L'omerta et le déni sont le propre de tout citoyen : je rappelle que toute personne placée en garde à vue a le droit de ne pas dire la vérité et de garder le silence. Ce n'est pas propre à l'Éducation nationale.
Cela étant dit, la circulaire de 1997 de Mme Royal rappelant aux enseignants le devoir de signalement a levé une certaine chape de plomb. Personne ne met en doute la nécessité de mettre hors d'état de nuire les prédateurs des enfants, mais il ne faut pas installer une présomption de culpabilité. Or la législation a tendance à évoluer en ce sens, malgré les mises en garde du Conseil d'État, en grignotant progressivement la présomption d'innocence. Je songe notamment au texte du 3 août 2018, dont il conviendra d'évaluer l'application dans un ou deux ans.
Il est indispensable de protéger la parole de l'enfant. La publication de la circulaire de Ségolène Royal a entraîné un pic de dénonciations, dont certaines étaient abusives. Les enfants, contrairement à ce que disait la ministre, ne disent pas toujours la vérité - l'affaire d'Outreau l'a montré. Ils peuvent être manipulés. Toutes les leçons d'Outreau - comment écouter l'enfant, qui faire intervenir au début des gardes à vue, comment faire intervenir le contradictoire dans la procédure, comment respecter la présomption d'innocence, comment protéger l'enfant des influences ? - doivent être tirées. Il est arrivé que des enfants soient utilisés contre un enseignant ou pour régler des comptes au sein d'une famille. J'ai ainsi eu à connaître d'un cas où une enseignante avait aidé un élève à témoigner, certificat médical à l'appui, contre son ex-compagnon, lui-même enseignant, dans le contexte d'une séparation de corps conflictuelle. C'est une autre maltraitance, qui consiste à utiliser les enfants comme des outils.
Comment éviter ces dérives, dont les dégâts sont considérables ? Accusé d'attouchements par un élève, un professeur de gymnastique s'est suicidé, avant que les élèves qui l'avaient mis en cause ne reconnaissent que les accusations étaient fantaisistes. Il faut donc protéger l'enfant, mais aussi veiller à la présomption d'innocence.