagdad.
L’Union européenne, quant à elle, s’est fortement impliquée dès 2003, quand a commencé la seconde guerre en Irak, pour soutenir les efforts de reconstruction de ce pays. Aujourd’hui, pour l’Union, l’enjeu principal consiste à soutenir le gouvernement irakien, afin qu’il mette en œuvre une réforme de la justice et procède à un alignement du droit irakien sur certains standards internationaux. Cette démarche doit être volontaire, comme l’a rappelé Bruno Retailleau, mais elle est importante : il s’agit notamment d’intégrer dans le droit irakien les incriminations de crime de guerre et de crime contre l’humanité.
La proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd’hui rejoint d’ailleurs, sous une forme plus aboutie, celle qu’a défendue notre collègue Nathalie Goulet en faveur de la création d’un tribunal pénal international chargé de juger les djihadistes européens ayant servi avec Daech.
La mise en place d’une justice transitionnelle à dimension internationale en Irak est essentielle pour que ce pays puisse panser ses plaies et se reconstruire. La France doit donc, à son niveau, veiller à ce qu’une partie des financements européens à destination de l’Irak soit dédiée à la concrétisation effective de ce mécanisme.
Par-delà l’Irak, il y va de la stabilité de toute la région. Je le disais, il y a l’intention et les actes, l’amour et les preuves d’amour. Forcément, après l’adoption de cette proposition de résolution, des arbitrages devront être rendus et des discussions menées sur l’affectation des fonds européens.
Certes, la reconstruction économique est à l’évidence une dimension essentielle, mais il ne faut pas que le sujet qui nous occupe serve en quelque sorte, in fine et comme souvent, de variable d’ajustement, alors que c’est un domaine où des moyens assez limités permettent d’accomplir un travail considérable.
La dimension humaine, psychologique et politique de la réconciliation est cruciale. D’ailleurs, tous les après-guerres qu’a vécus notre humanité au cours des récentes décennies, sur tous les continents, montrent que ces moments de construction d’une réconciliation sont essentiels pour la suite, pour faire advenir ou consolider la paix, et pour prévenir les risques de conflits nouveaux qui peuvent ressurgir à tout moment. Cette démarche est donc, au fond, beaucoup plus importante encore qu’il n’y paraît par rapport à tous les enjeux de ce pays qui a tant souffert.
La problématique de la justice transitionnelle en Irak s’inscrit également dans le cadre plus large de la lutte contre le terrorisme et de ses effets résiduels, avec notamment l’enjeu des « revenants », ces djihadistes originaires de l’Union européenne. Outre le fait qu’il est essentiel, pour les victimes, de voir juger les combattants de Daech là où ils ont commis leurs actes, l’Europe a d’autant plus intérêt à soutenir la justice irakienne que cela sert sa propre protection.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera lui aussi en faveur de cette proposition de résolution européenne.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens à saluer au nom de mon groupe cette proposition de résolution européenne issue du groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes.
Si l’Irak est reconnu comme un État de droit souverain par ses partenaires internationaux, de nombreuses insuffisances y sont constatées. La peine de mort est pratiquée, les conditions d’un procès équitable ne sont pas réunies, la notion de crime contre l’humanité n’existe pas dans la législation irakienne, la Cour pénale internationale n’y est pas reconnue. Les criminels se nourrissent donc d’un sentiment d’impunité, quels que soient les faits qu’ils ont commis.
Or les poursuites pour crimes contre l’humanité sont primordiales du point de vue des victimes civiles. C’est la seule manière de faire en sorte que celles-ci soient entendues et qu’elles obtiennent justice.
Parmi ces victimes – cela a été rappelé par Bruno Retailleau –, il ne faut pas oublier les chrétiens d’Orient, qui ont souffert de nombreuses exactions. En Irak, au cours des trois dernières décennies, environ 80 % d’entre eux ont dû quitter le pays. Alors qu’ils étaient 1, 2 million dans les années 1980, ils ne sont plus aujourd’hui que 300 000. Ils sont délaissés par le gouvernement irakien et terrifiés par un avenir incertain.
Traditionnellement, au nom de la recherche de la réconciliation nationale, l’approche dominante reposait sur un pacte de l’oubli, fondé sur l’amnistie et l’amnésie, autrement dit sur l’oubli juridique et l’oubli social.
Autres temps, autres mœurs : cette vision d’une amnistie-amnésie cicatrisant les plaies n’est plus admissible à ce jour. La recherche de la vérité s’impose progressivement comme un élément incontournable des droits de l’homme.
Aujourd’hui, les mécanismes de justice transitionnelle se composent de la poursuite en justice des auteurs des crimes, de la mise en place d’initiatives en faveur de la recherche de la vérité, de l’octroi de réparations aux victimes de violations des droits de l’homme, et d’une réforme des institutions judiciaires et politiques visant à éviter la répétition de telles violations.
Il est nécessaire de regarder ces mécanismes comme un ensemble indivisible. Il existe une relation d’interdépendance et de complémentarité entre, par exemple, réparations et révélation de la vérité. Pour être efficace, une mesure ne saurait opérer isolément et à l’écart des autres.
La réconciliation décrit un état dans lequel les relations sociales sont caractérisées par une sorte de confiance civique et sont basées sur le respect. C’est ce que nous, occidentaux, pourrions schématiquement résumer par notre savoir-vivre ensemble.
Les mesures de justice transitionnelle peuvent contribuer à édifier des institutions dignes de confiance, à réconcilier les victimes et leurs bourreaux, à assurer la primauté du droit, à panser les plaies du passé et à rétablir une culture basée sur le respect des droits de l’homme. Elles permettent de restaurer des relations sociales fondées sur la confiance civique et ancrées sur le respect, de manière à rétablir un certain vivre ensemble.
Ainsi, la justice transitionnelle n’est pas simplement une justice rétrospective ; c’est aussi une justice prospective. On ne cherche pas seulement à réparer les événements passés ; on veut surtout unifier une nation sur des bases différentes et plus justes. Il s’agit de restaurer une société brisée par le conflit et de l’accompagner vers l’harmonie et la paix.
La situation que connaît l’Irak depuis vingt-cinq ans démontre combien la transition démocratique et institutionnelle est importante. La mise en place de ce mécanisme est donc souhaitable. Il s’inscrit, plus largement, dans la continuité des actions déjà menées par l’Union européenne et par les Nations unies pour aider ce pays à se reconstruire. Un système judiciaire indépendant et devant rendre des comptes est indispensable pour permettre à l’Irak d’aller de l’avant, de se reconstruire et, surtout, de réconcilier ses communautés.
On peut regretter que les orientations fixées, en janvier 2018, par le Conseil de l’Union européenne au sujet de la justice transitionnelle en Irak et en Syrie ne soient pas précises – dans leur contexte et dans leur mise en œuvre –, alors que ce point est l’un des axes forts qui ont été prévus pour relever les six défis identifiés dans la stratégie de l’Union.
Cette initiative doit être appuyée et rendue concrète. Il faut notamment insister sur la sensibilisation et la formation des juges, mais aussi s’assurer que les fonds nécessaires seront débloqués.
Sans tomber dans l’ingérence et en veillant à ne pas heurter la souveraineté de l’Irak et ses sensibilités, il convient de porter un regard attentif aux procédures mises en place et d’apporter conseil et expertise, par le biais d’une assistance judiciaire, afin d’insuffler dans le droit irakien les principes juridiques standards du droit international qui n’y figurent pas. Il faut aussi être en capacité de vérifier que toutes les communautés ayant été affectées seront traitées de la même manière, y compris les djihadistes français.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires approuve donc la mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en Irak, le considérant comme une étape indispensable pour permettre aux familles des victimes de faire leur deuil en obtenant reconnaissance et réparation.
Justice doit être rendue pour permettre la réconciliation entre les communautés en Irak. C’est un des piliers de la reconstruction politique du pays.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1979, Simone Veil, première présidente du Parlement européen, déclarait que l’Europe était le grand dessein du XXIe siècle et qu’elle devrait faire entendre sa voix pour défendre des valeurs fortes de paix et de droits de l’homme.
La proposition de résolution européenne de Bruno Retailleau s’inscrit parfaitement dans ce grand dessein. Je veux donc remercier très sincèrement mon collègue d’avoir pris cette initiative, tout comme celle de la création, en 2015, d’un groupe de réflexion sur les chrétiens et les minorités d’Orient.
La France et l’Europe, patries des droits de l’homme et garantes de paix, ne pouvaient rester immobiles face aux crimes barbares de Daech et à sa vision du monde fondée sur le déni de l’égale valeur et de l’égale dignité de toute vie humaine, ainsi que sur l’élimination de tous ceux qui s’y refusent.
Les crimes les plus graves qui soient – génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre – ont été commis envers les minorités ethniques et religieuses : chrétiens et yézidis, mais aussi chiites, Kurdes, Turkmènes, mandéens, sabéens, ou encore Shabaks. Tous ont été victimes d’exactions d’une indicible cruauté. Ils ont été spoliés, convertis de force, battus, enlevés, violés, torturés, mutilés, réduits en esclavage, notamment sexuel, ou massacrés. Leurs lieux de culte ont été vandalisés ou détruits. C’est une épuration permanente et systématique, un projet de nature génocidaire qui a été mis en œuvre.
Au cœur du Croissant fertile, berceau de tant de peuples, de civilisations et de religions qui ont façonné l’histoire humaine, ce sont des identités multiséculaires que Daech a tenté de faire disparaître, avec un certain succès, puisqu’il ne reste plus que 300 000 chrétiens dans cette région.
Ces crimes ne peuvent rester impunis ; après la réponse des armes, nous devons poursuivre notre combat contre l’ogre barbare sur le terrain des valeurs, du droit et de la justice.
Dès juillet 2014, j’avais pris l’initiative d’un appel parlementaire, qui a été signé par plus d’une soixantaine de collègues, demandant à la France d’appeler le Conseil de sécurité de l’ONU à saisir la Cour pénale internationale des crimes de Daech. En vain !
Un an plus tard, après avoir constaté par moi-même, au Kurdistan irakien, les terribles stigmates de ces crimes sur les civils, mais aussi après avoir accueilli nombre d’entre eux en France, avec des associations comme la CHREDO – la Coordination chrétiens d’Orient en danger –, ou encore l’Œuvre d’Orient, j’avais redemandé au ministre des affaires étrangères de plaider pour que le Conseil de sécurité de l’ONU saisisse la Cour pénale internationale. Il m’a répondu ici même que la France avait à jouer un rôle d’encouragement.
Aujourd’hui, grâce au texte de Bruno Retailleau, nous pouvons enfin aller plus loin ; nous pouvons agir. C’est bien tout l’objet de cette proposition de résolution, qui répond à une exigence de justice élémentaire : faire en sorte que les crimes atroces perpétrés en Irak soient dûment qualifiés. Il s’agit en effet, incontestablement à nos yeux, de crimes contre l’humanité, même si la loi antiterroriste irakienne ne prend pas en considération cette dimension. Il faut que leurs auteurs soient poursuivis et condamnés en conséquence.
Il s’agit de faire reconnaître ces crimes comme une réalité principielle – rappelons que l’Irak n’a pas signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale –, puis de former les forces de l’ordre à l’enquête et les magistrats au jugement concernant ces crimes, pour enfin permettre un plein fonctionnement judiciaire de niveau international.
La France a donc à jouer un rôle d’intermédiaire et de partenaire de confiance, et l’Irak a demandé à la communauté internationale son assistance dans ce domaine aussi.
Les élections législatives du 12 mai dernier donnent d’ailleurs un signe d’espoir, que M. Adel Abdel-Mehdi est à même de consolider. Pour autant, rien ne sera simple, car la structure entière de l’État et de la société irakienne a été bouleversée, abîmée, endommagée en profondeur : il faut créer les conditions favorables à une restructuration profonde.
Aux termes de l’accord de partenariat et de coopération conclu le 11 mai 2012 entre l’Union européenne et l’Irak et entré en vigueur en 2016, 650 millions d’euros ont été versés, dont plus de la moitié est destinée à l’aide d’urgence. Il faut désormais progressivement sortir de cette urgence, il faut flécher une partie de cette aide vers le mécanisme de justice transitionnelle, et il faut que l’Irak reprenne totalement son destin en main, sans ingérence et en toute souveraineté.
Comment, d’ailleurs, la société irakienne pourrait-elle s’engager pleinement, après la défaite de Daech, dans un indispensable processus politique global de reconstruction et de réconciliation si les souffrances subies par toutes ses composantes ne sont pas nommées et reconnues, si les coupables de ces crimes odieux ne répondent pas de leurs actes ?
Instaurer une justice rigoureuse, méthodique et respectueuse permettra de sortir définitivement de la guerre et d’entamer un travail sans lequel l’avenir de ce pays ne pourra que rester sombre. C’est une exigence morale et politique, car il ne peut y avoir de paix sans réconciliation, et il ne peut y avoir de réconciliation sans justice.
En ce jour anniversaire de l’adoption par le Conseil de l’Union européenne, en 2018, de conclusions visant la promotion d’un système judiciaire irakien effectif et indépendant, adopter cette proposition de résolution serait envoyer un signal positif à la Commission, à nos partenaires et à nos peuples. Ce serait dire au monde que l’Europe ne compte pas se désengager des sujets essentiels, qu’ils soient de nature pénale, environnementale, économique ou humanitaire.
Adopter cette proposition de résolution, c’est permettre à l’Irak de progresser en suivant sa propre voie, sans ingérence. C’est aussi adresser un message qui me semble fondamental : c’est démontrer que notre continent – au premier chef, la France, qui se veut patrie des droits de l’homme – n’est pas seulement intéressé par les bénéfices qu’il pourrait retirer de sa participation à la reconstruction matérielle de l’Irak, mais qu’il se tient réellement aux côtés du peuple irakien.
Adopter cette proposition de résolution, c’est surtout prendre en compte la souffrance de toutes ces familles qui ont subi, pendant trop d’années, les pires persécutions et dont beaucoup sont contraintes de vivre à côté de leurs agresseurs d’hier. Leur assurer une vraie justice est une condition essentielle pour qu’elles puissent rester ou retourner sur la terre de leurs ancêtres.
Adopter cette proposition de résolution permettrait de redonner confiance aux jeunes générations, qui se détournent parfois de l’Europe et de nos institutions démocratiques, et de leur prouver que l’Europe a un rôle majeur et concret à jouer pour la paix dans le monde.
Adopter cette proposition de résolution serait aussi et enfin à l’honneur du Sénat, garant du pluralisme, de la liberté et de la démocratie, et force de proposition !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Irak, d’autre part, du 11 mai 2012,
Vu la communication conjointe au Parlement européen et au Conseil -Éléments d’une stratégie de l’UE pour l’Iraq du 8 janvier 2018, JOIN(2018) 1 final,
Vu les conclusions du Conseil sur l’Iraq du 22 janvier 2018 (5285/18),
Vu la décision (PESC) 2017/1869 du Conseil du 16 octobre 2017 relative à la mission de conseil de l’Union européenne visant à soutenir la réforme du secteur de la sécurité en Iraq (« EUAM Iraq »),
Rappelant les crimes abominables et massifs commis par Daech à l’encontre des chrétiens d’Orient et des autres minorités religieuses sur le territoire irakien ;
Considérant que rendre justice rapidement contribuera à accélérer la réconciliation entre les communautés en Irak et permettra de lutter contre toute impunité ;
Estimant indispensable la mise en place rapide d’un mécanisme de justice transitionnelle en Irak en vue de nommer puis punir les crimes qui se sont déroulés sur son sol ;
Prenant en compte les réserves des autorités irakiennes sur la Cour pénale internationale et leur souhait de voir respectées leur souveraineté et leur compétence pour les crimes commis sur le territoire irakien ; estimant néanmoins nécessaire un rapprochement du droit irakien des standards internationaux, en intégrant en particulier les incriminations de crime de guerre et de crime contre l’humanité ;
Appuie le soutien de l’Union européenne à la mise en œuvre d’une réforme de la justice en Irak et le lancement de la mission de conseil « EUAM Iraq », appelée à soutenir la réforme du secteur de la sécurité ;
Insiste pour qu’une partie des financements européens à destination de l’Irak soit destinée à la concrétisation effective d’un mécanisme de justice transitionnelle ;
Estime que le soutien européen au mécanisme de justice transitionnelle doit prévoir que celui-ci ait une dimension internationale ; entend qu’y soient associés magistrats irakiens et magistrats internationaux en vue, notamment, de mieux prendre en compte le droit international et les incriminations de crime de guerre et de crime contre l’humanité ;
Souhaite le lancement d’une nouvelle mission d’assistance européenne dans le domaine judiciaire, sur le modèle de la mission européenne de renforcement de l’État de droit en Irak (« EUJUST Lex ») dont le mandat s’est achevé le 31 décembre 2013, afin de mener des actions de formation des magistrats ;
Insiste pour que le mandat de la mission « EUAM Iraq » soit élargi et intègre la formation des forces de sécurité irakiennes aux enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité afin, notamment, d’améliorer leur coopération avec l’équipe d’enquêteurs de l’Organisation des Nations unies chargée de recueillir des preuves en Irak ;
Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de résolution européenne, je donne la parole à M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Je veux profiter de cette prise de parole pour remercier tous les intervenants de cette discussion. Il existe, dans la vie du Parlement, des moments privilégiés ; nous sommes certainement en train d’en vivre un, tant le nombre de mes collègues présents et l’unanimité qui ressort des propos qui ont été tenus montrent que ce que nous faisons est important.
Comme M. le secrétaire d’État a eu la gentillesse de le rappeler, j’ai eu l’honneur de participer, avec M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, à cette mission en Irak. Je veux simplement, mes chers collègues, vous faire partager mon éclairage ou, plus exactement, ce que j’ai compris à cette occasion, à savoir les trois désirs qu’ont manifestés l’ensemble des communautés irakiennes que nous avons rencontrées.
Tout d’abord, j’ai relevé un vrai désir de réconciliation. Je l’ai véritablement mesuré de la part de toutes les autorités, qu’il s’agisse du Président de la République ou du Premier ministre. Il est également présent parmi les Kurdes et la communauté chiite, à laquelle nous avons rendu visite au lieu saint de Nadjaf. J’ai entendu, pour la première fois, une volonté de se libérer du cauchemar qui a frappé ce pays. C’était assez touchant de constater cette volonté de travailler ensemble après de nombreuses années de confrontation.
Le deuxième désir est un désir de justice ; les orateurs qui se sont succédé l’ont rappelé. En effet, on ne peut pas se réconcilier quand on ne s’est pas mis au clair avec son histoire. Nous avons notamment rencontré – ce fut un moment absolument terrible, très émouvant – les associations qui viennent au secours des familles yézidies. Sachez qu’au moment même où je vous parle, des enfants – les femmes, bien sûr, sont toujours persécutées –, plus précisément des petites filles de dix ou onze ans, subissent des traitements aux hormones pour pouvoir être livrées à l’esclavagisme sexuel. Voilà la réalité pour des milliers de femmes et d’enfants !
Enfin, le troisième désir, qui n’est pas le moindre, est le désir de France. Nous avons entendu s’exprimer, de toute part, alors même que les Américains insinuent qu’ils vont se désengager, la volonté de voir la France plus présente au côté de l’Irak au moment où les grands défis de la reconstruction sont mis en œuvre.
Alors, mes chers collègues, en s’exprimant sur le présent texte, le Sénat devra remplir la haute mission qui est la sienne : défendre la vérité, défendre nos valeurs, et faire en sorte qu’une justice stricte, mais équitable, puisse être appliquée. Il convient de faire en sorte que nous portions très haut les valeurs qui font croire encore en l’humanité.
Applaudissements.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de résolution européenne.
En application de l’article 73 quinquies, alinéa 7, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Il ne faut pas être jaloux !
Sourires.
Madame la ministre, l’agence régionale de santé des Hauts-de-France vient de prendre acte de la fermeture de la maternité de Creil, dans l’Oise, et de son transfert à Senlis. Cette décision a été prise contre l’avis des élus locaux, notamment le maire de Creil, Jean-Claude Villemain, le maire de Montataire, ancien sénateur, mon ami et camarade Jean-Pierre Bosino. §
Elle intervient contre l’avis des usagers, des syndicalistes, des personnels de santé. Il y a un an, je manifestais déjà à leurs côtés contre cette menace de fermeture, à l’appel de leur très actif comité de défense. Loïc Pen, chef de service des urgences, a démissionné pour protester contre cette fermeture. Peu importe, vous passez en force et tant pis pour les 1 500 accouchements par an réalisés au sein de cette maternité de niveau 3 !
D’autres maternités sont touchées, comme celles de Bernay dans l’Eure, du Blanc dans l’Indre, ou encore de Guingamp dans les Côtes-d’Armor. Il s’agit là d’une véritable catastrophe sanitaire qui se fait au détriment de l’intérêt des femmes, qui plus est à l’heure de l’aggravation des déserts médicaux.
Madame la ministre, les hôpitaux publics, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, le secteur psychiatrique, qui manifeste aujourd’hui même, sont en grande souffrance.
Pour répondre aux mouvements des blouses blanches, vous opposez votre projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui comprend – faut-il le rappeler ? – vingt-trois articles, dont quatorze relèvent d’une ordonnance. Pensez-vous vraiment que, à moyens constants, ce texte peut améliorer l’accès aux soins, la qualité de la prise en charge sur tout le territoire et les conditions de travail des personnels ?
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la sénatrice Laurence Cohen, parmi vos nombreuses affirmations, beaucoup sont fausses, …
… mais il en est une que je ne peux laisser passer : celle selon laquelle tout cela se fait au détriment des femmes.
À l’heure actuelle, vous le savez, un certain nombre de maternités fonctionnent dans des situations de sécurité dégradées. Je l’ai affirmé et je le réaffirme devant vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs : aujourd’hui, en France, aucune décision de fermeture de maternité ou de services de proximité n’est prise pour des raisons financières.
Murmures sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
La totalité de mes décisions est fondée sur des questions de sécurité, notamment liées à un défaut de remplissage des listes de garde dans un certain nombre de maternités. Ainsi, certaines fonctionnent parfois sans pédiatre, sans anesthésiste, avec des plateaux techniques qui ne sont plus en capacité d’assurer la sécurité des parturientes.
C’est pourquoi ces structures sont actuellement transformées en centres de périnatalité, qui, au contraire, améliorent la qualité du suivi des femmes, font de la prévention, de l’accompagnement à l’accouchement, de la sophrologie, assurent des suivis psychologiques, font de l’éducation thérapeutique, reçoivent les femmes après leur accouchement pour tisser le lien mère-enfant.
Il y a donc non pas des fermetures de maternités, mais des transformations en centres de périnatalogie, et seul l’acte d’accouchement est transféré.
Le seul critère qui motive aujourd’hui les décisions prises par les agences régionales de santé est la sécurité sanitaire.
J’en viens à la maternité de Creil, qui vous tient à cœur, madame la sénatrice. Vous le savez, la décision a été prise par les équipes médicales dans le cadre de la restructuration des deux établissements concernés avant que je n’arrive au Gouvernement ; elle date de 2017. Le processus de restructuration de ces deux hôpitaux se poursuit avec l’aval des professionnels de santé.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je m’inscris totalement en faux. Vous propos témoignent d’une méconnaissance de la population du bassin de Creil : 40 % de personnes ne possèdent pas de véhicule. Alors, c’est sûr, ce sera beaucoup plus secure d’accoucher dans une voiture ou dans un camion de pompiers !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Loïc Hervé applaudit également.
Il faut arrêter de faire des économies sur le dos des hôpitaux : 2 milliards d’euros d’économies depuis l’élection du Président de la République, c’est-à-dire depuis bientôt deux ans, cela suffit !
Mme Laurence Cohen. Les problèmes de santé sont vitaux pour les Françaises et les Français. Malheureusement, ce sujet ne figure pas au grand débat national. C’est un scandale !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.
La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le ministre, nous avons appris que la Commission européenne pourrait remettre en cause l’accord de fusion conclu entre Siemens et Alstom. Deux choix s’offrent aujourd’hui à la France : soit les groupes acceptent de nouvelles cessions d’actifs, ce qui est synonyme de suppressions de production et d’emplois, peut-être même de sites industriels, soit ce sera un refus de la Commission européenne.
Nous partageons, comme vous, le dogmatisme de la Commission sur la question de la concurrence qui empêche l’émergence de champions européens.
Cependant, nous l’avons dit et répété, l’accord passé entre Siemens et Alstom était un mauvais accord, qui est plus une absorption d’Alstom par Siemens qu’une véritable fusion entre égaux.
Monsieur le ministre, nous vous demandons de refuser toute nouvelle cession d’actifs, qui serait synonyme de démantèlement d’Alstom. En cas de refus de l’Union européenne, vous devez mettre sur pied une stratégie nationale.
Alstom s’est désendettée, a gagné de nombreux marchés à travers le monde ; il va être urgent de mettre en place un pacte d’actionnaires en vue d’une véritable stratégie industrielle. Thales, entreprise pionnière dans la signalisation, pourrait par exemple participer à ce pacte d’actionnaires.
Il est aussi nécessaire que la Caisse des dépôts et consignations ou la Banque publique d’investissement soient associées à un tel pacte pour protéger Alstom contre d’éventuels prédateurs financiers.
Monsieur le ministre, avez-vous la volonté de défendre ce fleuron industriel ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
M. Bruno Le Maire, ministre de l ’ économie et des finances. Monsieur le sénateur Martial Bourquin, j’ai parfois l’impression que la Commission européenne et les responsables européens ne vivent pas dans le même monde que le nôtre.
Marques d ’ approbation et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Ils n’ont pas vu que, depuis quinze ans, un champion chinois de l’industrie ferroviaire avait émergé.
On dénombre 26 000 kilomètres de lignes à grande vitesse et très grande vitesse en Chine – c’est un marché captif pour les Chinois – contre 9 000 en Europe. CRRC construit 200 à 220 trains à grande vitesse ou à très grande vitesse chaque année ; Alstom et Siemens, à eux deux, en construisent 35.
Le chiffre d’affaires de CRRC est le double de ceux d’Alstom et de Siemens réunis.
Je considère donc qu’il est temps que nous adaptions les règles de la concurrence européenne à la réalité de l’industrie mondiale du XXIe siècle…
Marques d ’ approbation et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
… et que nous arrêtions d’appliquer, en 2019, des règles de la concurrence européenne qui n’ont pas été modifiées depuis quinze ans, c’est-à-dire depuis 2004.
M. Bruno Le Maire, ministre. L’Europe doit changer pour mieux protéger et défendre notre industrie nationale et européenne.
Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Vous avez parfaitement raison, monsieur Bourquin, Alstom et Siemens ont fait des concessions, même d’ultimes concessions pour répondre aux demandes de la Commission européenne. Ces deux groupes ne feront pas de concessions supplémentaires qui pourraient les fragiliser. C’est maintenant à la Commission européenne de prendre ses responsabilités.
Quant à nous, soyez-en sûr, nous prendrons les nôtres. J’estime que, si jamais la Commission européenne devait rendre une décision négative sur la création d’un champion industriel européen, d’un géant du ferroviaire, pour résister à la concurrence chinoise et à la concurrence d’autres grandes nations du monde, elle commettrait une erreur économique et une faute politique.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, Alstom, c’est 8 500 personnes en France sur douze sites, 4 500 fournisseurs, 27 000 emplois : cela vaut la peine de défendre ce fleuron industriel !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Puisqu’elle concerne les zones de revitalisation rurale, les ZRR, je souhaite y associer mon ami et collègue Jean-Claude Luche.
En Aveyron, les exonérations sociales et fiscales qui sont associées au classement en ZRR ont été de l’ordre de 6, 5 millions d’euros pour l’année 2017. Ce dispositif présente donc un intérêt pour nos territoires ruraux. Après avoir mené des auditions – on ne doit pas auditionner les mêmes personnes ! –, deux collègues députés, Anne Blanc, de l’Aveyron, et Véronique Louwagie, de l’Orne, l’ont évalué. Elles ont déclaré, dans leurs conclusions, que le dispositif de zone de revitalisation rurale ne servait pas à grand-chose et préconisé de le mettre à la main des préfets, non pas pour que son objet initial soit maintenu, mais pour augmenter la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, en direction des maires.
Madame la ministre, quelles suites allez-vous donner à ce rapport ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Monsieur le sénateur Alain Marc, vous le savez parfaitement, les parlementaires sont libres de faire des rapports et d’y écrire ce qu’ils veulent…
Les zones de revitalisation rurale constituent, vous le savez également, un dispositif essentiel pour le soutien aux territoires ruraux. Le Gouvernement y est très attaché.
Fondé sur le croisement de deux critères simultanés – la densité de population et la richesse des habitants –, ce dispositif contribue activement à la création d’emplois dans les territoires concernés.
Vous vous en souvenez, la réforme de 2015 a permis de maintenir le nombre global de communes classées à 14 000. Elle a fait des gagnants, ceux qui entrent dans le dispositif, et des perdants, ceux qui en sortent.
À l’écoute des critiques qui s’étaient élevées et des craintes exprimées par les communes sortantes après cette réforme de 2015, le Gouvernement a prévu, dans la loi de finances pour 2018, que ces communes puissent continuer à bénéficier des effets du classement en ZRR. Cette décision permet ainsi, et jusqu’en 2020, à près de 18 000 communes de bénéficier du dispositif de ZRR, soit près de la moitié des communes françaises. Cette décision est donc allée dans le sens d’un élargissement, monsieur le sénateur.
Dans la perspective de l’échéance de 2020, le Gouvernement conduit actuellement des travaux de réflexion. Des travaux parlementaires ont été menés par les députés Calmette et Vigier, Blanc et Louwagie.
À ce stade de la réflexion, il apparaît que le classement en ZRR sur des critères communaux et non à l’échelle des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, conduirait à un émiettement important du dispositif, qui ne ferait qu’exacerber les concurrences territoriales, soit un effet opposé à celui qui est recherché.
Toutes les options sont sur la table, monsieur le sénateur, et le Gouvernement les étudie avec la plus grande attention, afin d’assurer à ce dispositif le maximum d’efficacité au profit des territoires ruraux.
Au moment où nous voulons faire un agenda rural, soyez assuré de notre action dans ce domaine.
Madame la ministre, pourquoi changer quelque chose qui ne marche pas mal du tout ? Ce matin, j’ai interrogé plusieurs établissements – établissements pour handicapés, maisons familiales rurales, EHPAD, etc. –, et tous sont très contents du système.
Par ailleurs, je puis vous assurer que, en Aveyron, par exemple, où certaines communes ont une densité de cinq à six habitants au kilomètre carré, nous avons été très contents de pouvoir faire venir des médecins. Certes, en l’espèce, une exonération fiscale pendant quelques années n’est pas le critère essentiel, mais c’est un critère supplémentaire qui nous permet de renforcer notre attractivité.
À notre tour, nous allons essayer de procéder à des évaluations sur le territoire. Reste que ce système fonctionne, et plutôt bien. Nous en sommes heureux et je souhaite qu’il perdure pour nos territoires ruraux.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Le 15 janvier dernier, le Gouvernement a donné les statistiques de la politique migratoire pour l’année 2018. Tous les chiffres sont en hausse, sauf dans un domaine : le traitement de l’immigration irrégulière.
Pour 2018, l’immigration régulière concerne plus de 255 000 personnes, la demande d’asile est en augmentation de 22 % par rapport à 2017, le taux de renvoi dans les pays d’origine des gens en situation irrégulière est assez faible – moins de 10 %.
Le Gouvernement nous dit que tout va bien. Pour preuve, le budget 2019 ne prévoit pas d’augmentation particulière, singulièrement pour le traitement de l’asile, mais également pour le traitement de l’immigration irrégulière. Le Président de la République vient de déclarer qu’il souhaitait inscrire dans le débat national le thème de l’immigration, en particulier reprendre une idée du Sénat, celle des quotas annuels, que nous défendons depuis des années dans cet hémicycle.
M. François-Noël Buffet. Comment le Gouvernement compte-t-il aborder l’année 2019, qui, en matière de politique migratoire, s’annonce bien différente de ce qu’il espérait ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains et M. Loïc Hervé applaudissent également.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les statistiques annuelles en matière d’immigration qui ont en effet été publiées récemment par le ministère de l’intérieur. Comme vous l’avez dit, en 2018, nous constatons une hausse de 21, 6 % des demandes enregistrées par l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Cette augmentation est notamment due aux flux que l’on appelle secondaires.
Je tiens à souligner, pour répondre à votre question, que notre politique d’immigration et d’accueil est juste et réaliste. Nous nous donnons les moyens de l’accueil dans des délais raisonnables – c’est une volonté forte exprimée dans la loi Asile et immigration adoptée le 10 septembre 2018 –, mais nous procédons aussi à des mesures d’éloignement, comme le prévoit cette même loi. À ce titre, les éloignements forcés sont en hausse significative ; c’est d’ailleurs la progression en chiffres la plus élevée depuis le début de cette décennie.
Ces chiffres témoignent de l’efficacité de notre politique contre l’immigration irrégulière. Ils ne sont pas le fruit du hasard, mais résultent bien de la loi que je viens de rappeler, comme de nos dispositifs de contrôles aux frontières, qui ont été significativement renforcés à la frontière franco-italienne ou à la frontière franco-espagnole. Je m’y suis rendu moi-même, et le Gouvernement a nommé un coordonnateur chargé de renforcer ces contrôles, qui sont maintenant effectifs.
Quant au budget pour l’année 2019, il donne au Gouvernement les moyens de conduire une politique équilibrée. Je la rappelle : garantir le droit d’asile, mais aussi procéder à des mesures d’éloignement. Le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est en augmentation de près de 7 % cette année.
Il nous faut cependant reconnaître et écouter l’inquiétude de nos concitoyens, qui s’est manifestée avec une virulence particulière à propos du pacte de Marrakech. C’est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, le Gouvernement a décidé d’ajouter les problématiques de l’immigration au grand débat qui va se tenir au cours des semaines à venir, ces échanges ayant notamment leur place dans le cadre de la thématique sur le débat démocratique et la citoyenneté.
MM. François Patriat, Jacques Mézard et Jean-Marc Gabouty applaudissent.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne partage pas votre optimisme. Depuis de nombreuses années, dans cette maison, nous défendons une autre politique migratoire : premièrement, accueillir moins, mais accueillir mieux, beaucoup mieux que ce qui se fait jusqu’à maintenant ; deuxièmement, traiter l’asile dans de bons délais, mais traiter surtout les déboutés du droit d’asile.
Aujourd’hui, deux événements se font jour : d’une part, l’augmentation de la demande d’asile sera réelle en 2019, elle sera même peut-être plus importante que l’année précédente ; d’autre part, le traitement effectif de l’immigration irrégulière. En réalité, beaucoup plus d’obligations de quitter le territoire national ont été prononcées, mais le niveau d’exécution reste faible, quoi que vous en disiez.
Le Sénat a proposé des solutions. Je souhaite que le Président de la République et l’exécutif prennent en compte ces propositions, non seulement la notion de quotas et le débat annuel, …
M. François-Noël Buffet. … mais également la question des visas délivrés en contrepartie de laissez-passer consulaires accordés par les pays sources.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, mardi 15 janvier dernier, le tribunal administratif de Lyon a annulé l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360. La juridiction appuie sa décision sur le fait que l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, aurait commis une erreur d’appréciation au regard du principe de précaution en autorisant la commercialisation de ce produit au mois de mars 2017.
La communauté scientifique dans sa majorité, le monde agricole et les industriels ne comprennent absolument pas ce type de décision totalement arbitraire.
À la demande de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mon collègue Pierre Ouzoulias et moi-même remettrons prochainement un rapport analysant les dysfonctionnements possibles et la crise de confiance naissante vis-à-vis de nos agences d’expertise. Notre travail mettra en valeur le souci d’harmonisation et de cohérence dans nos politiques d’évaluation.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que ce type de décision discrédite totalement le travail remarquable de l’ANSES, dont l’indépendance et les compétences ne sont plus à démontrer ?
En quoi les tribunaux administratifs sont-ils compétents pour traiter ce genre de dossiers ? Ne craignez-vous pas une surenchère dans la suppression des autorisations de mise sur le marché, au nom du principe de précaution ?
Monsieur le sénateur Pierre Médevielle, la décision du tribunal administratif de Lyon n’a pas vocation à être commentée, pas plus par moi que par le Gouvernement dans son ensemble.
Il ne faut pas opposer décisions de justice et décisions scientifiques, principe de précaution et rationalité. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est qu’en tout état de cause le Gouvernement tout entier, sous la houlette du Premier ministre, est mobilisé à la fois pour faire muter l’agriculture et pour donner aux agriculteurs les moyens de participer à cette transition agroécologique, qui est absolument indispensable.
Le chef de l’État a demandé l’interdiction en France du glyphosate avant le 1er janvier 2021, alors que celle-ci interviendra beaucoup plus tard en Europe.
Mme Buzyn, M. de Rugy et moi-même avons demandé à l’ANSES de revoir toutes les mises sur le marché pour savoir ce qu’il en est réellement.
Je ne crois pas qu’il faille opposer les uns et les autres. D’ores et déjà, le Roundup est interdit depuis le 1er janvier dernier pour les particuliers ; toute dispersion avant les récoltes le sera dès le 1er février prochain, afin de protéger d’éventuels risques, le principe de précaution étant ainsi appliqué.
Je le répète, aujourd’hui, il ne faut pas opposer le principe de précaution et les analyses scientifiques. Les scientifiques doivent faire leur travail. Nous connaissons parfaitement la demande de la société pour que s’applique le principe de précaution quand est en jeu la santé de nos concitoyens. Mon rôle, celui du Gouvernement, c’est de protéger nos concitoyens et, dans le même temps, de donner à l’agriculture les moyens non seulement de muter, mais de continuer à être compétitive, à gagner des parts de marché à l’extérieur, à se développer à l’échelon local grâce aux circuits courts.
Comme l’a très bien dit le Président de la République – c’est la position du Gouvernement –, aucune filière, aucun paysan ne sera laissé sans solution.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le ministre, protéger la population, d’accord, mais il faut aussi protéger les agriculteurs. Notre agriculture doit redevenir l’un des fers de lance de notre économie. Or elle occupe aujourd’hui un cinquième rang totalement indigne de son potentiel. S’abriter derrière le principe de précaution, c’est l’obscurantisme scientifique, c’est le recroquevillement sur soi-même.
Comment peut-on nourrir l’ambition d’une agriculture productive et compétitive à l’échelon européen et mondial et faire subir à celle-ci les états d’âme de juges archaïques et incompétents, ainsi que les phobies et les élucubrations de tous les prédicateurs de la lampe à huile ? Il va falloir faire des choix. Il faut retrouver l’ambition, l’audace et faire confiance à nos chercheurs, à nos experts, à nos agences. C’est ainsi que nous retrouverons le chemin du progrès et de la sécurité.
Vive la République, vive l’agriculture et vive la science !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe La République En Marche.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, huit maisons de naissance ont été ouvertes à la suite de la loi du 6 décembre 2013 autorisant leur expérimentation et du décret paru, deux ans plus tard, en 2015, précisant les conditions. Ces maisons offrent un accompagnement des naissances plus personnalisé et plus naturel, permettant aux parents d’être suivis depuis le début de la grossesse jusqu’à la surveillance postnatale par les mêmes sages-femmes, dans un cadre intime.
Afin de partager leurs observations, ces structures sont entrées en réseau et ont échangé sur leurs expériences. Elles ont ainsi conclu, collectivement, que le niveau de satisfaction des parents et des sages-femmes y travaillant était élevé et ont constaté une demande plus importante que prévu.
Malgré ces conclusions positives, les maisons de naissance connaissent certaines difficultés, qui sont notamment liées à un manque de visibilité sur les suites qui seront données à leur expérimentation, laquelle doit prendre fin au mois de novembre 2020.
Comme les textes législatifs le prévoient, les rapports d’évaluation ont été adressés par toutes les maisons de naissance le 31 mars 2017 aux agences régionales de santé et au ministère des solidarités et de la santé, après deux ans d’exercice. Toutefois, ils n’ont pas encore été exploités, ce qui laisse les sages-femmes et les parents dans l’expectative.
Afin d’éviter une rupture dans la prise en charge des parents le moment venu et de laisser aux sages-femmes le temps de se réorienter professionnellement en cas d’arrêt de l’expérimentation, il s’agirait d’étudier rapidement ces évaluations.
De ce fait, madame la ministre, mes questions sont les suivantes. L’exploitation de ces rapports d’évaluation aura-t-elle lieu sous peu ? Compte tenu de son succès et sans attendre la fin de l’expérimentation, le dispositif des maisons de naissance ne pourrait-il pas être élargi à l’ensemble du territoire et mis en place de manière pérenne à l’occasion du projet de loi relatif à la santé prévu pour cette année ?
Monsieur le sénateur Dominique Théophile, neuf maisons de santé ont été autorisées au mois de novembre 2015, dont deux en Guadeloupe et à La Réunion, sur la base de l’expérimentation prévue par la loi du 6 décembre 2013 et d’un cahier des charges proposé par la Haute Autorité de santé.
Ces maisons de naissance sont des structures autonomes, dirigées par des sages-femmes, ayant pour mission d’accueillir les femmes enceintes du début de leur grossesse jusqu’à leur accouchement, dès lors qu’il n’y a aucun facteur de risque connu. Elles sont attenantes à une maternité partenaire pour permettre le transfert de la mère ou de l’enfant en cas d’urgence.
Après deux ans de fonctionnement effectif, on constate que l’activité globale des maisons de naissance est restée modeste. Sur le plan quantitatif, chaque structure a assuré entre 35 et 125 naissances en cumul depuis 2015. Sur le plan qualitatif, il n’a pas été signalé auprès des agences régionales de santé d’événements indésirables graves, notamment grâce à l’efficacité des procédures d’orientation des femmes enceintes et des parturientes vers les maternités attenantes en cas de complication ou de facteurs de risque au moment de la grossesse.
Par ailleurs, vous avez raison, monsieur le sénateur, les données remontées par des rapports d’évaluation font état d’une bonne satisfaction des parturientes et des équipes. Aujourd’hui, la réflexion sur l’avenir de ces maisons de naissance est donc en cours. Nous l’intégrons à la réforme des autorisations des activités de soins, réforme lancée en 2018. Plus précisément, des travaux particuliers sur les autorisations relatives aux activités de soins en périnatalité ont commencé au mois de juillet 2018 et se poursuivent.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la métropole bordelaise est un pôle européen majeur du spatial civil et militaire. On y produit notamment les boosters d’Ariane, on y fabrique le missile de dissuasion M51 et on y développe l’activité de microgravité, en particulier les vols zéro-g.
En 2020, Bordeaux sera capitale européenne de l’espace et présidente de la communauté des villes Ariane. On assistera cette année-là à une première spatiale mondiale : le tir inaugural d’Ariane 6.
Cette présidence intervient toutefois dans un contexte international incertain, compte tenu de l’émergence d’acteurs industriels très concurrentiels.
Voilà quelques semaines, ArianeGroup annonçait la suppression de 2 300 postes, dont un grand nombre dans la métropole bordelaise. Si l’on peut y voir une volonté d’adaptation au contexte international, on comprend aussi que l’entreprise peine dans un environnement agressif.
Le rapport que doit remettre la ministre des armées au Président de la République sur la stratégie spatiale militaire comprendra, j’imagine, un volet industriel. Nous espérons qu’il intégrera pleinement l’avenir du cluster aquitain.
Parmi l’aide que l’État peut apporter au groupe figure la commande publique. Force est de constater que la préférence européenne n’est pas systématique, malgré l’enjeu. Ainsi, le satellite de renseignement CSO vient d’être lancé par une fusée Soyouz. Il est difficile d’expliquer à nos concitoyens que le lancement de nos satellites de renseignement est confié à des fusées russes !
La politique de concurrence européenne, érigée en dogme, fait payer un bien cher tribut à nos entreprises. Les Américains ne se posent pas autant de questions. Ils conçoivent américain, produisent américain, et lancent américain.
Quelle perspective souhaite donner à ArianeGroup Mme la ministre des armées, à part celle de décrocher la Lune ? Quel carnet de commandes, quel nombre de lancements envisage-t-elle pour la future fusée Ariane 6, mais aussi pour le lanceur Vega, alternative au lanceur Soyouz ?
En cette année d’élections européennes, la France doit faire campagne pour un Buy European Act. Je rappelle que cette mesure figurait dans le programme du candidat Macron.
Je vous en conjure, faites-le, madame la ministre, avant qu’il ne soit trop tard !
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la sénatrice Delattre, vous l’avez rappelé, la France est une grande nation spatiale, un pays moteur pour le développement de l’Europe du spatial.
Si celle-ci a connu autant de succès, c’est parce que l’Europe a toujours soutenu le développement de ses lanceurs, Ariane 5 et Vega – Ariane 6 et Vega C à l’avenir. Cela continuera, bien sûr. Ce succès européen est dû à l’excellence et au professionnalisme du Centre national d’études spatiales, le CNES, d’ArianeGroup, d’Arianespace et, bien sûr, de l’Agence spatiale européenne.
Vous l’avez également rappelé, dans le contexte actuel, d’autres acteurs du secteur spatial – je pense évidemment à SpaceX, mais aussi à d’autres, notamment en Asie – viennent bouleverser le marché. C’est pourquoi nous devons avoir une politique volontariste de soutien aux lanceurs et à la recherche et au développement. Il s’agit de rendre Ariane 6 plus compétitive et de permettre les développements nécessaires à son adaptation aux évolutions du marché.
Nous devons également nous investir dans ce que l’on appelle le « new space », les nouveaux usages du spatial. À cet effet, 200 millions d’euros supplémentaires ont été prévus pour soutenir le CNES dans le budget pour 2019.
Il nous faut aussi aider ArianeGroup et Arianespace à se réorganiser de façon à gagner en compétitivité, ce qu’ils font déjà, comme l’ensemble de leurs partenaires et de leurs sous-traitants. Il est très important de rappeler la confiance que nous avons dans les lanceurs européens. La commissaire européenne a d’ailleurs signé avec Ariane 6 les premiers contrats pour le lancement des satellites européens.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Nous assistons, depuis deux semaines, au grand show médiatique du Président de la République : premier épisode, en Normandie, second épisode, en Occitanie, soit à chaque fois six à sept heures de débats bien orchestrés, bien mis en scène. Bref, le Président est en campagne, et probablement plus en campagne qu’à l’écoute des problèmes fondamentaux des Français.
Dans la droite ligne de cette mise en scène, nous apprenions, hier, que la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations coanimerait l’émission Balance ton post ! de Cyril Hanouna pour « ramener des gens vers le débat public ».
Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Les Français sont-ils si peu subtils ou si peu intelligents qu’ils ont besoin de ce type d’émission pour réfléchir, comprendre et faire des propositions ? Monsieur le Premier ministre, est-ce avec votre accord que Mme Schiappa participera à ce talk-show pour le moins surprenant ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Je vais essayer de vous répondre sur le même ton.
Je dois dire que je trouve assez surprenante la mise en abîme dans laquelle vous nous plongez. Alors que vous déplorez que l’on parle à Cyril Hanouna, vous consacrez votre temps de parole au Sénat à parler de lui ! C’est assez étonnant. Vous auriez pu parler de sujets dits « sérieux »…
Très vives protestations sur les mêmes travées.
M. le président. Poursuivez, madame la secrétaire d’État, mais faites preuve de modération, pour une fois !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la sénatrice, des centaines de milliers de personnes regardent, toutes les semaines, l’émission de Cyril Hanouna. Ces centaines de milliers de personnes sont-elles des citoyens comme vous et moi, comme les gens qui écoutent France Culture, comme ceux qui regardent Arte ?
Le grand débat national voulu par le Président de la République, sous l’autorité du Premier ministre et sous la surveillance des garants, vise à parler à tous les citoyens. Je tiens d’ailleurs à saluer la mobilisation exceptionnelle, en un temps record, de mes collègues Emmanuelle Wargon et Sébastien Lecornu, à qui l’organisation de ce débat a été confiée.
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Il n’y a pas de citoyens de seconde zone, madame la sénatrice. §d’une intelligentsia et d’une forme d’élite politique, qui voudraient être seules responsables du débat politique et s’arroger le droit d’accéder au débat public, qui a nourri en partie le mouvement des « gilets jaunes », lequel en veut non seulement au Gouvernement, mais aussi à l’ensemble de la classe politique.
Ne vous en déplaise, on ne répond pas à des problèmes politiques de 2019 avec des solutions de 1999 !
Huées sur les mêmes travées.
Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos explications, mais depuis quelque temps, chaque jour, l’image des hommes et des femmes politiques est dévalorisée. Ne soyons donc pas surpris qu’avec ce type de mélange des genres les Français soient de plus en plus critiques à l’égard de leurs élus. Vous participez ainsi à l’éloignement et au rejet de la classe politique dans son ensemble.
La politique vaut mieux que cela. La politique, ce n’est pas la téléréalité. L’exemplarité des élus contribue à leur respect. Notre rôle est de tracer un chemin, de créer l’envie et de donner espoir, avec passion, à chaque citoyen, en particulier aux jeunes générations, qui seront les adultes de demain.
Réduire le débat public à une émission de spectacle ne peut que poursuivre le travail de dévalorisation de la politique. Ce faisant, vous y contribuez. Mais peut-être est-ce volontaire ?
Comment aurions-nous pu imaginer – mais, c’est vrai, c’était un autre temps – Françoise Giroud coanimer une émission avec Guy Lux ou Léon Zitrone ?
Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, à qui je tiens de nouveau à témoigner ma solidarité.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Merci, monsieur le président.
Il y a maintenant un an et demi, le Gouvernement fixait comme objectif la dématérialisation de la totalité des services publics d’ici à 2022. Si l’objectif de dématérialisation – ce terme barbare signifie que toutes les procédures administratives devront s’effectuer en ligne – peut paraître enthousiasmant, il ne semble à ce jour ni réaliste ni souhaitable d’envisager sa généralisation uniforme d’ici à trois ans.
La dématérialisation inquiète, d’autant qu’elle est perçue comme un cheval de Troie de la réduction des services publics dans les territoires ruraux et, à terme, comme une centralisation renforcée des services. Or nos concitoyens ont plus que jamais besoin de services publics de proximité, identifiables physiquement, simples et humains.
À cet égard, le Défenseur des droits vient de publier un rapport dans lequel il alerte sur le fait que cette dématérialisation risque de créer de nouvelles inégalités d’accès aux services publics.
L’inégalité est tout d’abord territoriale. De nombreuses communes n’ont pas du tout accès à internet. En outre, les points d’accès libre et confidentiel à internet ne sont pas disponibles partout. Enfin, ces derniers se situent à des distances variables.
L’inégalité est ensuite économique : des artisans locaux ne peuvent déjà pas accéder à des marchés publics qui sont entièrement dématérialisés depuis le 1er octobre 2018 pour des seuils supérieurs à 25 000 euros. Le télétravail est, quant à lui, presque impossible.
L’inégalité est aussi financière : acheter une tablette, un smartphone et souscrire un abonnement, tout cela coûte très cher pour ceux qui ont de petits revenus.
L’inégalité est enfin culturelle. Selon le CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, 36 % des Français ne sont pas familiarisés au numérique. Et ce taux est sans doute sous-estimé.
Or un progrès ne vaut que s’il est partagé par tous. Nous, élus de la République, nous bataillons au quotidien pour réduire des fractures territoriales et sociales ancrées, mais aussi pour les prévenir. Aujourd’hui, nous avons encore la possibilité d’agir.
Monsieur le ministre, qu’entendez-vous faire pour ne pas pénaliser celles et ceux qui ne peuvent accéder à ces nouveaux services publics ? Comptez-vous proposer un accompagnement de grande envergure à nos concitoyens ? Comment comptez-vous consolider l’égalité d’accès aux services publics dans tous les territoires ?
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Gérald Darmanin, ministre de l ’ action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Roux, permettez-moi, tout d’abord, comme M. le président du Sénat, de vous faire part de la solidarité du Gouvernement à la suite de la vandalisation de votre permanence. À travers vous, je m’adresse à tous les élus, quelle que soit la famille politique à laquelle ils appartiennent, qui voient leur permanence, c’est-à-dire des coins de démocratie, être vandalisée.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Didier Guillaume, ministre de l ’ agriculture et de l ’ alimentation, applaudit également.
Vous me posez une question que le Sénat connaît bien, celle de la nécessaire modernisation de l’administration française. Cette modernisation passe, notamment, par le défi de la dématérialisation, laquelle rend de grands services à nos concitoyens ou aux élus locaux. Il est vrai toutefois qu’il y a parfois une France à deux vitesses : certains de nos concitoyens n’ont pas accès au numérique ou sont atteints de ce qu’on appelle l’« illectronisme », c’est-à-dire la difficulté – et ce n’est pas simplement une question d’âge – à effectuer des démarches administratives sur internet.
Le Gouvernement s’est en effet donné comme objectif de rendre possibles 100 % des démarches administratives de manière dématérialisée d’ici à 2022, mais cela ne signifie pas pour autant la disparition du papier.
C’est tellement vrai, monsieur le sénateur, que lors du débat sur la loi pour un État au service d’une société de confiance, la loi ESSOC, que j’ai eu l’honneur de défendre dans cette assemblée, je suis revenu, à la demande de l’une de vos collègues, Mme Gisèle Jourda, sur la dématérialisation des procédures administratives auprès de mon ministère et du paiement des impôts, car certains territoires n’ont pas accès au numérique. Les Français auront donc bien sûr la possibilité de continuer à remplir leurs documents papier et à payer leurs impôts par chèque.
Comme vous l’avez constaté, je suis revenu sur la disposition de la loi de finances pour 2016 qui rendait impossible, au-delà de 1 000 euros, le paiement de la taxe foncière, notamment, autrement que par virement bancaire. C’était une erreur de l’administration. Les administrés pourront évidemment continuer à payer par chèque.
M. Gérald Darmanin, ministre. Quant au rapport du Défenseur des droits, nous le lirons bien sûr avec beaucoup d’intérêt et nous l’appliquerons avec vous.
Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous avez mis le feu au pays en vous entêtant à mettre en œuvre une mesure dont personne ne voulait, une mesure préjudiciable pour les territoires au quotidien et dont l’efficacité n’est pas reconnue. Je veux parler de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure.
Après six mois d’application, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que cette limitation de vitesse a permis de réduire le nombre de tués sur les routes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Alors que cette mesure devait être d’une efficacité immédiate, il n’en est rien !
Le groupe de travail du Sénat, sous la responsabilité de Michel Raison, …
… vous avait fait des propositions équilibrées, acceptables et intelligentes : cibler l’instauration de la limitation à 80 kilomètres par heure sur les tronçons accidentogènes, et ce au plus près du territoire, sur décision du président du département et du préfet, et conserver la limitation à 90 kilomètres par heure pour le reste du réseau routier départemental.
Surtout, ne nous dites pas que nous sommes irresponsables ! Nous souhaitons, bien sûr, que le nombre de morts sur les routes diminue. Nous soutenons toutes les mesures qui vont dans le sens de l’amélioration de la sécurité routière, de l’état de nos routes, de nos véhicules et du comportement des automobilistes.
Après vos anciens ministres de la cohésion des territoires et de l’intérieur, le Président de la République, lors de son tour de France, propose de revenir sur cette mesure et de trouver « une manière plus intelligente », « des solutions plus pragmatiques » et de faire quelque chose qui soit « plus acceptable ».
Monsieur le Premier ministre, envisagez-vous de reconsidérer votre décision et de trouver une solution acceptable par tous ? Envisagez-vous de suivre les propositions intelligentes du Sénat ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
Monsieur le sénateur, la limitation à 80 kilomètres par heure sur le réseau secondaire sera au cœur du grand débat qui est en cours. C’est en effet une question importante pour nos concitoyens, tant elle touche aux mobilités, aux déplacements, notamment de ceux qui vivent en zone rurale et qui parcourent les 400 000 kilomètres de notre réseau secondaire.
La thématique de la mobilité est importante, tout comme celle de la lutte contre l’insécurité routière, laquelle reste une préoccupation et un axe forts de la politique du Gouvernement.
Au cours de ce débat, il faudra avoir trois éléments en tête.
Premièrement, il faut tenir compte de l’efficacité de la mesure. Il convient bien évidemment d’être prudent, mais selon les premiers chiffres provisoires dont nous disposons, le nombre de morts sur le réseau secondaire, entre le 1er juillet et le 31 décembre 2018, a baissé de 13 % par rapport à l’année 2017.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Deuxièmement, il conviendra de bien prendre en compte les effets induits de cette mesure. Je pense notamment aux temps de déplacement, aux incidences sur la consommation de carburants ou sur la cohabitation entre les voitures particulières et les poids lourds. Pour nourrir ce débat, nous avons demandé une étude sur ce point à la Délégation à la sécurité routière, laquelle sera bien sûr rendue publique.
Troisièmement, il conviendra également de prendre en considération la question de la responsabilité des gestionnaires de voirie, car augmenter la vitesse sur un axe, si telle devait être la décision prise, en tout ou partie, c’est accepter aussi d’y voir, le cas échéant, l’accidentalité croître de nouveau. À cet égard, et je crois que c’est ce que vous souhaitez, l’avis des présidents de conseil départemental sera bien évidemment précieux.
Mêmes mouvements.
Christophe Castaner et moi-même veillerons, je le répète, à ce que cette étude soit bien rendue publique, …
… pour que chacun puisse s’exprimer en conscience sur ce sujet, notamment si des aménagements devaient être apportés à cette mesure.
Je sais toutefois que nous partageons tous le même objectif : sauver des vies humaines.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Je regrette, monsieur le Premier ministre, que vous n’ayez pas répondu à ma question, car c’est vous qui avez imposé cette mesure. Nous vous demandons non pas de reculer et de vous renier, mais de vous adapter à la réalité de nos territoires et d’envoyer un signe permettant d’apaiser la colère.
Monsieur le Premier ministre, écoutez le Sénat, écoutez la voix de la ruralité et des territoires ! Si vous nous aviez écoutés sur d’autres sujets, tels que l’eau, l’assainissement, l’augmentation des taxes, les retraites agricoles, la CSG, nous n’en serions pas là !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain.
Le Conseil constitutionnel examine aujourd’hui une question prioritaire de constitutionnalité dont l’objet est de faire abroger la loi de 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, particulièrement la pénalisation du client. Ce recours est fondé sur deux arguments : la liberté d’entreprendre et le droit à la vie privée.
Il faut avoir en tête que 80 % des personnes victimes de traite des êtres humains le sont à des fins d’exploitation sexuelle et que 80 % des prostituées de rue sont étrangères. Ces deux taux, lorsqu’on les rapproche, suffisent à casser le mythe romanesque de la prostituée au grand cœur, libre et heureuse.
Le business du sexe est l’un des principaux marchés mafieux. Il n’y a pas de prostitution, pas de proxénètes, sans clients. Selon la loi de 2016, tant que l’on pourra louer, acheter ou vendre le corps des autres, l’égalité entre les femmes et les hommes sera une illusion – je rappelle que 90 % des personnes prostituées sont des femmes – et la lutte contre les violences sexuelles sera vaine.
La seule liberté d’entreprendre qui est en cause, c’est celle des proxénètes et des réseaux. Le seul droit à la vie privée qui est en cause, c’est celui des clients, la prostitution étant un droit permanent à l’effraction dans le corps de l’autre, puisque, par définition, il n’y a pas d’intime pour les prostituées.
Selon un récent sondage, près des trois quarts des Français sont favorables à la loi de 2016 et pensent qu’on ne peut pas acheter le corps des autres, que la prostitution est une violence et que cette loi doit être confirmée.
Madame la secrétaire d’État, vous avez été très silencieuse sur ce sujet. Nous avons été nombreuses à nous exprimer – quasiment tous vos prédécesseurs l’ont fait – en faveur de la loi. Pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement a soutenu cette loi lors de l’audience du Conseil constitutionnel, par la voix du secrétariat général du Gouvernement, et nous dire quels arguments ont été avancés ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mmes Françoise Laborde et Annick Billon applaudissent également.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Madame la sénatrice Laurence Rossignol, je connais et je salue votre engagement sur ce sujet.
Comme vous l’avez rappelé, nous attendons la décision du Conseil constitutionnel. À cet égard, je tiens à vous rassurer : le Gouvernement a fermement défendu, lors de ses auditions, sur mandat du Premier ministre Édouard Philippe, la constitutionnalité de cette loi.
Par ailleurs, il s’engage contre le système prostitutionnel. Vous avez raison, nous ne le faisons pas forcément par des déclarations ou des discours sur le territoire national, mais il s’agit d’un axe majeur de la diplomatie féministe menée par la France, notamment dans le cadre de la présidence française du G7 cette année, après le Canada et avant les États-Unis. C’était l’objet de mes déplacements cette semaine.
Cela étant, je rappelle, concernant l’AFIS, l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle, que nous avons pris les décrets en novembre 2017, afin de mettre en œuvre, dans la continuité de l’action du précédent quinquennat, toutes les dispositions. Je rappelle également – je l’avais déjà dit dans cette enceinte – que j’ai doublé le montant de la subvention de l’association Mouvement du nid, qui soutient les personnes prostituées. Il est passé de 150 000 euros à 300 000 euros par an. En région, 95 000 euros ont été débloqués, c’est-à-dire que 100 % des demandes locales ont reçu une réponse positive.
En outre, l’égalité entre les femmes et les hommes sera l’une des grandes priorités du G7, dont la France assure la présidence. Dans ce cadre, le Président de la République a proposé à M. Grégoire Théry, que vous connaissez, du Mouvement du nid, et par ailleurs directeur exécutif de la coalition pour l’abolition de la prostitution, de rejoindre le Conseil consultatif sur l’égalité des sexes. Ce sera une manière pour lui et pour la France de continuer à défendre la position qui a été de longue date et qui demeure celle de notre pays.
M. Alain Richard applaudit.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le soutien populaire aux « gilets jaunes » confirme que les Français veulent une démocratie plus directe ; c’est l’objet du référendum d’initiative citoyenne. Au contraire, les tenants de la pensée unique qui monopolisent la presse et nos institutions n’écoutent le peuple que si celui-ci est de leur avis. Ainsi, en 2008, le Parlement a ratifié sans état d’âme le traité de Lisbonne en désavouant le résultat du référendum qui venait d’avoir lieu.
Voilà bien la preuve que la démocratie représentative a ses limites ! Elle fonctionne comme un miroir déformant en raison notamment des tripatouillages des partis politiques dominants.
Par exemple, lors des élections de 2012, alors que le Front national et le Front de gauche ont obtenu respectivement 18 % et 9 % des suffrages, ils n’ont eu chacun que deux sièges de députés. En revanche, les Verts, avec seulement 2 % des suffrages, ont obtenu 17 députés ! C’est cela la démocratie représentative !
Les « gilets jaunes » ont donc bien raison de réclamer une véritable démocratie et de se sentir méprisés par la classe dirigeante. D’ailleurs, le prétendu grand débat organisé actuellement s’inscrit dans la même logique. Le Président de la République veut bien discuter, à condition d’écarter tous les sujets stratégiques, sur lesquels le peuple est clairement en opposition avec la pensée dominante.
Sur tous ces sujets, il faut au contraire que le peuple puisse s’exprimer directement. C’est pourquoi le Président de la République devrait avoir le courage de consulter le peuple par référendum sur le matraquage fiscal et financier contre les retraités, sur l’immigration, ou encore sur le choix entre une Europe des nations respectant la souveraineté des États membres et une Europe fédéraliste.
Je termine, monsieur le président !
En France, comme dans beaucoup d’autres pays européens, le peuple est en train de se révolter contre l’arrogance et le mépris de ses dirigeants. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous conscient que vous êtes en train de couper la France en deux, d’un côté, les pseudo-élites bouffies d’autosatisfaction, …
Il n’est jamais bon d’opposer le peuple et ses représentants, la démocratie représentative et la démocratie participative.
On peut très bien nourrir un débat entre les citoyens et être à leur écoute, comme le demande en particulier le mouvement né ces derniers temps – ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des citoyens réclament qu’on les écoute plus –, tout en travaillant à une traduction législative de ce débat. C’est ce qui se fait actuellement à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Vous dites que nous ne voulons pas écouter. Or le débat est suffisamment ouvert. Quatre grandes thématiques seront abordées lors du grand débat. Je le dis à l’intention de ceux qui n’ont pas pu les voir à la télévision ou assister physiquement aux premiers échanges du Président de la République avec des citoyens, la parole est libre. On l’a bien constaté. Il n’y a pas de sujets tabous. Il appartiendra ensuite au Gouvernement et aux assemblées de se saisir de ce que leur auront dit les citoyens et d’en assurer une traduction législative.
Il ne faut jamais opposer, monsieur Masson, le peuple et ses représentants. On sait ce que cela donne ! L’histoire est truffée d’exemples dans ce domaine.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
La prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu jeudi 31 janvier, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.
La séance est reprise.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour permettre à chacun d’assister aux vœux du président du Sénat, nous suspendrons nos travaux à dix-neuf heures ; nous les reprendrons après le dîner.
L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi tendant à améliorer le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France et les conditions d’exercice des mandats électoraux de leurs membres (proposition n° 57, texte de la commission n° 252, rapport n° 251) et sur la proposition de loi organique tendant à actualiser les dispositions applicables aux élections organisées à l’étranger (proposition n° 58, texte de la commission n° 253, rapport n° 251), présentées par M. Christophe-André Frassa et plusieurs de ses collègues.
La conférence des présidents a décidé que ces textes seraient discutés selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
I. – Le quatrième alinéa de l’article 3 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les membres élus du conseil consulaire élisent parmi eux le président de ce conseil.
« L’ambassadeur ou le chef de poste consulaire participe aux travaux du conseil consulaire. Il peut se faire représenter. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur à compter du prochain renouvellement général des conseils consulaires.
La loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi modifiée :
1° Après l’article 4, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4 -1. – I. – Les employeurs relevant du droit français sont tenus de laisser aux salariés de leur entreprise, conseillers consulaires, le temps nécessaire pour se rendre et participer :
« 1° Aux réunions du conseil consulaire ;
« 2° Aux réunions des assemblées délibérantes et des bureaux des organismes au sein desquels ils représentent le conseil consulaire.
« Selon des modalités fixées par décret, le conseiller consulaire informe son employeur de la date de la réunion dès qu’il en a connaissance.
« L’employeur n’est pas tenu de payer comme temps de travail le temps passé par le conseiller consulaire aux réunions précitées.
« Le temps d’absence est assimilé à une durée de travail effective pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations sociales ainsi qu’au regard de tous les droits découlant de l’ancienneté.
« Aucune modification de la durée et des horaires de travail prévus par le contrat de travail ne peut, en outre, être effectuée en raison des absences intervenues en application des dispositions du présent article sans l’accord du conseiller consulaire concerné.
« Aucun licenciement ni déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés en raison des absences résultant de l’application du présent article sous peine de nullité et de dommages et intérêts au profit du conseiller consulaire. La réintégration ou le reclassement dans l’emploi est de droit.
« II. – Sans préjudice des dispositions plus favorables qui leur seraient applicables, les conseillers consulaires fonctionnaires ou agents contractuels de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs bénéficient des garanties prévues au I. » ;
2° Après l’article 12, il est inséré un article 12-1 ainsi rédigé :
« Art. 12 -1. – L’article 4-1 est applicable aux conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger pour les réunions liées à l’exercice de leur mandat. »
Après le 4° de l’article 5 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Le mode d’élection, la durée du mandat, les conditions de remplacement et les attributions du président ; ».
Après le 4° de l’article 5 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, sont insérés des 4° ter et 4° quater ainsi rédigés :
« 4° ter Les conditions dans lesquelles, dans l’exercice de leur mandat, les conseillers consulaires portent les insignes républicains, notamment l’écharpe tricolore, et font usage de timbres symbolisant la République dans leurs communications et correspondances ;
« 4° quater Leur place dans l’ordre protocolaire lors des cérémonies organisées par les ambassades et consulats français à l’étranger ; ».
I. – La loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi modifiée :
1° L’article 5 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « bénéficient », la fin du 1° est ainsi rédigée : « au titre de leur mandat et pour couvrir les frais exposés lors de l’exercice de leur mandat ; »
b) Au 2°, les mots : « indemnisés des » sont remplacés par les mots : « couverts pour les » ;
2° L’article 13 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « versement des », la fin du 1° est ainsi rédigée : « indemnités forfaitaires pour couvrir les frais exposés lors de l’exercice de leur mandat ; »
b) Au 2°, les mots : « indemnisés des » sont remplacés par les mots : « couverts pour les ».
II
Le deuxième alinéa du I de l’article 15 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi modifié :
1° Les références : « aux articles L. 71 et L. 72 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 71 » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et, à l’article L. 72 du même code, “circonscription électorale” au lieu de : “commune” ».
L’article 17 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Au début de l’avant-dernier alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;
3° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, un conseiller consulaire ou un conseiller à l’Assemblée des Français de l’étranger qui s’inscrit sur la liste électorale d’une commune dispose de trois mois pour se mettre en conformité avec les premier et deuxième alinéas de l’article 16 de la présente loi. » ;
4° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
Le premier alinéa du IV de l’article 19 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase est ainsi modifiée :
a) Le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six » ;
b) Les mots : « dispositions de l’article » sont remplacés par les mots : « articles 16 et » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « En cas de refus d’enregistrement d’une déclaration de candidature opposé après le délai fixé au I, le candidat ou son mandataire ou, dans les circonscriptions où l’élection a lieu au scrutin à la représentation proportionnelle, le candidat placé en tête de liste ou son mandataire dispose d’un délai de trois jours pour déposer une nouvelle déclaration de candidature. »
La loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi modifiée :
1° Au dernier alinéa de l’article 14, les mots : « le mois » sont remplacés par les mots : « le délai de cinq semaines » ;
2° Au début du 2° du I de l’article 18, les mots : « Vingt et un » sont remplacés par le mot : « Trente » ;
3° Au 2° des I et IV de l’article 19, le mot : « quinzième » est remplacé par le mot : « vingt-neuvième » ;
4° Au début du 2° du I de l’article 21, le mot : « Onze » est remplacé par le mot : « Dix-sept » ;
4° bis
5° L’article 51 est ainsi modifié :
a)
Supprimé
b) À la première phrase du troisième alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
c)
L’article 21 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi modifié :
1° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Il est institué pour l’ensemble des circonscriptions une commission chargée d’assurer l’envoi et la mise à disposition de tous les documents de propagande électorale :
« 1° Soixante jours avant la date du scrutin, pour l’élection des conseillers consulaires ;
« 2° Vingt et un jours avant la date du scrutin, pour l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.
« Un décret fixe la composition et le fonctionnement de cette commission ainsi que les conditions dans lesquelles les candidats sont informés de ses travaux et peuvent transmettre leurs observations. » ;
2°
Le second alinéa du I de l’article 22 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’il envisage de ne pas autoriser le vote par correspondance électronique, le Gouvernement consulte préalablement l’Assemblée des Français de l’étranger. »
Le premier alinéa de l’article 29 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est également procédé à une élection partielle dans les circonscriptions où aucune candidature n’a été régulièrement enregistrée lors du renouvellement général des conseillers consulaires, dans un délai de trois ans suivant ce renouvellement. »
Le début du dernier alinéa de l’article 43 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi rédigé : « Lorsque six mois avant la date d’une élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, il est constaté que les dispositions… (le reste sans changement). »
I. – Au 13° de l’article L.O. 141-1 du code électoral, le mot : « vice-président » est remplacé par le mot : « président ».
II. – Le IV de l’article 8 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République est ainsi modifié :
1° Au 1°, le mot : « vice-président » est remplacé par le mot : « président » ;
2° À la fin de la deuxième phrase du 2°, le mot : « décès » est remplacé par les mots : « cessation du mandat ».
III. – Le I et le 1° du II du présent article entrent en vigueur à compter du prochain renouvellement général des conseils consulaires.
Au 2° du IV de l’article 8 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République, après la première occurrence du mot : « circonscription », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « d’élection des conseillers consulaires, après avis des conseils consulaires élus dans cette même circonscription électorale. »
Le I de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « ou conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger » sont remplacés par les mots : «, conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger ou présidents des conseils consulaires » ;
2° La première phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :
a) Les mots : « de l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « du deuxième alinéa du présent I » ;
b) Les mots : « et les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger » sont remplacés par les mots : «, les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et les présidents des conseils consulaires ».
Le 3° de l’article L.O. 329 du code électoral est complété par les mots : «, représentant la France ».
La loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France est ainsi modifiée :
1° L’article 2 est ainsi modifié :
a) À la fin du 1°, les mots : « chargé des relations extérieures » sont remplacés par les mots : « des affaires étrangères » ;
b) À la fin du 2°, les mots : « des étrangers en France au ministère chargé des relations extérieures » sont remplacés par les mots : « de l’administration consulaire au ministère des affaires étrangères » ;
c) Le 6° est complété par les mots : «, représentant la France » ;
2° À la fin de la deuxième phrase du 2 de l’article 3 et à la fin de la seconde phrase de l’article 4, les mots : « relations extérieures » sont remplacés par les mots : « affaires étrangères ».
Avant de mettre successivement aux voix l’ensemble de chacun des deux textes adoptés par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, pour sept minutes, puis au Gouvernement, et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes, ainsi qu’à un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe, pour trois minutes.
La parole est à Mme la rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 17 janvier dernier, la commission des lois a adopté la proposition de loi et la proposition de loi organique relatives à la représentation des Français de l’étranger.
Ces textes sont issus d’un rapport d’information conjoint de Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte ; ils s’inspirent également des préconisations de l’Assemblée des Français de l’étranger.
La procédure de législation en commission a une nouvelle fois démontré toute son efficacité : lors de nos travaux, nous avons échangé pendant plus de deux heures sur ces textes, et nous avons débouché sur un résultat qui me semble consensuel. Je tiens d’ailleurs à remercier M. le secrétaire d’État, ainsi que mes collègues représentant les Français de l’étranger, de la richesse de nos échanges.
La loi du 22 juillet 2013 a profondément modifié la représentation des Français établis hors de France, sur l’initiative de notre collègue Hélène Conway-Mouret, alors ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.
Cette loi a réformé l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, qui se réunit deux fois par an à Paris, mais a également créé les conseils consulaires, des instances de proximité qui se réunissent à l’échelle des ambassades et des consulats. En pratique, les conseils consulaires et l’AFE remplissent une mission essentiellement consultative et de représentation des Français établis hors de France.
Dans un rapport d’information de 2015, mes collègues Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte ont tiré les premiers enseignements de cette loi. Élus pour la première fois en 2014, les conseillers consulaires sont devenus des interlocuteurs privilégiés pour les Français établis hors de France. Ils souffrent toutefois d’un déficit de notoriété, notamment parce qu’ils exercent des fonctions non décisionnelles et qu’ils rencontrent des difficultés matérielles dans l’exercice de leur mandat.
Dès lors, les textes qui nous sont soumis ajustent le régime de représentation des Français de l’étranger en vue des prochaines élections, celles de 2020, sans en modifier l’équilibre. Ils améliorent les conditions d’exercice des mandats de conseiller consulaire et de membre de l’AFE. Ils sécurisent également les procédures électorales, en tirant les leçons des scrutins de 2014. La proposition de loi institue par exemple une commission centrale de propagande chargée de contrôler la conformité des professions de foi et des bulletins de vote des candidats. De même, elle améliore les conditions dans lesquelles les électeurs peuvent voter à distance en remettant un pli à leur ambassadeur ou à leur consul.
Sur le fond, la commission a renforcé le rôle des conseillers consulaires et des membres de l’AFE, qui s’investissent quotidiennement pour le rayonnement de la France et l’animation de la communauté des Français de l’étranger. Je tiens d’ailleurs, depuis cette tribune, à rendre hommage à l’implication et au travail de ces élus.
Nous avons confié, en commission, la présidence des conseils consulaires à un membre élu. En effet, il est on ne peut plus normal et conforme à nos principes démocratiques qu’un conseil d’élus au suffrage universel soit présidé par un élu, comme l’est l’Assemblée des Français de l’étranger depuis 2014.
Bien entendu, les ambassadeurs ou chefs de poste participeront aux délibérations ou pourront s’y faire représenter. Les élus pourront désormais convoquer les réunions des conseils consulaires et en fixer l’ordre du jour, en étroite concertation, bien sûr, avec les chefs de poste.
De même, nous avons permis aux conseillers consulaires et aux membres de l’AFE employés par une entreprise ou une administration française de bénéficier d’autorisations d’absence, sur le modèle des garanties dont bénéficient les élus locaux. Il s’agit d’une première étape dans la construction d’un véritable statut des élus représentant les Français de l’étranger.
Nous avons également autorisé les conseillers consulaires à arborer l’écharpe tricolore pendant les cérémonies officielles, et nous avons confié au pouvoir réglementaire le soin de définir leur rang dans l’ordre protocolaire.
Enfin, nous avons souhaité que le Gouvernement consulte l’Assemblée des Français de l’étranger lorsqu’il envisage de ne pas mettre en œuvre le vote par internet pour les élections consulaires. Cette modalité de vote constitue, en effet, une garantie essentielle pour nos compatriotes établis hors de France, dont certains habitent à plusieurs centaines de kilomètres des bureaux de vote physiques.
La décision du Gouvernement d’annuler le recours au vote par internet pour les élections législatives de 2017 et l’absence de concertation préalable ont été particulièrement mal vécues, comme Yves Détraigne et moi-même avons pu l’observer dans un récent rapport d’information.
La proposition de loi et la proposition de loi organique sont le fruit d’un travail pluraliste et consensuel au sein du Sénat. J’encourage désormais le Gouvernement à les inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, afin d’améliorer la représentation de nos compatriotes établis hors de France et de réduire la fracture démocratique qu’ils subissent par rapport à la communauté nationale.
Je vous propose donc, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, d’adopter cette proposition de loi et cette proposition de loi organique ainsi modifiées.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici arrivés, après l’examen de ces textes en commission, aux explications de vote.
La semaine dernière, nous avons travaillé à échanger nos vues, à croiser nos regards, sur la façon dont vit la loi de 2013 – un monument, madame Conway-Mouret –, dont MM. Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte ont pu faire l’évaluation au travers d’un rapport. Cette logique d’évaluation est saine, et je crois qu’elle doit irriguer l’ensemble de nos politiques publiques ; c’est bien naturel.
À partir de là, vous avez proposé un certain nombre d’améliorations, d’ajustements, à cette loi, sans remettre en cause ce qui a fait son succès, le fait d’avoir instauré des élus de proximité, les conseillers consulaires, dont les Français de l’étranger voient au quotidien l’effet de l’action.
Indépendamment de ce travail d’évaluation, toujours utile, le président de la République a souhaité, lorsqu’il s’est exprimé devant l’AFE à l’automne 2017, que Jean-Yves Le Drian et votre serviteur puissent réfléchir aux moyens d’intéresser encore davantage les Français de l’étranger à leur représentation non parlementaire.
Nous avons eu l’occasion d’y travailler avec les parlementaires, les associations, le bureau de l’AFE, et cela pourrait déboucher sur des propositions, peut-être après le grand débat national. Les Français de l’étranger sont fondés à s’emparer de ce grand débat national ; comme l’un des axes de celui-ci est la citoyenneté, il me semblerait utile, intéressant, que nous les écoutions, que nous tendions l’oreille pour entendre leurs suggestions, leurs propositions.
En tout cas, nous avons désormais, grâce à cette proposition de loi, un vecteur juridique intéressant, qui pourrait, le cas échéant, être encore enrichi.
Avant d’aller plus loin sur les pistes de réforme, je veux préciser que ce que l’on a à cœur, c’est de garder la proximité, de conserver ce maillage dense de conseillers consulaires, et d’avoir une plus grande lisibilité. En effet, je l’avoue, au terme de ces consultations – nous avons également consulté les conseillers consulaires par voie électronique, et deux tiers d’entre eux ont répondu –, je trouve intéressante l’idée selon laquelle les conseillers consulaires seraient tous membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. En tout état de cause, la lisibilité du dispositif en serait plus grande, cela éviterait les différents étages, si j’ose dire, de conseillers consulaires membres de l’AFE, de conseillers consulaires et de délégués consulaires. Certes, tous sont élus le même jour, mais ils exercent des fonctions différentes.
Dans le cadre de la simplification qu’appellent de leurs vœux nos concitoyens, c’est une réflexion intéressante.
Par ailleurs, il est important de tisser un lien plus fort entre l’Assemblée des Français de l’étranger et les parlementaires. En vertu de la réforme de 2013, les parlementaires ne siègent plus au sein de l’AFE, on le sait, mais on peut peut-être trouver une formule à la fois souple et efficace. Pour ma part, j’imagine cela sous la forme d’une commission permanente des Français de l’étranger, qui réunirait chaque trimestre le bureau de l’AFE et les parlementaires – députés et sénateurs – qui représentent les Français de l’étranger. Ainsi, les travaux de l’AFE trouveraient une caisse de résonance, et, surtout, le Gouvernement lui-même pourrait s’en emparer pour leur donner des débouchés concrets, utiles.
Il s’agit là d’ajustements un peu plus significatifs, mais qui pourront être débattus au cours des prochains mois.
J’en arrive aux propositions d’ajustements adoptées par la commission des lois, sur lesquels je dirai quelques mots.
Il y a des éléments sur lesquels nous convergeons, sur lesquels nous sommes parvenus conjointement à un oui franc et massif. Je pense d’abord aux autorisations d’absence des élus ; nous avons eu un petit débat, mais, compte tenu de ce qui a lieu sur tout le territoire national, il n’est pas absurde de prévoir ce régime pour un certain nombre de catégories. Attention, toutefois, certains élus consulaires, étant employés de droit local, n’y auront pas droit ; cela dit, c’est un pas en avant dans le statut de l’élu.
En ce qui concerne les mesures d’ordre protocolaire, cela a été évoqué, c’est la voie réglementaire qui est habilitée à agir. Je le dis systématiquement à nos consuls et à nos ambassadeurs, il est important de veiller à ce que les élus puissent prendre toute leur place dans les cérémonies ; nous le répéterons.
Il y a aussi des sujets de simplification, comme les procurations pour les délégataires ; cela me convient très bien.
Cela étant dit, il existe aussi un certain nombre de sujets auxquels il faut encore travailler, avec les députés, avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi avec des représentants de l’AFE, qui n’a pas eu, en tant que telle, à se prononcer, alors qu’il serait intéressant d’avoir son avis s’agissant d’éléments qui régissent son fonctionnement.
Ainsi, l’article 1er A de la proposition de loi confie la présidence du conseil consulaire à un élu, ce qui change du modèle actuel, dans lequel le chef de poste préside ce conseil. Je l’ai indiqué à la commission, il me semble qu’il serait utile de creuser la notion de coprésidence, sur laquelle nous pourrions nous retrouver. En effet, la coprésidence a cette vertu : elle oblige les coprésidents à discuter et, par exemple, à arrêter ensemble l’ordre du jour. Cela permet d’éviter de se retrouver face à des contradictions ou à des impasses ; l’un et l’autre travaillent ensemble.
En ce qui concerne le contrat global d’assurance, il convient de s’assurer que le mieux n’est pas l’ennemi du bien. Certains d’entre vous l’ont d’ailleurs signalé, parfois, la négociation individuelle peut présenter plus d’avantages. Regardons cela de près pour trouver une formulation et une pratique qui ne reviennent pas en arrière par rapport à certains acquis individuels.
Il reste également un travail à conduire sur les délais, puisque vous avez souhaité que les personnes dont la candidature a été écartée puissent faire l’objet d’un repêchage ; c’est une idée intéressante, mais il faut que cela soit compatible avec d’autres délais, comme celui de l’information des électeurs. J’attire donc votre attention sur ce point, il y a sûrement une réflexion à mener sur l’article 3 pour qu’il fonctionne bien.
A également été évoquée la mise en place d’une commission centrale de contrôle de la propagande, un peu sur le modèle de ce qui existe à l’échelle de nos départements. J’ai d’abord pensé que vous envisagiez une instance examinant toutes les professions de foi ; cela m’a semblé être un outil un peu lourd. Je comprends maintenant que votre intention est plutôt de régler uniquement les cas posant problème.
Aussi, si ce mécanisme fonctionnait comme une sorte de cour d’appel, il serait beaucoup plus souple, plus léger, et il pourrait être mis en place sans consommer trop d’équivalents temps plein – pardon d’être concret, pragmatique et d’avoir une vision un peu budgétaire, mais c’est aussi la réalité. Sur le fondement de cette précision – cette instance serait uniquement appelée à se prononcer en cas de litige portant sur l’appréciation, à l’échelon du poste –, alors, ce dispositif peut effectivement s’envisager.
Vous avez aussi soulevé la question du régime des incompatibilités, notamment pour ce qui concerne les consuls honoraires d’autres pays. Lorsque quelqu’un est élu parlementaire de la République française et qu’il exerce ce mandat, il n’est pas bon qu’il cumule cette fonction avec une activité de consul honoraire d’un autre pays, d’une autre puissance.
Il conviendrait donc, là aussi, de préciser la rédaction envisagée, car, sur le principe, nous convergions, me semble-t-il.
Enfin, il y a aussi des éléments – plus rares – sur lesquels je suis très réservé et auxquels je suis même, pour l’instant, défavorable. Je pense notamment à la disposition qui octroie le port de l’écharpe à tous les conseillers consulaires. On a filé la métaphore avec les élus locaux français, notamment les conseillers municipaux. Or ceux-ci ne portent pas l’écharpe ; seuls les membres de l’exécutif – les maires et les adjoints – peuvent le faire. Je pense qu’il faut garder ce parallélisme des formes ; il ne serait pas de bonne politique d’y contrevenir. Il existe d’autres façons de distinguer les élus consulaires, et cette idée soulève un certain nombre d’objections qui peuvent susciter l’adhésion.
Pour ce qui a trait au vote électronique, la consultation prévue ferait un peu double emploi avec le fait que l’Assemblée des Français de l’étranger délègue déjà deux ou trois membres au bureau de vote électronique, qui est lui-même appelé à se prononcer sur ce fameux vote par internet. L’AFE est donc déjà, en quelque sorte, amenée à s’exprimer.
En outre, je tiens à vous rassurer pleinement, nous sommes bien déterminés à mettre en place ce vote par internet dès les élections consulaires de 2020. Nous avons renforcé l’équipe du projet, nous y avons dédié un directeur de projet et des ressources humaines supplémentaires, en provenance de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, la DFAE, et de la direction des systèmes d’information, la DSI. Nous nous mettons donc en mesure de rendre ce vote possible.
Cela dit, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. La suite des travaux permettra, je crois, d’affiner les textes et de converger ; en tous les cas, c’est le souhait que je forme pour assurer le succès de cette représentation non parlementaire des Français de l’étranger.
Un million huit cent mille de nos compatriotes sont inscrits sur les registres, mais, on le sait, ce sont plus vraisemblablement trois millions de Français qui sont établis hors de France. Il est important que puisse exister ce réseau d’élus locaux totalement mobilisés et que nous fassions montre non seulement de considération, de respect, mais encore du souci de faciliter l’action de ces élus de terrain que sont les conseillers consulaires et les membres de l’AFE.
Je vous remercie, en tout cas, de votre contribution au débat ; que celui-ci se poursuive !
Mme la rapporteur et Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il était jusque-là entendu que l’examen des projets et propositions de loi selon la procédure de législation en commission serait réservé à des textes plutôt techniques, relativement consensuels et, en tout cas, ne demandant pas de longs débats de fond.
Ce fut le cas jusqu’à présent ; la proposition de loi initiale, limitée à des dispositions facilitant l’expression électorale de nos compatriotes établis hors de France, ne posant pas de problème particulier, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste n’avait émis aucune objection à ce qu’elle soit examinée selon la procédure de législation en commission.
La création, par voie d’amendements en fin de réunion, de quatre articles nouveaux sur six a changé la donne. En effet, ces articles nouveaux créent une sorte de statut de l’élu consulaire, doté des prérogatives jusque-là réservées aux maires, alors que, à la différence de ceux-ci, leur rôle est seulement consultatif, qu’ils ne sont pas, comme les maires, agents de l’État – notamment officiers d’état civil –, et qu’ils sont encore moins dotés de pouvoirs de police, ce qui explique largement la nécessité de disposer de signes distinctifs.
L’article 1er D nouveau est particulièrement significatif, puisqu’il autorise les conseillers consulaires à porter les insignes républicains – les modalités pratiques sont renvoyées à un décret en conseil d’État –, notamment l’écharpe tricolore, dans l’exercice de leur mandat, et à faire usage de timbres symbolisant la République dans leurs communications et leur correspondance, alors, je l’ai dit, qu’ils n’ont aucun rôle exécutif, qu’ils ne sont, contrairement aux maires, ni agents de l’État ni dotés de pouvoirs de police.
Les amendements ayant été adoptés par la commission, aucun amendement de suppression ou de modification n’étant possible en seconde lecture en commission et le vote en séance public étant une formalité, l’affaire est donc entendue… Bien joué ! Trop bien joué, toutefois, car c’est le consensus sur les vertus de la législation en commission, en train de s’installer, qui se trouve ainsi remis en cause. L’avenir dira ce qui en résultera…
Ainsi, échaudé, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre une proposition de loi que, dans sa forme initiale, il s’apprêtait à adopter. Dommage !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord saluer l’initiative consistant à inscrire à l’ordre du jour ces deux textes – la proposition de loi organique et la proposition de loi – issus du rapport que Christophe-André Frassa et moi-même avions rédigé en 2015. Je salue également le travail du rapporteur, Jacky Deromedi.
Finalement, il en ressort non pas une grande réforme – ce n’était pas l’objectif –, mais la correction d’un certain nombre de petites erreurs que l’on avait pu constater à la suite de la mise en œuvre de la loi de 2013 ; je pense en particulier aux procurations pour les élections à l’AFE, à la vérification des conditions d’éligibilité, aux élections partielles et aux conditions d’organisation de celles-ci.
Les textes apportent aussi un peu plus de flexibilité dans la composition des commissions de contrôle des listes électorales qui sont issues non pas de la loi de 2015, mais de la loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, qui a établi le répertoire électoral unique.
Notons cependant des avancées plus significatives, comme la mise en place, évoquée par M. le secrétaire d’État, d’un président de conseil consulaire élu. Je salue la proposition du Gouvernement de cheminer vers cela à travers la mise en place d’une coprésidence. C’est ce que nous avions fait en 2013 en transformant la vice-présidence de l’AFE en une présidence réelle, avec des élus.
Je pense par ailleurs à l’évolution du rôle des présidents et des vice-présidents de conseil consulaire qui auraient la possibilité de parrainer des candidats à l’élection présidentielle, à l’instar des chefs d’exécutifs locaux que sont les maires, par exemple.
Je regrette que certains amendements, auxquels nous ne sommes pas opposés sur le fond, mais qui relèvent davantage du domaine réglementaire et qui n’ont pas forcément leur place dans les présents textes, conduisent le groupe CRCE à ne pas nous suivre.
La grande réforme, monsieur le secrétaire d’État, sera peut-être pour une prochaine fois.
L’année dernière, vous avez lancé une concertation. Toutefois, compte tenu du calendrier et de la tradition républicaine selon laquelle on ne change pas les règles un an avant une élection, j’ai du mal à imaginer comment l’agenda d’une grande réforme pourrait s’intégrer aux exigences liées aux échéances électorales – élections sénatoriales de septembre 2020 et fin des mandats des conseillers consulaires en juin 2020…
Vous vous êtes montré très ouvert lors de nos discussions et j’espère que vous pourrez vous saisir des travaux du Sénat pour faire progresser, non pas cette grande réforme, mais cette évolution des lois en vigueur qui mérite d’être adoptée avant le prochain renouvellement des conseils consulaires.
S’il fallait conduire une grande réforme, nous pourrions avoir des ambitions plus grandes. En 2013, nous avions donné la priorité à la proximité en multipliant à peu près par trois à la fois le nombre d’élus et le nombre de circonscriptions électorales.
Aujourd’hui, je pense qu’il faudrait axer une grande réforme sur les transferts de compétences aux élus, ceux des conseils consulaires et de l’Assemblée des Français de l’étranger.
C’est en leur accordant davantage de compétences que l’on pourra lutter contre l’abstention et donner plus de sens à l’engagement des élus et au vote des citoyens. Je pense en particulier au dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l’étranger, le STAFE, aux instructions générales des bourses scolaires, à la politique d’action sociale qui mériteraient d’être plus cadrés qu’aujourd’hui par nos différents élus consulaires et par ceux de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Pourquoi une représentation politique des Français de l’étranger, parlementaire et non parlementaire ? Je crois tout d’abord que nous avons un rôle particulier au Sénat, en tant que représentants des Français de l’étranger.
Aidés par les conseillers consulaires, nous devons essayer de transmettre, en sus des compétences qui se trouvent déjà en France, la voix, les idées du monde, les observations des Français qui vivent ailleurs et qui veulent participer au débat national pour permettre à notre pays de mieux s’adapter aux défis mondiaux.
Nous devons aussi, en lien avec les élus consulaires, défendre les politiques publiques qui nous concernent. Par exemple, nous sommes particulièrement inquiets de l’avenir de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, notamment en raison de ses contraintes budgétaires, de la politique de la Direction générale du Trésor à l’égard des garanties de l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger, l’ANEFE, ou des moyens alloués à l’administration consulaire… Nous sommes singulièrement attachés à ces institutions qui font vivre la citoyenneté à l’étranger.
Le groupe socialiste et républicain votera ces deux propositions de loi ordinaire et organique avec pour seul petit regret le fait que la majorité sénatoriale n’ait pas voulu nous suivre pour permettre à l’ensemble des conseillers consulaires de désigner le conseil d’administration de la Caisse des Français de l’étranger, la CFE.
Une grande réforme, consensuelle, a donné plus de pouvoirs au conseil d’administration de la Caisse, dans un acte de confiance à l’égard de ce conseil d’administration, mais je crois qu’il aurait été utile que l’ensemble des conseillers consulaires puisse voter lors du prochain renouvellement de ce même conseil.
La présente proposition de loi marque l’attachement de tous à la réforme de 2013 et permet de l’inscrire dans la durée.
M. Jean-Yves Leconte. Nous avons maintenant besoin de votre aide, monsieur le secrétaire d’État, pour faire aboutir cette petite réforme qui nous permettrait d’être encore plus au point avant le prochain renouvellement des conseillers consulaires. Nous comptons sur vous !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, lorsqu’il était maire de Londres, Boris Johnson avait pour coutume d’ironiser en se présentant comme le maire de la sixième ville de France, « devant la ville de Bordeaux », comme il le précisait.
Ce fait est toutefois difficile à vérifier, dès lors qu’une partie importante des expatriés français de Londres sont de jeunes gens employés comme commis de cuisine, serveurs ou au pair, et restent peu connus des services consulaires.
Au-delà du clin d’œil, cette anecdote souligne l’importance croissante de la population française expatriée comme phénomène politique et sa perception comme tel dans les différents pays d’expatriation.
Il est vrai que nos concitoyens bénéficient d’un formidable réseau de solidarité internationalement reconnu et établi, s’appuyant sur une série d’ambassades et de services consulaires, le troisième maillage de ce type au monde.
Ce réseau peut être jalousé, à raison. Au fil des siècles, nos consulats sont devenus de véritables petites préfectures au service de nos expatriés. Ils dispensent en outre une précieuse mission d’assistance sanitaire et administrative, facilitant ainsi le rapatriement de Français en difficulté ou le suivi de nos ressortissants incarcérés à travers le monde.
De la même manière, l’expatriation est aujourd’hui largement encouragée, notamment par le biais des volontariats internationaux. Pour soutenir le célèbre adage « les voyages forment la jeunesse », il faut continuer d’encourager ces mouvements tout en réfléchissant aux moyens de faciliter la réintégration des « expats » à leur retour en France.
Très tôt, les autorités françaises ont d’ailleurs pris conscience de l’importante force de projection économique et culturelle que les Français de l’étranger pouvaient constituer – je pense, par exemple, au titre symbolique de « député de la Nation » créé en 1669 dans les colonies françaises.
En revanche, la France a longtemps hésité avant de leur accorder une réelle représentativité au sein du Parlement. Ce fut l’œuvre de la IIIe République, qui leur réserva quelques sièges de sénateurs en 1875. Ce mouvement s’est achevé en 2008, avec l’octroi de sièges à l’Assemblée nationale.
En parallèle, un rôle consultatif a été reconnu aux Français de l’étranger, dans des formes qui ont varié.
L’évolution générale a consisté en une démocratisation de la fonction de conseil auprès des autorités, en remplaçant progressivement les représentants désignés par des représentants élus au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit exactement dans cette logique dans la mesure où elle vise à renforcer la représentativité des élus consulaires et, ainsi, à solidifier les outils de la vie politique française hors de France.
Sur le fond, ces dispositions relèvent du bon sens et les membres du groupe du RDSE ne peuvent qu’y souscrire, ces élus consulaires pouvant utilement contribuer au raffermissement du sentiment républicain de nos concitoyens les plus éloignés géographiquement.
Les amendements du rapporteur et de nos autres collègues représentant les Français de l’étranger en confirment d’ailleurs pertinemment l’esprit.
Cependant, malgré l’existence de contraintes particulières pour l’acheminement des suffrages exprimés qui justifient des réajustements – le cas des difficultés rencontrées à Francfort, par exemple, a été largement évoqué en commission –, il est dommage de ne pas avoir adopté un point de vue plus large en considérant la transversalité de la problématique de dématérialisation des procédures de vote.
Il est en effet régulièrement fait état de difficultés liées à la prise en compte de procurations, y compris en France, faute d’une transmission des formulaires en temps et en heure.
La dématérialisation est un mot à la mode dans les relations entre l’administration et les administrés, pour le meilleur et pour le pire. Ne devrait-on pas commencer par dématérialiser ces processus administratifs internes ?
Enfin, on peut également s’interroger sur le calendrier choisi. N’aurait-il pas été pertinent d’intégrer ces évolutions à la réflexion d’ensemble sur nos institutions à laquelle nous invite le grand débat national ?
Comme l’évoque Boris Johnson, les expatriés français sont pour l’essentiel des habitants de métropoles ayant su tirer profit de la mondialisation. Là encore, une approche plus transversale visant à renforcer la représentativité de tous nos concitoyens aurait été plus pertinente au regard du contexte actuel.
Ces quelques réserves exprimées, les membres du groupe du RDSE n’ont pas l’intention de s’opposer à cette initiative, qui rassemble des dispositions pertinentes.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà trois cent cinquante ans, en 1669, Colbert instituait les députés de la Nation dans les pays d’Orient, en particulier en Inde et en Égypte.
Élus chaque année, par et parmi les membres de nos colonies, ils avaient pour mission d’assister le consul et d’exprimer – déjà – leurs doléances auprès du roi.
En créant le Conseil supérieur des Français de l’étranger, le CSFE, en 1948, pour « fournir des avis sur les questions et projets intéressant les Français domiciliés à l’étranger ou l’expansion française », la France s’est dotée d’une structure de représentation, aujourd’hui appelée Assemblée des Français de l’étranger, qui a permis de grandes avancées.
La loi du 22 juillet 2013, sur l’initiative de notre collègue Hélène Conway-Mouret, a institué un échelon de proximité – les conseils consulaires – en sus de l’instance placée à l’échelon national, l’Assemblée des Français de l’étranger. Or qui dit nouveau scrutin, dit nouvelles difficultés.
Cette proposition de loi et cette proposition de loi organique, déposées par Christophe-André Frassa, que je remercie, sont destinées à améliorer la loi de 2013.
Je salue l’excellent travail de mon collègue, ainsi que celui de Mme la rapporteur, Jacky Deromedi, qui a enrichi ces textes de plusieurs amendements bienvenus lors de leur examen en commission.
Ces textes d’ajustement répondent à des difficultés concrètes constatées lors des scrutins de 2014. Ils pourront s’appliquer dès 2020, si le Gouvernement leur permet de prospérer.
Ils s’articulent en deux volets Il s’agit tout d’abord d’adapter le régime électoral des élections consulaires et de l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. L’administration aurait les moyens de mieux contrôler les candidatures, la propagande électorale et les procurations.
L’institution d’une commission centrale de propagande, située au Quai d’Orsay, permettrait de mieux contrôler la conformité des professions de foi et des bulletins de vote. L’expérience nous a montré que c’était une réelle nécessité. On ne peut demander à un chef de poste d’être aussi un spécialiste de droit électoral. La réduction des moyens imposée aux postes doit être prise en compte. Il faut rationaliser.
Je remercie Mme la rapporteur d’avoir bien voulu retenir mon amendement, qui visait à clarifier le déroulement des élections sénatoriales pour les Français de l’étranger en dissociant l’introduction dans l’urne des plis remis à l’administration du vote à l’urne. Ce nouveau dispositif permet d’éviter une confusion tout en s’inscrivant dans l’un des objectifs de la proposition de loi.
Ensuite, nous souhaitons conforter les moyens d’action des conseillers consulaires et des membres de l’AFE.
Leur engagement quotidien est, hélas, trop souvent méconnu. Je veux saluer leur abnégation et leur courage.
Hier, aux Communes, Theresa May a annoncé qu’elle renonçait à faire payer 65 livres sterling aux Européens qui demanderaient un statut de résident. Qui l’a fait changer d’avis ? Pas la Commission européenne, pas le gouvernement français, mais l’association The 3 Million, créée par Nicolas Hatton, un délégué consulaire.
Restons à Londres : c’est aussi une conseillère consulaire – Sophie Routier – qui a déniché les sites de Kentish Town et de Wembley où ont été aménagées les deux nouvelles écoles secondaires accueillant aujourd’hui près de 2 000 élèves.
Il en va de même de l’emploi : en Espagne, pour aider nos compatriotes, le conseiller consulaire Pierre-Olivier Bousquet a déjà organisé six salons de l’emploi à Barcelone, quatre à Madrid et un à Saragosse. Il est à Malaga en ce moment même pour y lancer un premier salon.
En Équateur, la conseillère consulaire Tanya Bricard était auprès des Français traumatisés et ruinés par le tremblement de terre survenu il y a deux ans.
Même altruisme au Japon, de la part de Thierry Consigny, qui participait aux secours depuis l’ambassade après le tsunami en étant présent jour et nuit.
Je demande pardon à tous ceux que je n’ai pas cités. Nous connaissons beaucoup d’autres de nos compatriotes qui mériteraient d’être mis à l’honneur, au premier rang desquels figure Guy Savery, qui nous a quittés samedi, élu des Français de l’étranger depuis trente-sept ans. Un grand monsieur.
Il nous revient de mettre en valeur leur engagement quotidien au service des Français de l’étranger. Pour les conforter, il est nécessaire d’affranchir les conseillers consulaires de la tutelle de l’administration en leur permettant de présider le conseil consulaire.
L’organisation de la représentation des Français de l’étranger gagnerait à être simplifiée et améliorée. J’aspire à une réforme qui associe mieux les élus de terrain et les parlementaires, comme par le passé, dans la précédente AFE. Je sais que le Gouvernement y réfléchit, comme vos propos l’ont confirmé, monsieur le secrétaire d’État.
Ne tardez pas trop. Il serait dommage de devoir attendre 2026 pour offrir une représentation plus proche et plus participative, dotée de moyens supplémentaires pour lui permettre d’être encore plus efficace.
Le groupe Union Centriste votera les textes proposés.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, la loi de 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France a profondément revu le régime de représentation des Français de l’étranger en créant une nouvelle instance de proximité – les conseils consulaires – et en réformant l’Assemblée des Français de l’étranger.
En juin 2015, un rapport a dressé un premier bilan de cette réforme et formulé dix recommandations pour conforter la représentation des Français de l’étranger.
La proposition de loi et la proposition de loi organique, présentées par notre collègue Christophe-André Frassa, visent à mettre en œuvre ces recommandations et à ajuster le régime de représentation des Français de l’étranger en vue des prochaines élections de 2020, sans en modifier l’équilibre.
D’une part, ces deux textes tendent à conforter les conditions d’exercice des mandats de conseiller consulaire et de membre de l’Assemblée des Français de l’étranger.
D’autre part, ils visent à sécuriser les procédures électorales pour l’élection des conseillers consulaires et des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Ils instituent ainsi une commission centrale de propagande chargée de contrôler la conformité des professions de foi et des bulletins de vote des candidats. Ils améliorent également les conditions dans lesquelles les électeurs peuvent voter à distance.
Je me réjouis que la commission des lois ait adopté à l’unanimité ces deux textes, qui s’inscrivent dans la continuité du travail du Sénat et qui apportent des correctifs utiles.
Plusieurs amendements techniques ont été adoptés pour s’assurer du bon fonctionnement de la nouvelle commission centrale de propagande et du bon déroulement des élections consulaires partielles.
La commission des lois a également revu le calendrier de l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
En outre, elle a renforcé le rôle des conseillers consulaires et des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, notamment en confiant la présidence des conseils consulaires à un membre élu et en autorisant les conseillers consulaires à arborer l’écharpe tricolore pendant les cérémonies officielles.
La commission a également souhaité que le Gouvernement consulte l’Assemblée des Français de l’étranger lorsqu’il envisage de ne pas mettre en œuvre le vote par internet pour les élections consulaires.
Enfin, plusieurs amendements du groupe socialiste et républicain ont été adoptés, afin d’éviter la multiplication du nombre d’élections consulaires partielles et d’améliorer le fonctionnement des commissions de contrôle des listes électorales.
Les deux présents textes étant le résultat d’un travail à la fois multipartisan et transpartisan, le groupe Les Indépendants – République et Territoires les votera sans réserve.
Ce vote final, après un travail de législation en commission, donne lieu à un rassemblement de volontés.
Au fond, nous constatons de concert que la réforme de 2013 a introduit des progrès, des possibilités nouvelles, dans le travail des représentants des Français de l’étranger au service de leurs concitoyens pour renforcer leur représentativité et leur capacité de propositions.
La proposition de loi se limite – mais il s’agit d’un objet important – à optimiser et à faciliter l’exercice de leur mandat.
Le groupe La République En Marche approuve la proposition de loi dans le texte issu des travaux de la commission, même si je le dis avec prudence, n’ayant pu participer à la réunion de législation en commission.
Je rejoins l’intervention de M. Collombat qui conteste aux élus n’ayant pas de rôle exécutif la faculté de porter une écharpe tricolore. Il serait pourtant tout à fait concevable de prévoir d’autres types d’insignes républicains…
L’essentiel, me semble-t-il, est que le Gouvernement prenne intérêt à cette proposition de loi et en perçoive les bons côtés.
Nous proposons donc d’adopter ces textes, en espérant que la suite du débat bicaméral permette de les perfectionner
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons voter deux propositions de loi qui vont améliorer de manière bien réelle le régime électoral et les conditions d’exercice des mandats des élus des Français de l’étranger.
La réforme de 2013 a bientôt six ans – presque l’âge de raison. Du fait des quelques lacunes et imperfections que sa mise en œuvre a révélées, il importe de la modifier sans attendre, même si elle a eu le grand mérite d’accroître le nombre d’élus des Français de l’étranger et d’en faire des élus de plus grande proximité géographique.
Alors que les chiffres avancés de 1, 8 à 2 millions de Français résidant hors de France sont en deçà de la réalité – l’INSEE en dénombre plutôt 3, 3 à 3, 5 millions –, il convenait de mieux représenter ceux-ci, notamment par un plus grand nombre d’élus, ce qui suppose bien évidemment que le nombre de parlementaires soit en rapport avec ces chiffres…
Je souhaite exprimer mes remerciements à l’auteur principal de ces deux textes, Christophe-André Frassa, ainsi qu’à Mme la rapporteur, Jacky Deromedi. Notre reconnaissance va également aux présidents Retailleau et Bas, qui ont permis d’inscrire ces deux propositions de loi à notre ordre du jour. Ils ont été à l’écoute des Français de l’étranger.
Ces deux textes portent de belles avancées. La mise en place d’une commission chargée, pour l’ensemble des circonscriptions, de surveiller et d’organiser la propagande électorale répond à une nécessité. Tous ceux qui ont vécu les élections de 2014 peuvent en témoigner.
D’autres dispositions permettront de ne plus se retrouver dans certaines situations ubuesques, comme l’absence de conseillers consulaires dans une circonscription pendant six ans, ou de ne plus avoir à organiser une élection partielle pour pourvoir un poste de délégué consulaire, alors qu’une élection sénatoriale doit intervenir avant le renouvellement général des élus consulaires.
Il s’agit aussi – autre point essentiel – de corriger une anomalie de la loi de 2013 : la présidence du conseil consulaire reviendra enfin à un élu, et non plus à un fonctionnaire qui, quels que soient ses mérites par ailleurs, n’a pas de légitimité démocratique.
Je souhaite maintenant revenir sur des points tout aussi essentiels aux yeux du conseiller consulaire que j’ai été. Contrairement à ce que pensent certains, il ne s’agit pas que de symboles, même si nous avons obtenu des progrès en termes de reconnaissance, comme le port de l’écharpe tricolore – grâce à l’amendement de Damien Regnard – ou la modification de la place des conseillers consulaires dans l’ordre protocolaire.
J’ai accepté de retirer mon amendement relatif aux cartes tricolores au bénéfice de votre engagement, monsieur le secrétaire d’État, qu’une circulaire ministérielle soit prise par vos soins, à l’instar de celle de 2011, pour mieux organiser les relations entre nos élus consulaires et nos diplomates.
Il existe bien trop de différences de traitement entre élus d’un pays à l’autre, d’un ambassadeur ou consul à un autre, selon les relations personnelles ou les sensibilités politiques.
Certains élus consulaires sont considérés, d’autres le sont parfois moins. Il faut absolument y remédier et je suis heureux, monsieur le secrétaire d’État, que vous preniez un engagement dans ce sens.
Le groupe Les Républicains votera bien évidemment ces deux propositions de loi, en espérant que le Gouvernement fasse le nécessaire pour que le processus législatif aille à son terme. Il vous appartient, monsieur le secrétaire d’État, de faire inscrire les textes que nous votons aujourd’hui à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 42 :
Nombre de votants344Nombre de suffrages exprimés344Pour l’adoption327Contre 17Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste . – M. Yvon Collin applaudit également.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.