Madame la présidente, monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c'est un plaisir pour moi d'être présent devant vous ce matin, dans cette salle magnifique pour échanger avec vous sur l'audiovisuel.
Nous sommes dans un moment un peu particulier, une réforme de l'audiovisuel public ayant été annoncée par ma prédécesseure. Parallèlement, Françoise Nyssen a travaillé et je travaille aujourd'hui sur une réforme plus globale de l'audiovisuel, qui comportera nécessairement une partie relative à l'audiovisuel public. Il est donc d'autant plus utile que nous puissions échanger, et je suis à votre écoute.
Qu'elles soient de fiction ou d'information, les images ont un impact considérable sur nos imaginaires : on a tendance à s'y projeter et à apprécier davantage les films et les séries dans lesquelles on s'identifie à un personnage. Mais, pour certains, il est difficile de s'identifier à une image, à une situation ou à un personnage car, trop souvent, les écrans ne montrent qu'une partie de notre société, occultant tout un pan de la société française. En omettant de les représenter, on donne le sentiment à certains territoires et à certains Français d'être invisibles, délaissés, de n'être pas suffisamment considérés.
Ce sentiment, nous l'avons trop longtemps laissé prospérer, et je suis vraiment convaincu que cela ne peut pas durer plus longtemps. Cette insatisfaisante représentation à l'écran, les outre-mer sont les premiers à en souffrir. Leur diversité, leur jeunesse, la richesse de leurs langues et de leur patrimoine, leur vie culturelle foisonnante, leur francophonie vibrante..., nous ne les montrons pas assez, nous ne leur donnons pas suffisamment de visibilité.
Il n'est pas normal de ne pas avoir d'acteurs ou de personnages ultramarins dans les séries françaises. Il n'est pas normal que les journaux télévisés évoquent Mayotte, la Nouvelle-Calédonie ou La Réunion par exemple uniquement lorsque ces territoires vont mal.
Pour que l'audiovisuel public parle à tous, il faut qu'il parle de tous, et ce sur des chaînes regardées par tous. L'existence d'une chaîne dédiée dans l'hexagone n'était pas une réponse à la hauteur de l'enjeu. Je suis convaincu que France Ô a servi d'alibi à l'absence de programmes dédiés aux outre-mer et à leurs habitants sur les autres chaînes du service public. Elle a cantonné « l'archipel de France » à la périphérie, au lieu de le placer au centre des programmes que les Français regardent.
Les choses doivent changer, et, croyez-moi, les choses vont changer ! La transformation de l'audiovisuel public va nous y aider. Elle doit permettre de montrer la France telle qu'elle est, de donner une image fidèle de notre pays et à notre pays. Elle doit refléter la vitalité de celui-ci. Notre objectif, c'est de placer l'outre-mer au centre et non plus à la périphérie de l'audiovisuel public, c'est de parler de l'outre-mer comme on parle de l'hexagone. Cela signifie, par exemple, intégrer au journal télévisé de France 2 des sujets à propos du prochain lancement de l'expérimentation du pass culture en Guyane ou à propos de l'actualité culturelle de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il s'agit de rendre ces sujets plus visibles à la télévision, mais aussi dans l'univers numérique. Un portail dédié sera développé, comportant beaucoup plus de programmes consacrés aux outre-mer, avec un meilleur accès aux chaînes Outre-mer 1ère et à leurs contenus, qui sont pour moi un modèle exceptionnel de média global.
À l'horizon 2020, lorsque France Ô cessera d'émettre, tous les Français verront sur les écrans du service public des programmes produits en outre-mer, qui parlent de l'outre-mer, avec des ultramarins.
Afin d'y parvenir, des engagements ont été pris par le Président de la République, mais aussi, lors des Assises des outre-mer, en juin, par le Gouvernement tout entier, par la voix de la ministre des outre-mer, ma collègue Annick Girardin, et celle de ma prédécesseure, Françoise Nyssen, le 19 juillet, lors de la restitution de la mission de concertation, ainsi que par France Télévisions - et je remercie Delphine Ernotte de son engagement très fort et à travers elle, l'engagement de toutes les équipes de France Télévisions.
Pour obtenir des résultats visibles à l'antenne dans les meilleurs délais et pour que les choses changent vraiment, nous avons besoin de travailler avec les premiers concernés. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de donner la parole aux outre-mer. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de votre voix. C'est la raison pour laquelle un groupe de travail composé de parlementaires travaille avec France Télévisions afin d'étudier la façon dont les engagements pris seront tenus.
Il est de la responsabilité du Gouvernement - et nous l'assumons - de demander clairement à France Télévisions un certain nombre de propositions pour respecter les engagements qui seront pris et seront inscrits dans les documents contractualisant notre relation avec France Télévisions - par exemple, le cahier des charges, le contrat d'objectifs et de moyens (COM) ou encore la future loi audiovisuelle.
Si nous voulons la diversité à l'écran, nous devons avoir la diversité dans nos rangs. Il faut continuer le travail avec France Télévisions. Nous avons besoin de rentrer précisément dans le concret, avec des indicateurs et des idées pour réinventer les programmes des chaînes et le déroulé des journaux télévisés, de recruter de nouveaux animateurs, de réfléchir collectivement aux moyens d'améliorer la visibilité des territoires ultramarins dans l'ensemble du pays.
Il faut également associer à cette démarche Arte, France Médias Monde, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), Médiamétrie. Catherine Morin-Desailly a justement rappelé que l'audience de France Ô était très faible : elle était en 2007 de 0,6 point, soit 2,2 % des audiences totales de France Télévisions. Il y avait un problème d'audience. Il faut en revanche s'assurer que les programmes ultramarins, qui contiennent des personnalités ultramarines ou qui portent sur des sujets ultramarins, soient diffusés à un moment où l'audience est forte. Ce qui compte, c'est de toucher le plus grand nombre de Français, dans l'hexagone ou en outre-mer. Il faut aussi travailler avec les syndicats de la production audiovisuelle et avec le collectif « Sauvons France Ô », car nous devons échanger, travailler et être à l'écoute de tous.
L'État souhaite travailler avec le groupe de travail, les commissions des affaires culturelles du Sénat et de l'Assemblée nationale, les deux délégations parlementaires. Nous devons mobiliser nos moyens, sans confusion entre le législatif et l'exécutif, mais avec la même volonté que l'audiovisuel public et France Télévisions changent dans l'approche des outre-mer.
Avant de répondre à vos questions, je tiens à rappeler que France Télévisions continuera à engager des personnels et des moyens au niveau central pour les offres ultramarines. La question de l'avenir des personnels de France Ô sera traitée avec sérieux et responsabilité : nous devons faire les choses comme il se doit.
10 millions d'euros sont actuellement alloués par France Télévisions aux coproductions ultramarines. Cette enveloppe budgétaire sera non seulement maintenue mais elle doit être augmentée.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous avons toutes les cartes en main pour mieux représenter l'outre-mer. Nous avons les moyens d'en parler comme on parle de l'hexagone : c'est ce que nous allons faire. Sur ce sujet, je n'aurai de cesse de travailler en étroite collaboration avec la ministre des outre-mer, ma collègue Annick Girardin, et de coopérer avec le Parlement et l'ensemble des collectivités territoriales ultramarines.
Je suis élu depuis 1995, j'ai été maire durant dix ans et suis toujours conseiller municipal de Coulommiers : je suis très attaché au fait d'entretenir les meilleures relations avec les élus, en particulier les élus locaux. Les relations avec les collectivités territoriales ultramarines sont donc pour moi essentielles. Vous pouvez compter sur ma détermination et mon écoute totale. Je vous remercie.