Comment concilier présomption d'innocence et prévention ? Notre fédération a eu à connaître d'un directeur d'école suspendu pendant 47 mois, avant d'être relaxé par la cour d'appel des accusations à caractère sexuel dont il était l'objet de la part d'une dizaine de familles. À l'époque, le ministre de l'éducation nationale était Gilles de Robien. Nous avons demandé que la loi soit modifiée, et nous n'avons obtenu gain de cause qu'il y a deux ans, au travers de l'amendement que j'ai évoqué : désormais, les professionnels suspendus parce qu'ils sont mis en cause dans une affaire, pas nécessairement à caractère sexuel, peuvent être affectés à un autre poste qui ne les expose pas au contact des enfants. C'est un progrès.
Il faut regarder si les préconisations de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau ont été appliquées. Son président André Vallini disait qu'en France, les principes sont exemplaires : la présomption d'innocence est inscrite en lettres d'or dans notre code de procédure pénale, la détention provisoire est l'exception, la liberté est la règle... Hélas, la réalité est parfois loin des principes et, trop souvent, la présomption d'innocence cède le pas devant la présomption de culpabilité. Dans ses recommandations, M. Vallini insistait sur le recueil de la parole de l'enfant, le rôle des experts - qui, dans l'affaire d'Outreau, se sont tous trompés, ont été pareillement manipulés - et la formation des enquêteurs. Or tous les commissariats et gendarmeries ne sont pas encore dotés de fonctionnaires chargés de recueillir la parole des enfants et formés à le faire ; les moyens manquent - parfois, la caméra tombe en panne. Et les droits de la défense doivent être respectés.
L'affaire d'Outreau nous a enseigné que l'enfant mineur peut malheureusement mentir, être instrumentalisé ou manipulé, sa parole peut être déformée, il peut même en être prisonnier. Il agit parfois sous l'influence de sa famille et est alors pris dans un conflit de loyauté. Il peut accuser de faits réels une personne innocente pour protéger un parent qu'il ne veut ou ne peut accuser. Tout cela est heureusement rare. Mais lorsqu'un enseignant est victime de dénonciation, les dégâts sont considérables : l'Éducation nationale ouvre le parapluie et suspend l'enseignant. C'est peut-être un bien pour l'enfant, mais une catastrophe s'il est innocent.