Je voudrais en tout premier lieu dire ma satisfaction que la présente audition soit menée en réunion conjointe avec nos collègues de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, dont certains sont également membres de notre délégation sénatoriale aux outre-mer, et je tiens à remercier très vivement sa présidente, Mme Catherine Morin-Desailly d'avoir accepté cette démarche commune.
La question de la représentation et de la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public est un enjeu fort pour nos territoires ultramarins et leurs populations, dont la diversité des cultures et l'implantation dans tous les océans sont une richesse et une chance pour notre pays qui n'en a pas toujours une conscience aiguisée. La valorisation de la dimension ultramarine est largement tributaire d'une connaissance plus effective de cette réalité et cela passe inéluctablement par une meilleure prise en compte dans les médias, une prise en compte dépassant la vision catastrophiste et les clichés vivaces de carte postale : il y a là un enjeu de cohésion républicaine et la « mission du lien » incombe en premier lieu au service public.
À l'heure bientôt sonnée de la réforme de l'audiovisuel public et alors que la décision a été prise par le Gouvernement, au début de l'été dernier, de supprimer la chaîne France Ô de la TNT au profit d'une plateforme exclusivement numérique assortie d'une meilleure intégration des sujets traitant des outre-mer dans la programmation des chaînes publiques, notre délégation a considéré nécessaire de se saisir de ce sujet majeur. Elle l'a fait sur la base d'auditions menées le 5 juillet consécutives à l'émoi suscité par l'annonce gouvernementale ; elles ont révélé de fortes inquiétudes, beaucoup d'incompréhension et la nécessité d'un éclairage étayé. Il est apparu nécessaire de dresser un état des lieux et de procéder à une rétrospective pour asseoir un éventuel nouveau schéma, et en tous cas forger de réelles garanties qui ne soient pas que de bonnes paroles.
Tel est le sens de notre démarche, Monsieur le ministre, une démarche constructive et sans concession comme pour chacune des études menées par la délégation. Nous sommes heureux de vous accueillir pour ouvrir nos travaux dont la conduite a été confiée à nos deux collègues, Maurice Antiste, sénateur de la Martinique, et Jocelyne Guidez, sénatrice de l'Essonne, qui vous interrogeront tout à l'heure. Avant que vous ne nous présentiez la vision du Gouvernement, je cède la parole à Mme la présidente Catherine Morin-Desailly dont la commission sera amenée à examiner la réforme de l'audiovisuel.
Je suis heureuse d'accueillir Franck Riester, ministre de la culture, à l'initiative de la délégation aux outre-mer, qui mène un travail de fond sur l'audiovisuel ultramarin tout à fait nécessaire.
Je confirme que les sénateurs ultramarins de la commission de la culture - Maurice Antiste, Abdallah Hassani et Antoine Karam - sont très vigilants s'agissant de l'avenir de l'audiovisuel public et sur la nécessité absolue d'améliorer l'offre de programmes pour nos concitoyens ultramarins.
Au printemps dernier, la commission de la culture s'est émue de l'annonce de la suppression de la diffusion hertzienne de France Ô, sans que soit en réalité présentée en contrepartie une amélioration de l'offre. Cette suppression a pu laisser penser à une forme de désengagement vis-à-vis de nos concitoyens ultramarins.
Nous aurons l'occasion d'évoquer la situation de France Ô au cours de cette audition. Je crois utile de rappeler que la chaîne est sur la sellette. Peut-être n'a-t-elle pu trouver son public du fait d'un déficit de ligne éditoriale, qui a été sujette à débat. De nombreux rapports de notre collègue Jean-Pierre Leleux en ont d'ailleurs fait état. On peut dire que ses rares performances ont été obtenues grâce à la rediffusion de séries de France 2 et de France 3 sans véritable lien avec l'outre-mer.
Il s'agit donc de savoir comment réellement améliorer cette offre. Les économies réalisées à la suite de l'arrêt de la diffusion hertzienne de France Ô pourront-elles le permettre ? La solution doit être sans doute trouvée dans une offre numérique, ce qui pose aussi la question des projets de plateforme de France Télévisions.
Voici la réalité devant laquelle nous nous trouvons. Nous exigerons en tout cas une équité de traitement de l'ensemble de nos concitoyens, où qu'ils résident. C'est le sens de notre travail, qui est destiné à alimenter notre réflexion dans la perspective de la réforme de l'audiovisuel.
Monsieur le ministre, je suis très heureux que vous participiez à nos réflexions. Vous allez pouvoir nous éclairer sur bien des points.
Monsieur le ministre, sénatrice de l'Essonne, née d'une mère métropolitaine et d'un père martiniquais, je suis attachée à la commune du Diamant, en Martinique, où je possède un pied-à-terre. De par mes origines, je connais bien le sujet que nous allons traiter aujourd'hui.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, le Sénat et la commission de la culture travaillent depuis de nombreuses années sur l'audiovisuel dans toutes ses composantes, qu'elles soient privées ou publiques.
Lors des annonces de votre prédécesseure, nous avions exprimé quelques réserves à propos de la suppression de France 4 mais nous avions différé notre avis concernant France Ô, cette question méritant un approfondissement. Nous allons pouvoir avancer dans la clarification. Je me réjouis de ces travaux menés par la délégation aux outre-mer qui nous éclaireront et nous aideront à la rédaction de notre rapport sur la réforme de l'audiovisuel.
Madame la présidente, monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c'est un plaisir pour moi d'être présent devant vous ce matin, dans cette salle magnifique pour échanger avec vous sur l'audiovisuel.
Nous sommes dans un moment un peu particulier, une réforme de l'audiovisuel public ayant été annoncée par ma prédécesseure. Parallèlement, Françoise Nyssen a travaillé et je travaille aujourd'hui sur une réforme plus globale de l'audiovisuel, qui comportera nécessairement une partie relative à l'audiovisuel public. Il est donc d'autant plus utile que nous puissions échanger, et je suis à votre écoute.
Qu'elles soient de fiction ou d'information, les images ont un impact considérable sur nos imaginaires : on a tendance à s'y projeter et à apprécier davantage les films et les séries dans lesquelles on s'identifie à un personnage. Mais, pour certains, il est difficile de s'identifier à une image, à une situation ou à un personnage car, trop souvent, les écrans ne montrent qu'une partie de notre société, occultant tout un pan de la société française. En omettant de les représenter, on donne le sentiment à certains territoires et à certains Français d'être invisibles, délaissés, de n'être pas suffisamment considérés.
Ce sentiment, nous l'avons trop longtemps laissé prospérer, et je suis vraiment convaincu que cela ne peut pas durer plus longtemps. Cette insatisfaisante représentation à l'écran, les outre-mer sont les premiers à en souffrir. Leur diversité, leur jeunesse, la richesse de leurs langues et de leur patrimoine, leur vie culturelle foisonnante, leur francophonie vibrante..., nous ne les montrons pas assez, nous ne leur donnons pas suffisamment de visibilité.
Il n'est pas normal de ne pas avoir d'acteurs ou de personnages ultramarins dans les séries françaises. Il n'est pas normal que les journaux télévisés évoquent Mayotte, la Nouvelle-Calédonie ou La Réunion par exemple uniquement lorsque ces territoires vont mal.
Pour que l'audiovisuel public parle à tous, il faut qu'il parle de tous, et ce sur des chaînes regardées par tous. L'existence d'une chaîne dédiée dans l'hexagone n'était pas une réponse à la hauteur de l'enjeu. Je suis convaincu que France Ô a servi d'alibi à l'absence de programmes dédiés aux outre-mer et à leurs habitants sur les autres chaînes du service public. Elle a cantonné « l'archipel de France » à la périphérie, au lieu de le placer au centre des programmes que les Français regardent.
Les choses doivent changer, et, croyez-moi, les choses vont changer ! La transformation de l'audiovisuel public va nous y aider. Elle doit permettre de montrer la France telle qu'elle est, de donner une image fidèle de notre pays et à notre pays. Elle doit refléter la vitalité de celui-ci. Notre objectif, c'est de placer l'outre-mer au centre et non plus à la périphérie de l'audiovisuel public, c'est de parler de l'outre-mer comme on parle de l'hexagone. Cela signifie, par exemple, intégrer au journal télévisé de France 2 des sujets à propos du prochain lancement de l'expérimentation du pass culture en Guyane ou à propos de l'actualité culturelle de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il s'agit de rendre ces sujets plus visibles à la télévision, mais aussi dans l'univers numérique. Un portail dédié sera développé, comportant beaucoup plus de programmes consacrés aux outre-mer, avec un meilleur accès aux chaînes Outre-mer 1ère et à leurs contenus, qui sont pour moi un modèle exceptionnel de média global.
À l'horizon 2020, lorsque France Ô cessera d'émettre, tous les Français verront sur les écrans du service public des programmes produits en outre-mer, qui parlent de l'outre-mer, avec des ultramarins.
Afin d'y parvenir, des engagements ont été pris par le Président de la République, mais aussi, lors des Assises des outre-mer, en juin, par le Gouvernement tout entier, par la voix de la ministre des outre-mer, ma collègue Annick Girardin, et celle de ma prédécesseure, Françoise Nyssen, le 19 juillet, lors de la restitution de la mission de concertation, ainsi que par France Télévisions - et je remercie Delphine Ernotte de son engagement très fort et à travers elle, l'engagement de toutes les équipes de France Télévisions.
Pour obtenir des résultats visibles à l'antenne dans les meilleurs délais et pour que les choses changent vraiment, nous avons besoin de travailler avec les premiers concernés. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de donner la parole aux outre-mer. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de votre voix. C'est la raison pour laquelle un groupe de travail composé de parlementaires travaille avec France Télévisions afin d'étudier la façon dont les engagements pris seront tenus.
Il est de la responsabilité du Gouvernement - et nous l'assumons - de demander clairement à France Télévisions un certain nombre de propositions pour respecter les engagements qui seront pris et seront inscrits dans les documents contractualisant notre relation avec France Télévisions - par exemple, le cahier des charges, le contrat d'objectifs et de moyens (COM) ou encore la future loi audiovisuelle.
Si nous voulons la diversité à l'écran, nous devons avoir la diversité dans nos rangs. Il faut continuer le travail avec France Télévisions. Nous avons besoin de rentrer précisément dans le concret, avec des indicateurs et des idées pour réinventer les programmes des chaînes et le déroulé des journaux télévisés, de recruter de nouveaux animateurs, de réfléchir collectivement aux moyens d'améliorer la visibilité des territoires ultramarins dans l'ensemble du pays.
Il faut également associer à cette démarche Arte, France Médias Monde, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), Médiamétrie. Catherine Morin-Desailly a justement rappelé que l'audience de France Ô était très faible : elle était en 2007 de 0,6 point, soit 2,2 % des audiences totales de France Télévisions. Il y avait un problème d'audience. Il faut en revanche s'assurer que les programmes ultramarins, qui contiennent des personnalités ultramarines ou qui portent sur des sujets ultramarins, soient diffusés à un moment où l'audience est forte. Ce qui compte, c'est de toucher le plus grand nombre de Français, dans l'hexagone ou en outre-mer. Il faut aussi travailler avec les syndicats de la production audiovisuelle et avec le collectif « Sauvons France Ô », car nous devons échanger, travailler et être à l'écoute de tous.
L'État souhaite travailler avec le groupe de travail, les commissions des affaires culturelles du Sénat et de l'Assemblée nationale, les deux délégations parlementaires. Nous devons mobiliser nos moyens, sans confusion entre le législatif et l'exécutif, mais avec la même volonté que l'audiovisuel public et France Télévisions changent dans l'approche des outre-mer.
Avant de répondre à vos questions, je tiens à rappeler que France Télévisions continuera à engager des personnels et des moyens au niveau central pour les offres ultramarines. La question de l'avenir des personnels de France Ô sera traitée avec sérieux et responsabilité : nous devons faire les choses comme il se doit.
10 millions d'euros sont actuellement alloués par France Télévisions aux coproductions ultramarines. Cette enveloppe budgétaire sera non seulement maintenue mais elle doit être augmentée.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous avons toutes les cartes en main pour mieux représenter l'outre-mer. Nous avons les moyens d'en parler comme on parle de l'hexagone : c'est ce que nous allons faire. Sur ce sujet, je n'aurai de cesse de travailler en étroite collaboration avec la ministre des outre-mer, ma collègue Annick Girardin, et de coopérer avec le Parlement et l'ensemble des collectivités territoriales ultramarines.
Je suis élu depuis 1995, j'ai été maire durant dix ans et suis toujours conseiller municipal de Coulommiers : je suis très attaché au fait d'entretenir les meilleures relations avec les élus, en particulier les élus locaux. Les relations avec les collectivités territoriales ultramarines sont donc pour moi essentielles. Vous pouvez compter sur ma détermination et mon écoute totale. Je vous remercie.
Je vous remercie, monsieur le ministre. J'apprécie la concision et la précision de votre propos. Nous faisons tous le même diagnostic concernant l'insatisfaisante représentation à l'écran des outre-mer et leur insuffisante visibilité.
Je note votre volonté de changer. Notre délégation est fidèle à sa manière de travailler : nous n'avons pas d'idée préconçue. Le rapport et les préconisations que nous fournirons seront à la disposition du Gouvernement comme du Parlement et de l'ensemble des acteurs concernés.
Monsieur le ministre, votre intervention pourrait presque constituer une excellente conclusion à nos travaux, tant vous êtes largement allé dans les détails.
Les cahiers des charges et les contrats d'objectifs et de moyens (COM) successifs de France Télévisions prévoient, décret après décret et COM après COM, une visibilité des outre-mer sur l'ensemble des chaînes, notamment France 2 et France 3.
Je vais vous citer - et ce n'est qu'un exemple - le COM 2011-2015 : « France Télévisions renforcera les liens entre les rédactions de France 2, France 3 et celles de RFO, de façon à amplifier la diffusion en métropole d'images et de reportages en provenance de l'outre-mer ».
Je cherche, monsieur le ministre, les raisons impérieuses qui ont pu empêcher France Télévisions de respecter la mission inscrite dans son contrat. Si les cahiers des charges et les contrats d'objectifs et de moyens ne sont que des manifestes, autant gagner du temps et s'exonérer de leur rédaction.
En outre, les outre-mer représentent 11 collectivités et des millions de Français, dans les territoires comme dans l'hexagone. Mais quelle visibilité sur les grandes chaînes ? Peau de chagrin. Si les chaînes publiques font toujours mieux que le privé, elles sont loin, très loin de briller dans ce domaine, et ce alors même que leur cahier des charges les y invite explicitement.
Ma question est simple, Monsieur le ministre, faut-il Irma pour que l'hexagone découvre que Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont des îles françaises ? Faut-il qu'un célèbre chanteur décide de se faire inhumer dans les Antilles pour que nous en voyions une carte dans un journal télévisé ? Faut-il que Mayotte subisse des troubles importants durant des semaines pour avoir 30 secondes au 20h ?
Monsieur le ministre, nous parlions des critiques que subit souvent France Ô. Cette chaîne ne serait pas à la hauteur.
Je me permets de vous lire un extrait du COM 2011-2015 « France Ô s'efforce de raconter de belles histoires, fait appel à l'empathie, à l'émotion, aux impulsions créatrices et à l'intelligence humaine ». De qui se moque-t-on ? Surtout, de qui se moquaient les rédacteurs de ce COM, qui est de la responsabilité de votre ministère et de France Télévisions ?
Quelle a été la réelle ambition des gouvernements successifs pour cette chaîne ? Et si, monsieur le ministre, le problème ce n'était pas France Ô mais le manque d'ambition qu'on lui porte ?
Considérons que cette chaîne est une fenêtre dans l'hexagone sur les outre-mer, mais elle est aussi et surtout une passerelle, entre les outre-mer et l'hexagone et entre les territoires eux-mêmes. C'est une symbolique forte et je mesure le gâchis qui est en train de se produire.
Monsieur le ministre, France Ô est souvent pointée du doigt pour ses audiences, vous les avez évoquées. On avance régulièrement le chiffre de 0,6 % de part d'audience. Nous avons eu des bilans de Médiamétrie sur cet aspect. Je vous avoue que j'ai été assez interloquée : on omet de préciser que 0,6 %, c'est l'audience mesurée... dans l'hexagone seulement !
C'est assez révélateur que, pour évaluer une chaîne « des outre-mer », on ne s'intéresse qu'à son résultat dans l'hexagone.
Si l'on regarde les audiences outre-mer, on constate des chiffres toujours supérieurs, et de loin : le double voire le triple dans les Antilles, 3,4 % en Polynésie, 3,8 % en Guyane et 4,6 % à Mayotte. Ces audiences sont-elles à vos yeux négligeables et « confidentielles » ?
En effet, l'audience est un peu plus forte en outre-mer, d'abord parce qu'il y a moins de chaînes. Elle atteint 3 points : on pourrait néanmoins attendre beaucoup mieux d'une chaîne dite d'outre-mer en outre-mer, avec une mission de service public d'atteindre des publics importants ! On voit bien que les publics ultramarins eux-mêmes considèrent que les programmes de France Ô ne correspondent pas forcément suffisamment à leur attente.
Pour autant, certains contenus étaient très intéressants. Je ne remets pas en cause la totalité de la programmation de France Ô : je dis simplement que, globalement, on ne touche pas suffisamment de public dans l'hexagone et en outre-mer. Il faut plutôt investir des moyens pour développer les contenus et renforcer la présence de l'outre-mer dans l'audiovisuel public. L'ambition doit être beaucoup plus forte.
Je suis convaincu que l'on peut faire beaucoup mieux. France Ô souffre aussi, il faut le dire, de la modification assez récente de son cahier des charges. Elle était auparavant la « chaîne de la diversité » et pas simplement celle de l'outre-mer, il faut s'en souvenir. Il y a encore des intitulés qui ne correspondent pas vraiment à ce que l'on pourrait attendre d'une chaîne de l'outre-mer. Il faut que l'audiovisuel public ait clairement pour mission de représenter l'outre-mer, de diffuser des programmes qui touchent des sujets d'outre-mer, réalisés par des producteurs, des acteurs et des journalistes ultramarins. C'est notre objectif et cela doit constituer une belle ambition de l'audiovisuel public.
Le texte sur l'audiovisuel, les cahiers des charges et le futur COM seront l'occasion de le faire figurer noir sur blanc. Ce travail, qui consiste à trouver collectivement les bons indicateurs et intitulés que l'on pourra y inscrire, nous permettra de vérifier ensuite qu'ils sont respectés. Il faudra savoir ce que l'on attend et il faudra également que le CSA s'assure que le cahier des charges et le COM sont respectés par France Télévisions. Cela n'a pas toujours été suffisamment le cas, on ne peut que le regretter. Nous comptons bien insister sur ce point dans nos discussions futures avec le CSA.
Je l'ai dit dans mon propos liminaire, il n'est absolument pas normal, et vos exemples étaient très bons, qu'on ne cite que très ponctuellement les différents territoires ou départements d'outre-mer. J'ai beaucoup regardé la télévision entre Noël et le Jour de l'An, durant la trêve des confiseurs : il est formidable, lors de la diffusion du bulletin météo de France 2, de pouvoir avoir la météo des outre-mer et savoir le temps qu'il fait en Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion ou en Polynésie française même si c'est parfois dur quand nous avons de la pluie en Île-de-France ! Il y a une véritable appétence de nos compatriotes dans ce domaine, nos compatriotes de l'hexagone aiment l'outre-mer. Il faut que l'on assure donc davantage la présence de l'outre-mer dans l'audiovisuel public.
Monsieur le ministre, vous annoncez une « plateforme numérique » qui proposerait des contenus en ligne et une création renforcée. Mais à quels publics vous adressez-vous ? On nous parle de « l'évolution des usages », et de la « consommation croissante de contenus en ligne ». Mais la télévision reste le média de masse, accessible à tous. Alors que les audiences de France Ô en Guyane et à Mayotte sont par exemple plus qu'honorables, faut-il vous rappeler le faible accès à internet dans ces territoires ?
Cesser la diffusion en linéaire, sur la TNT, de cette chaîne, pour beaucoup de ses publics ce n'est pas une bascule sur le numérique, c'est la coupure du signal.
Je voudrais par ailleurs vous interroger, monsieur le ministre, sur ce que signifie aujourd'hui pour vous la notion de « service public ». Le service public est-il soumis aux chiffres d'audience comme les autres chaînes ? Si oui, allons jusqu'au bout de la logique : que ferez-vous si le programme mensuel que l'on nous annonce dédié aux outre-mer sur France 2 et France 3 réalise de faibles audiences ?
Nous entendons également les critiques portées à France Ô : « pas assez d'outre-mer », « trop de fictions étrangères ». Mais quels sont les moyens de cette chaîne ? 25 millions d'euros, c'est 1,16 % du coût de la grille du groupe France Télévisions.
La commission de concertation que votre prédécesseure avait mise en place parle pour France Ô d'une chaîne « pleine d'énergie, qui produit à coûts raisonnés et qui apporte un vrai soutien à la création ». Avant de fermer France Ô, ne faut-il pas tenter de lui donner les moyens adéquats et d'en évaluer les résultats ? Et ce alors que le COM 2016-2020 précisait que « dès septembre 2016, France Ô sera consacrée exclusivement aux outre-mer afin de mieux les faire connaître à un large public, de l'hexagone et des outre-mer eux-mêmes, et de favoriser le maintien des liens entre les originaires des outre-mer vivant dans l'hexagone et leurs collectivités d'origine ».
Monsieur le ministre, vouloir renforcer la place des outre-mer sur les grandes chaînes est louable et c'est même une nécessité. Encore une fois, ce n'est que vouloir le respect des missions assignées au service public en la matière.
Mais je voudrais que nous posions vraiment la question de ce canal dédié qu'est le canal 19 avec France Ô. Les heures de programmes quotidiens dédiés aux outre-mer ne seront pas toutes reprises sur les autres chaînes. Cette disparition n'est pas un transfert, c'est une perte sèche. On nous parle d'un programme de début de soirée par mois, de bulletins météo... Est-ce cela, l'avenir des outre-mer sur les chaînes publiques, « cocher la case outre-mer une fois par mois » ?
Je voudrais enfin vous interroger sur les orientations retenues concernant France Ô. Le candidat Emmanuel Macron déclarait, en avril 2017 : « France Ô sera maintenue. Il n'y aura pas de suppression, je l'ai dit. Je pense qu'il y a une multiplication de chaînes qui, parfois ne se justifie pas, mais France Ô a un programme et une justification pleine et entière ». En juin 2018, Emmanuel Macron, devenu Président de la République, s'est à nouveau exprimé sur l'avenir de cette chaîne, déclarant que le doublon était ridicule aujourd'hui et qu'il fallait faire un choix, considérant le débat sur le maintien de France Ô comme hypocrite. Que s'est-il passé en un an pour que la même chaîne passe aux yeux du Président de la République d'un statut de légitimité reconnue à celui de coquetterie inutile ?
Monsieur le ministre, quelles exigences avez-vous formulées auprès de France Télévisions pour la mise en oeuvre du calendrier de la réforme ? Je pense particulièrement aux équipes et aux personnels du pôle outre-mer et de France Ô. Les échos que nous pouvons avoir sur le traitement de leur situation et l'incertitude de leur avenir professionnel sont inquiétants. Je tiens d'ailleurs à saluer leur travail au service de l'information et de la production de contenus sur notre territoire.
Monsieur le ministre, les formules se sont succédé dans les lois et cahiers des charges pour que les grandes chaînes publiques puissent mettre en oeuvre un aspect de leur mission de service public, la visibilité de ces territoires de la République que sont les outre-mer.
Pourtant, nous savons tous que très peu de programmes ultramarins sont présents sur les grandes chaînes, encore plus aux heures de grande écoute. Quant au journal de l'outre-mer, il a même disparu des antennes de France 3 depuis 2016, je crois !
Ce constat, monsieur le ministre, aboutit à une conclusion pessimiste : comment peut-on avoir confiance dans des exigences qui, en plus de vingt ans, n'ont jamais été satisfaites ? Comment croire en d'éventuels indicateurs, qui apparaissent comme autant de totems, dont les garanties sont plus qu'incertaines ?
Aussi ma question est-elle simple : que faut-il que nous écrivions dans la loi, que faut-il que vous écriviez dans les cahiers des charges, pour que les chaînes publiques s'astreignent enfin à respecter cette mission fondamentale de représentation de la société française et de l'ensemble des territoires ?
Enfin, le communiqué de presse du 19 juillet 2018 évoquait le maintien des moyens de production à l'heure de la nouvelle plateforme numérique. Pouvez-vous nous assurer que l'enveloppe dédiée aux productions ultramarines sera au moins sanctuarisée ?
Vous l'avez vu, monsieur le ministre, les inquiétudes sont nombreuses et grandes. Je vous laisse le soin de les lever toutes.
Je me suis engagé en politique, comme vous j'en suis sûr, madame la sénatrice, parce que je crois que l'on peut changer les choses. Je crois qu'en prenant des décisions, en s'engageant, avec des difficultés évidemment, on peut y arriver. Je ne me satisfais pas du manque de résultat du passé. Je ne suis pas fataliste. Je vais essayer, avec vous, d'y parvenir. C'est cela, la politique : on a des idées, on veut les mettre en oeuvre pour que la situation s'améliore, que les gens vivent mieux, et que ce que l'on considère comme pertinent devienne réalité.
Je suis convaincu qu'on peut faire mieux en travaillant sur le cahier des charges, sur le COM, en partenariat avec les équipes de France Télévisions et de l'audiovisuel public au sens large : Radio France, Arte, France Médias Monde, TV5 Monde, les chaînes Outre-mer 1ère.
France Ô a constitué une sorte d'alibi pour ne pas être volontariste sur les autres antennes de France Télévisions. Soyons volontaristes, précis, concrets ! Il le faut. On peut faire évoluer les choses. Nous allons nous y atteler. Cela passe par un travail en commun, par la définition de points très précis et par la vérification par le CSA, mais aussi par le Gouvernement et le Parlement, que les engagements mentionnés dans le cahier des charges et le COM sont tenus.
Je suis persuadé qu'il faut aller bien plus loin et s'assurer que la politique de l'audiovisuel public est tournée vers le public. Il faut que l'on sache à quels publics on s'adresse et on veut proposer des programmes d'audiovisuel public, c'est fondamental. Tout un travail de fond reste à faire.
Il faut que nous ne soyons pas seulement en train de produire des programmes par canal de diffusion mais bien de réfléchir et répondre aux besoins et attentes des publics en correspondance avec les missions de service public, et ensuite, de concevoir et diffuser sur différents supports - radio, tv, internet. C'est cela l'audiovisuel, la télé et la radio d'aujourd'hui et de demain.
Pour ce qui concerne l'outre-mer, il faut travailler avec les équipes de France Télévisions pour préciser ce qu'on attend d'elles. C'est tout le travail que l'on aura à mener dans l'année qui vient.
Comment vérifier que l'audiovisuel public est à la hauteur de nos attentes ? C'est un grand débat. Cela fait des années que le Parlement, le Gouvernement et tous les observateurs s'interrogent sur cette question. Doit-on uniquement tenir compte de l'audience, comme le font essentiellement les chaînes privées ? Est-ce la qualité des programmes ? Et qui la juge alors ? Est-ce la perception et la satisfaction des téléspectateurs devant ces programmes ? La performance de l'audiovisuel public est à mon sens une combinaison de tout cela. L'audience est nécessaire car il faut toucher un public - pas seulement confidentiel - mais elle ne suffit pas. Cela ne doit pas nous empêcher d'être exigeants en matière de qualité et de nous assurer que les programmes proposés correspondent à ce qu'on attend du service public, ce qui est notamment précisé dans le cahier des charges.
L'exécutif et le législatif doivent veiller à ce que l'évaluation de la performance de l'audiovisuel public soit adaptée aux évolutions des usages. De plus en plus de nos compatriotes ont accès aux contenus audiovisuels sur internet. J'aime à dire qu'on regarde de plus en plus la radio et qu'on écoute de plus en plus la télévision : ce n'est pas scandaleux, c'est une évolution dont il faut tirer les conséquences.
Les questions de la couverture hertzienne et de la couverture en très haut débit sont deux priorités du Gouvernement. Tous les territoires de la République doivent avoir accès au très haut débit. L'État y consacre des moyens considérables, les collectivités territoriales jouent le jeu. Cela soulève aussi des questions de régulation, car l'accès aux contenus hertziens et le très haut débit nécessitent une réflexion de plus en plus transversale. Nous devons être exigeants sur la qualité et la conformité des contenus par rapport au cahier des charges mais nous savons que nos compatriotes regardent de plus en plus de contenus de l'audiovisuel public sur internet via smartphone, ordinateur ou tablette. Il faudra donc étudier comment, au-delà de la télévision linéaire, France Télévisions éditorialise ses différents dispositifs internet pour pouvoir mettre à disposition les contenus ultramarins de la manière la plus large possible.
Cette présence ne doit pas être anecdotique et ne concerner que la météo ou un programme une fois par mois, bien évidemment. C'est cela qu'il faut concrètement regarder avec France Télévisions. Nous avons l'engagement des équipes, le CSA est là pour s'assurer que les engagements sont tenus et nous sommes là, exécutif et législatif, en vigies. En ce qui concerne le Président de la République et le Gouvernement, un travail a été accompli par ma prédécesseure et ses équipes. Elles en ont conclu qu'une réforme de l'audiovisuel public passait par l'arrêt de France 4 et de France Ô en linéaire. Dont acte. Il faut maintenant envisager l'avenir avec détermination et ambition.
Concernant le pôle outre-mer, les équipes sont forcément dans l'incertitude et dans l'inquiétude quand il y a de telles réformes. J'ai encore échangé avec Delphine Ernotte sur cette question assez récemment. Elle est très mobilisée pour faire en sorte que les choses se passent au mieux.
Je souhaite que les équipes de France Télévisions restent mobilisées pour traiter un certain nombre de contenus ultramarins dans l'hexagone. Chaque cas particulier sera suivi par la présidente de France Télévisions et ses équipes de ressources humaines afin que la transition se passe au mieux.
Nous devons entendre la présidente de France Télévisions, aller à Malakoff au siège du pôle outre-mer et échanger en visioconférence avec différentes chaînes Outre-mer 1ère avant d'entendre les directions des chaînes à Paris pour nourrir nos travaux.
Monsieur le ministre, France Ô aurait été victime de l'audimat. S'il fallait en instaurer un au Sénat, je crois qu'il n'y aurait plus de parlementaires ultramarins depuis pas mal de temps, tant l'intérêt qu'on peut susciter est le même que celui que suscite France Ô ! Tenir compte, dans l'audiovisuel public, du critère d'audience ne permettra jamais d'arriver à l'équité pour les outre-mer.
Vous avez évoqué un certain nombre de moyens d'évaluation : je reste persuadé que le seul moyen de faire connaître les outre-mer dans l'audiovisuel public est de pratiquer - je vais peut-être heurter certains - la discrimination positive, comme l'ont fait les Américains. Les outre-mer représentent 5 % de la population française : appliquons ce pourcentage à tous les niveaux - direction de l'audiovisuel public, production - et cessons de tenir compte du seul audimat.
N'ayons donc pas peur de faire de la discrimination positive. Si j'utilise ce terme, c'est parce que je considère que nous sommes actuellement discriminés.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la météo et c'est vrai que le soleil et la chaleur de nos territoires sont un peu exotiques quand nous sommes ici dans le froid.
Je tiens à souligner que ce sont les outre-mer qui confèrent à la France et à l'Europe sa dimension universelle, avec un espace maritime conséquent. Toutefois, l'audience que vous évoquez en permanence démontre que nous sommes toujours exclus, même sur les chaînes nationales. Lorsqu'on écrase un chien en région parisienne, on en parle, mais lorsque quinze maisons brûlent à Saint-Laurent-du-Maroni, ville de 60 000 habitants, à la frontière du Suriname, en Amérique du Sud, et qu'il y a une centaine de personnes dans la rue, personne n'en dit mot, on ne sait même pas que nous existons !
Vous avez évoqué internet : c'est de chez nous que sont lancés les meilleurs satellites du monde qui lui permettent de fonctionner, sauf que 35 % de la population en Guyane n'a pas accès à l'électricité ou à l'eau potable ; je vous laisse aller voir l'accès à internet. Voilà les décalages.
Même si l'audimat de France Ô est ridicule, les images qui passent par cette chaîne permettent à des millions de personnes de s'intéresser à nos problèmes. Je ne sais quelle décision sera prise, mais vous avez observé que les ultramarins, mais aussi les collègues de cette commission, sont vent debout contre cette décision. On ne peut pas faire disparaître une chaîne de télévision qui a une histoire et un passé. Il faut simplement la transformer, lui donner une autre dimension, y mettre les moyens, faire le ménage s'il le faut. Mettre 5 ou 10 minutes par ici ou par là ne va pas améliorer, je crois, la situation et réduire le décalage qui existe entre les outre-mer et la France hexagonale.
Je suis une amie des outre-mer. Je suis sénatrice de Paris mais j'ai un fort lien avec les outre-mer et je veux démontrer, par ma présence, l'intérêt que je porte à ce sujet. Nous sommes nombreux au Sénat dans ce cas.
Je voudrais attirer votre attention sur les contenus. Je pense que la visibilité de l'outre-mer passe par la mise en valeur des talents, des savoir-faire, des hommes et des femmes qui font les outre-mer - et il y en a beaucoup. C'est ce qu'on attend de l'audiovisuel public : montrer ce qu'est le territoire, même aussi loin.
J'attire votre attention sur le contenu des programmes, notamment sur France 2 : pourquoi ne nous parle-t-on pas des savoir-faire de l'outre-mer, de l'artisanat, de la gastronomie - c'est un sujet très porteur sur le plan culturel, patrimonial, économique, ainsi qu'en termes de formation ?
Il faut faire passer certaines informations qui seront appréciées par tout type de public. Elles permettront également de renforcer cette cohésion des territoires sur laquelle nous travaillons et qui est vraiment nécessaire à notre pays, encore plus maintenant. Cela peut également constituer un levier pour le tourisme et répondre à la question de l'audience et de la satisfaction des téléspectateurs, ce que vous appelez la performance de l'audiovisuel public.
Monsieur le ministre, il est difficile de discuter avec vous d'une décision que vous n'avez pas prise et que, peut-être, vous n'auriez pas prônée à ce moment-là et dans ces conditions. Le premier malentendu réside probablement - et ce n'est pas à vous d'en rendre compte - dans le fait qu'on ait annoncé une grande réforme de l'audiovisuel public et, avant même qu'on ait commencé à en étudier les propositions, il ait été décidé de réduire le périmètre de l'audiovisuel public de deux chaînes : c'est gigantesque.
Il fut une époque, et vous la connaissez, au moment de la réforme de l'audiovisuel de 2009, où l'idée d'une réduction du périmètre aurait fait grand scandale. Cela avait déjà été évoqué. Une décision aussi lourde, prise sans vrai débat, suscite probablement les malentendus auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, je parle ici de la forme. Il vous appartient ainsi qu'au Gouvernement d'envisager de rectifier la décision. Le maintien d'une chaîne dédiée à l'outre-mer remaniée, enrichie, peut-il être encore envisagé ?
Sur le fond, s'agissant de l'audience, beaucoup a été dit. J'ai souvenir que certains plaidaient à une certaine époque pour l'arrêt d'Arte. Nous avons pensé qu'il y avait une particularité d'Arte qu'il fallait plutôt renforcer, trouver son public, l'enrichir. C'était indispensable, tout comme pour France Culture à Radio France. Personne ne vient aujourd'hui plus le remettre en cause, le public a été trouvé.
Les citoyens d'outre-mer sont des personnes comme les autres : sur l'ensemble de l'offre, il doit y avoir une visibilité. Ce n'était pas fait : il faut le faire mieux et plus fort, même si des efforts ont été réalisés. Cela n'épuise cependant pas le sujet de la spécificité territoriale et culturelle, car il y en a une, d'une chaîne des outre-mer : l'un n'efface pas l'autre. À une autre époque, on aurait dit qu'il s'agissait d'un cadeau fait à la concurrence privée.
Dans un autre domaine, nous pouvons également évoquer la suppression de France 4. Cette chaîne, qui avait certes des problèmes d'audience, aurait pu être améliorée alors que la BBC dispose de deux chaînes enfance et que le secteur de l'animation pourrait être affecté. Il aurait probablement nécessité que l'on puisse en discuter au moment de la réforme à venir. Je redoute que tout soit parti d'une injonction budgétaire, et non d'une vision. Certes, le fait de supprimer deux chaînes indique une cible d'économies à l'horizon 2022, que l'on habille en parlant d'audience et de changement culturel. Peut-être aurait-il fallu faire l'inverse : acter le nécessaire maintien en réformant pour proposer une offre de meilleure qualité n'aurait pas produit d'économies par la suppression de cette chaîne.
Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur les audiences de France Ô, même s'il a été justement rappelé qu'elles ne sont pas les mêmes en métropole et outre-mer et que l'on ne peut pas examiner le service public seulement à l'aune de l'audimat. Pourquoi, à partir de ce diagnostic, ne pas travailler la piste d'une modification de la ligne éditoriale de la chaîne et de moyens supplémentaires pour qu'elle puisse conquérir des parts d'audience supplémentaires ? Cette solution n'a pas été explorée.
Je ne vais peut-être pas être comprise de mes collègues ultramarins et j'entends la volonté de faire « France ensemble » : que la visibilité de l'outre-mer passe par les chaînes généralistes paraît séduisant. Malheureusement, la proximité du service public audiovisuel recule, même en métropole, où certaines éditions locales sont aussi sur la sellette. Ceci n'est pas fait pour rassurer nos concitoyens d'outre-mer sur le fait que l'on accordera toute l'importance à leurs territoires.
Enfin, même si les usages numériques se développent considérablement, ils ne constituent pas la solution à tout. La suppression de France Ô est prévue pour 2020, c'est demain et malgré les efforts énormes que réalisent les collectivités pour équiper nos territoires en accès numérique, on sera encore très loin d'une couverture totale à cette échéance.
Vous parlez du travail mené avec des parlementaires mais, dans le délai imparti, autant d'imprécisions m'inquiètent : je ne vois pas de solution qui permette de nous rassurer. Je sais que vous n'êtes pas à l'origine de cette décision ; on comprend parfaitement que cela puisse expliquer un certain nombre d'approximations.
Monsieur le ministre, dans le droit fil de l'intervention du président Assouline, je souhaiterais ajouter quelques éléments sur la forme.
Reprenons l'agenda de cette réforme : le 5 Juin 2018, annonce du « scénario de l'anticipation » et mise en place d'une commission de concertation ; le 28 juin 2018, propos du Président Macron, laissant penser à une suppression à venir de France Ô ; le 5 juillet 2018, devant la délégation, la commission de concertation indique pourtant que rien n'est tranché ; le 19 juillet 2018, communiqué de presse du Premier ministre et de votre prédécesseure scellant la disparition de la chaîne.
Un mois. À peine un mois où on nous a dit « ne vous inquiétez pas » puis « cette chaîne n'est pas utile » avant de la fermer, sans autre forme de concertation et consultation.
Que faites-vous ensuite ? Vous créez un groupe de travail pour établir des indicateurs, en demandant donc implicitement aux parlementaires d'acter votre décision. Mais, monsieur le ministre, c'était avant cette décision qu'il fallait convoquer France Télévisions devant les parlementaires, c'était avant cette décision qu'il fallait mettre tout le monde autour de la table pour vraiment examiner les forces et faiblesses de l'offre actuelle et réfléchir ensemble aux meilleures options à retenir.
Je ne peux adhérer à votre méthode, et c'est en ce sens que la délégation entend au Sénat repositionner ce débat, le dépassionner et apporter de réels éléments objectifs de réflexion.
Je vais commencer par répondre à MM. Patient et Karam. Je me rendrai en Guyane durant le premier trimestre au sujet du pass culture, ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure. C'est un symbole de notre volonté de prendre en compte toutes les spécificités des territoires ultramarins. Le pass culture, qui est une application internet, doit être confronté à la réalité de la situation d'un certain nombre de territoires. C'est pour cela que je veux aller sur place : pour examiner la manière dont on prend en compte les spécificités qui sont les vôtres. J'irai également en Martinique et en Guadeloupe rendre compte des différentes problématiques audiovisuelles, patrimoniales et du pass culture.
Nous avons intérêt à bien faire comprendre et partager à tous nos compatriotes, quels qu'ils soient, que la France est diverse et riche de cette diversité. Les outre-mer constituent une richesse formidable pour notre pays, cela doit être perçu par l'ensemble de nos compatriotes. C'est pour cela que je parle d'audience, non pour dire « c'est trop cher et il n'y a pas d'audience, on supprime » : l'objectif n'est pas simplement économique mais il s'agit de s'assurer qu'on touche le plus de personnes possible avec la visibilité des talents ultramarins.
Les Outre-mer 1ère sont de formidables chaînes de média global public de proximité en outre-mer. Elles touchent un large public et sont à mon avis très modernes. Je pense que l'on doit s'en inspirer dans l'hexagone, notamment dans la réflexion autour de la réorganisation de France 3 et France Bleu. Je suis convaincu que l'une des missions essentielles de l'audiovisuel public est de s'assurer de contenus, d'informations culturelles, d'éducation, de proximité. L'audiovisuel public doit relever ce défi. France Bleu et France 3 réalisent déjà des choses formidables, mais il faut aller beaucoup plus loin. Il existe une attente en matière d'information et de contenus de proximité.
Catherine Dumas a raison : les Français aiment en effet leur terroir, leur territoire, leur culture, qu'elle soit régionale, locale ou nationale. Il faut que l'on mette ceci davantage en avant, il ne faut pas en avoir peur. Il y a un gros travail à fournir et tout changement soulève des interrogations, des inquiétudes. Il faut savoir rassurer et donner des gages, mais je suis convaincu qu'il faut s'inspirer de ce qui est fait outre-mer par les Outre-mer 1ère et capitaliser sur cette force, qui permet d'avoir une spécificité ultramarine - car il y en a une - en s'assurant également d'une plus grande présence dans tous les contenus audiovisuels publics.
Concernant le nombre de chaînes qu'évoquait David Assouline, la somme est de « +1, -2 » avec la création de la chaîne gratuite France Info, par rapport à la situation d'il y a 10 ans. Avec quatre antennes linéaires gratuites sur la TNT, plus internet, plus les antennes radio publiques et les antennes spécifiques des Outre-mer 1ère, ne dispose-t-on pas d'un panel suffisamment important pour remplir les missions de l'audiovisuel public ? Je pense que oui. La priorité doit porter sur les missions de l'audiovisuel public et la réflexion sur leur actualisation, non sur la question du nombre de chaînes qui serait une perte de temps. Même si cela ne remplace pas toute l'offre linéaire, loin s'en faut, il faut se rendre compte que de plus en plus de nos compatriotes ont accès aux contenus audiovisuels, publics en particulier, via les différents supports numériques. C'est évident, il faut en tenir compte, il ne s'agit pas de supprimer tout le reste pour autant.
Quant à l'animation, il y a avec la décision de supprimer France 4 des interrogations. Il s'agit d'un sujet important, notamment pour les jeunes téléspectateurs. C'est un secteur économiquement important, la France est en pointe en matière de fabrication et de production de contenus d'animation. Ce n'est pas parce qu'on supprime France 4 et qu'on mobilise davantage d'énergie sur les supports et les contenus numériques qu'on se prive de diffuser des contenus d'animation sur le linéaire de l'audiovisuel public. Il existe trois antennes - quatre avec France Info - sur lesquelles on doit aussi trouver de l'animation et non seulement sur un canal qui est aujourd'hui France 4. On ne renonce pas à diffuser de l'animation en linéaire sur l'audiovisuel public. Pour autant, on voit bien que particulièrement les jeunes - mais pas seulement - ont accès aux contenus audiovisuels à partir des nouveaux supports. Il faut leur apporter des contenus de l'audiovisuel public là où ils sont, et se mobiliser pour cela.
Dans l'absolu, on pourrait peut-être avoir plus de chaînes, mais il existe des limites financières, je n'ai pas peur de le dire. Ce sont nos compatriotes qui payent l'audiovisuel public avec la contribution à l'audiovisuel public ; on doit donc demeurer vigilant en matière de gestion de l'argent public et se fixer des limites aux moyens qu'on mobilise, même si l'on doit être ambitieux et s'assurer de bénéficier de moyens importants pour satisfaire de la meilleure façon possible les missions importantes de l'audiovisuel public.
Je suis totalement d'accord avec Catherine Morin-Desailly, il faut proposer des contenus pertinents qui touchent un public, de qualité, qui créent une satisfaction : c'est la force des créateurs. C'est ainsi que l'on donnera davantage envie d'audiovisuel public à nos compatriotes.
Je ne vais pas revenir sur la méthode, mon collègue David Assouline en a parlé. Le sujet aurait pu être travaillé bien en amont, et nos travaux en cohérence avec l'ensemble de la réflexion sur la réforme de l'audiovisuel public. Ces questions de méthode nous poussent parfois à réfléchir de façon un peu biaisée.
Qu'entendez-vous, monsieur le ministre, par le terme de visibilité ? Quelles sont les facteurs ? Les conditions de réussite ? S'agit-il de la régularité, d'un montant plus important dans la production ? On peut commencer par s'interroger sur le thème même.
Nous n'avons pas non plus abordé la question importante de la mémoire et du patrimoine immatériel que constituent les outre-mer. Je pense que la disparition de France Ô pose cette question de la sauvegarde de cette mémoire pour l'INA. Qu'entendez-vous par là ?
Enfin, un collègue le disait, le COM n'a pas été respecté : comment allez-vous faire demain pour que la mesure prise afin de garantir à tous les citoyens cette visibilité soit respectée ?
Monsieur le ministre, je vous invite à venir à Saint-Pierre-et-Miquelon même si ce n'est pas les mêmes températures que là où vous avez prévu de vous rendre.
Je vous accorde le bénéfice du doute, mais nous ne sommes pas des « perdreaux de l'année » ! En décembre 2017, la ministre des outre-mer m'annonçait que France Ô ne disparaîtrait pas. J'avais interrogé Françoise Nyssen dans la foulée à ce sujet, début 2018, elle était également pétrie de bonnes intentions. En juillet, tout ce petit monde nous a annoncé la disparition de la chaîne !
La décision a pour moi été arrêtée, j'en prends acte, même si je peux la regretter pour les raisons que j'avais évoquées. David Assouline a raison de rappeler qu'il s'agit d'un alibi pour justifier un choix budgétaire. C'est tellement vrai qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, on vient de modifier l'heure du journal local d'une demi-heure. Pour reprendre une crainte exprimée par ma collègue, je pense que les stations locales sont également en difficultés financières et que les restrictions budgétaires vont inévitablement être répercutées.
Cela m'inquiète pour le devenir des chaînes locales, peut-être des groupes de travail seront-ils mis en place - je souhaite évidemment y contribuer. Mais j'ai une inquiétude à propos de cette injonction budgétaire qui a amené la disparition de France Ô.
Une question m'inquiète aujourd'hui : que veut-on faire de l'audiovisuel public français ? J'ai le sentiment que mettre une case outre-mer au niveau national constitue encore un alibi. Cela me gêne profondément. Que voulez-vous quand on parle de mettre l'outre-mer au niveau national ? Désirez-vous que l'on parle de citoyenneté, de culture, voulez-vous éduquer, divertir ? Sur la ligne éditoriale de France Ô, il y a aujourd'hui un sujet. La visibilité est aujourd'hui théorique ; elle peut prendre corps si on lui donne un contenu et si l'on s'est accordé sur celui-ci, reste ensuite la déclinaison des moyens. La difficulté de France Ô - mais ce n'est pas la seule chaîne à la connaître - c'est son positionnement et de savoir ce qu'on attend de l'audiovisuel public. C'est pour ces raisons que ce débat me gêne lorsque l'on nous dit que l'on supprime deux chaînes et que l'on va faire de la visibilité avec une case outre-mer au niveau national. Qu'est-ce que cela va apporter de plus ? Qu'attend-on de cette case ? De la culture ? Des paysages ? On peut apporter autre chose que les paysages outre-mer ! Par exemple, des regards croisés entre l'outre-mer et l'hexagone au sujet des valeurs citoyennes, du mélange des cultures. Il y a des choses qui ne sont pas abordées avant de parler des moyens, même si la visibilité dépend de ces derniers.
La ministre des outre-mer pourrait nous dire que non, France Ô ne disparaît pas, mais bascule sur le numérique. Certes, mais il n'existera plus de productions documentaires. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) n'intervenant que sur les chaînes hertziennes, vous arrêtez la production ultramarine en termes de documentaires - sauf à ce que vous me disiez que les règles d'intervention du CNC pourraient être modifiées à l'avenir pour les chaînes numériques. Mais il existe un chapelet de chaînes numériques audiovisuelles qui pourraient être intéressées par ce dispositif. Cela m'inquiète en termes de production audiovisuelle.
Tout ceci pose la question de la place de l'outre-mer au niveau national et de l'audiovisuel dans la société française d'aujourd'hui. Elle n'a pas encore été tranchée ; il est difficile de parler des moyens et de visibilité sans l'avoir traitée.
Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé et il faut le dire, quand on parle de France Ô, on ne parle pas de tout l'audiovisuel ultramarin ; les chaînes et les stations Outre-mer 1ère sont fondamentales. On trouve deux grandes notions dans les missions fondamentales du service public. Il y a l'universalité de l'accès et il est normal que les territoires ultramarins disposent de l'accès au service public à travers les stations pour avoir l'information sur leurs territoires en même temps que l'information nationale. Il y a aussi un élément constitutif de tous les services audiovisuels publics dans le monde qui est d'assurer la cohérence et la cohésion nationales. C'est peut-être en ce sens qu'il faut considérer l'existence de France Ô.
Nous parlions tout à l'heure des audiences. Malakoff, dans les Hauts-de-Seine, dont je suis l'élu, accueille le pôle outre-mer qui comprend France Ô. Lorsque j'ai été sollicité par les salariés, je me suis rendu compte qu'il y avait plus de 400 salariés au niveau central. On parlait plus tôt des audiences et de la performance d'Arte - qui n'a d'ailleurs jamais été remise en cause puisque créée par un traité franco-allemand. Peut-être cette chaîne a-t-elle été critiquée pour de faibles audiences, mais comparons avec le nombre de personnes qui travaillent à Arte France.
Quand il s'agit de poser la question du service public, faut-il analyser une entité de chaîne ou ses contenus ? Quand on regarde l'offre globale, à travers tous les canaux, quels sont les éléments qui relèvent des missions de service public ? La diffusion des telenovelas sur France Ô en fait-elle partie ? Ne fait-on pas, là aussi, du remplissage ?
J'aimerais également comprendre la cohérence globale de l'offre. Si France 3 a -et c'est une orientation forte - vocation à devenir la chaîne des régions et des territoires, je serais assez favorable à ce que des programmes nationaux concernant les territoires ultramarins aient toute leur place sur cette chaîne qui est navire amiral avec une forte audience.
Je voudrais donner un exemple : l'un des produits phares de la création audiovisuelle pour enfants, Les Zouzous, a été créé pour France 5. On a décidé de les transférer sur France 4 quand on a décidé que cette chaîne serait celle de la jeunesse. On a assisté à une dégringolade de plus de la moitié de l'audience ! Ne vaut-il pas mieux être sur une grande chaîne généraliste, dans des créneaux adaptés pour assurer la visibilité et la reconnaissance de la cohésion nationale vis-à-vis des populations ultramarines plutôt que dans le ghetto qu'est aujourd'hui France Ô s'agissant de l'audience nationale ?
Monsieur le ministre, notre commission de la culture est aussi celle du sport. Je voudrais rappeler que Paris accueillera les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Les champions ultramarins sont légion ! Je pense que l'absence de France Ô ou équivalent va susciter une grande frustration. Je vous conjure de mettre en évidence tous nos champions des territoires ultramarins. C'est aussi un moment où l'on parle d'eux et de cette culture du sport, où ils sont mis en lumière. Il faut pouvoir les mettre à l'honneur !
Je vous remercie d'avoir soulevé cette question. La délégation sénatoriale aux outre-mer vient de rendre un rapport sur le sport en outre-mer, que je vous invite à le consulter. Celui-ci formule un certain nombre de propositions qui méritent d'être prises en considération à tous les niveaux de décision.
S'agissant de la méthode, vous avez toutes et tous fait des remarques. J'échange avec la présidente Morin-Desailly - le président Magras pourra être concerné - sur la façon d'associer le Sénat à la préparation de la réforme de l'audiovisuel afin de travailler plus en amont. C'est au Gouvernement de fixer les grandes lignes de ce qu'il souhaite en matière de réforme audiovisuelle, mais nous avons également besoin de discuter avec vous : c'est ce que je m'engage à faire.
Concernant la visibilité, la réponse était bien souvent dans vos questions. Tout doit être pris en compte, qu'il s'agisse des personnes à l'écran - en matière d'information de journalistes, je sensibilise France Télévisions sur ce point, d'acteurs dans les séries - des émissions ou des contenus qui parlent de l'outre-mer et, je vous rejoins, pas seulement de paysages, mais aussi de contenus produits par des comédiens et acteurs ultramarins. L'outre-mer contribue grandement au rayonnement de notre pays et à sa présence partout dans le monde. Pourquoi faire parfois venir des journalistes de l'hexagone pour couvrir des événements à l'autre bout du monde, alors que les journalistes ultramarins pourraient faire ce travail avec une grande proximité ? Vous êtes nos têtes de pont partout dans le monde.
Le patrimoine, la mémoire font bien évidemment partie des contenus et des missions de l'audiovisuel. Je vous propose d'y travailler. C'est ce qui doit constituer notre objectif commun : réfléchissons ensemble à ce que doivent être les missions de service public actualisées à l'ère du numérique et du XXIe siècle. Inscrivons-le dans le marbre des cahiers des charges et des COM, et assurons-nous que ceux-ci sont satisfaits.
Vous êtes un certain nombre à suivre les questions audiovisuelles depuis des années. De manière collective, nous n'avons pas été bons. On reparle des mêmes choses chaque année, on met la pression sur les salariés de l'audiovisuel public et sur ses dirigeants pour des questions budgétaires. On se demande à chaque fois ce que l'on va décider en matière budgétaire, chaque gouvernement remet systématiquement tout sur la table, parfois en cours d'exécution.
Nous allons en parler ensemble durant les prochains mois : ma volonté est de définir une gouvernance de l'audiovisuel public modernisée, de fixer un cap en termes de missions, d'objectifs et de moyens de façon pluriannuelle, et d'évaluer les choses progressivement, et j'insiste sur ce point. De grâce, sortons de cette gouvernance du passé et essayons de nous mettre d'accord. On doit pouvoir collectivement trouver les grandes missions de service public, la bonne gouvernance et les enveloppes budgétaires définies. Laissons ensuite travailler les équipes. Puis, prenons le temps de réfléchir à l'avenir, au futur cahier des charges et aux futurs engagements budgétaires pour les redéfinir, les revoter et retravailler de manière pluriannuelle. C'est ce que nous devons arriver à faire ensemble : faire évoluer cette gouvernance de l'audiovisuel public qui n'est objectivement pas à la hauteur de l'engagement des personnels et de tous les acteurs qui rayonnent autour de lui.
Arte, qui fait un travail remarquable, est bien évidemment une entreprise audiovisuelle publique, même si c'est un traité avec l'Allemagne qui est à l'origine de sa création. Cette chaîne bénéficie de moyens publics importants et doit aussi être regardée comme une entreprise qui doit satisfaire aux missions de service public, comme France Médias Monde, TV5 Monde, chacune avec ses spécificités.
Pour ce qui est des Jeux olympiques et paralympiques, l'enjeu de service public est grand. C'est une vraie question, notamment sur le plan financier - le comité d'organisation a besoin de financements, c'est un sujet que je suis de très près. Il y a également la question, mais je sais que David Assouline et Catherine Morin-Desailly y sont très attachés, de la présence en clair d'un certain nombre de contenus de sports : il faudra qu'on en reparle.
Je souhaite également dire qu'aujourd'hui France Télévisions réfléchit à faire en sorte de s'assurer que France Info est davantage présente dans les territoires ultramarins. Peut-être pourrait-il y avoir une substitution à France Médias Monde, ce qui permettrait de renforcer l'information en continu du service public. Une réflexion est engagée dans ce domaine, nous pourrons en reparler.
Monsieur le ministre, au terme de cette audition, ce que l'on voit émaner de l'ensemble des membres de la délégation et de la commission de la culture, c'est une volonté de reprendre ce sujet et d'y mettre un peu de méthode.
Vous venez de prendre vos fonctions. Nous avons déploré ces deux dernières années que la réforme de l'audiovisuel public n'apparaisse que comme étant traitée sous le seul prisme budgétaire. Le Gouvernement a annoncé que l'audiovisuel public devrait réaliser des économies. Nous ne nions pas les réalités budgétaires, mais nous avons déploré que cette réforme ne soit envisagée que sous ce seul prisme.
C'est la raison pour laquelle, le 12 juillet dernier, nous avons organisé au Sénat un colloque « Comment ré enchanter l'audiovisuel public ? », qui a réuni des présidents d'entreprises de l'audiovisuel public européen qui avaient mené des réformes. Il est ressorti de cette journée quelques principes incontournables qui doivent guider notre réflexion dans le cadre de cette réforme, dont l'universalité, évoquée par André Gattolin.
C'est pourquoi nous nous sommes émus de cette annonce de la suppression de France Ô et de France 4, déconnectée peut-être d'une vision de ce que sera le bouquet de chaînes par la suite. Vous le savez, nous avons eu l'occasion d'échanger à ce sujet. Peut-être faut-il d'ailleurs relativiser la question budgétaire concernant ces deux chaînes. Je note en effet que, sur un budget 2,85 milliards d'euros, France Ô bénéficie de quelque 30 millions d'euros et France 4 de 25 millions d'euros. Le ratio est assez faible !
Nous pensons que ce principe d'universalité doit être intangible. Or, quand nous mesurons que la couverture numérique n'est pas au rendez-vous dans nos territoires, pas plus dans l'hexagone qu'outre-mer, nous ne pouvons supprimer des chaînes tant que l'offre n'est pas assurée. Le basculement vers le tout numérique aura bien lieu. Nous avons le devoir de le préparer de même que l'adaptation aux nouveaux usages et je suis convaincue que, d'ici quelques années, la notion de chaîne ne sera plus la même et nous serons davantage dans des contenus et des offres. Mais c'est la réalité qu'exprimaient les collègues ici présents.
Nous avons parlé du contenu : je me demande s'il ne faut pas que France Télévisions change de logiciel, comme France 3. Selon un sondage que nous avions réalisé lors de notre colloque, 75 % des Français souhaitent que France 3 soit beaucoup plus régionalisée et offre davantage de contenus qui correspondent à la visibilité de leur territoire ; il en va de même pour l'outre-mer. France Télévisions doit donc engager des réflexions à ce sujet.
Je relève que Canal Plus a lancé une production intitulée « Guyane ». Ne faudrait-il pas, sur les 420 millions d'euros dédiés à la production à France Télévisions, sanctuariser une ligne pour la production audiovisuelle outre-mer et en régions ? Ne faut-il pas en passer par là pour une prise de conscience ?
Nous sommes dans un état d'esprit constructif, la réforme de l'audiovisuel doit être globale. Vous avez évoqué France Médias Monde qui doit naturellement être dans la boucle. C'est une offre globale à laquelle il convient de travailler : nous souhaitons qu'intervienne une réforme systémique que vous avez d'ailleurs évoquée en conclusion, vous avez parlé du mode de gouvernance, du modèle économique, de la mission et des contenus. Nous voulons faire avancer les curseurs ensemble, afin que la réforme ne soit pas incompréhensible pour nos concitoyens.
Monsieur le ministre, à mon tour de vous remercier pour la qualité de l'échange que nous avons eu, vos réponses et votre écoute.
Les inquiétudes ne sont pas toutes levées. Notre délégation veillera à réaliser le travail de manière rigoureuse. Nous ne sommes qu'au début du vaste programme de réforme de l'audiovisuel. La délégation, qui n'interviendra pas sur le champ de compétence de la commission, apportera son éclairage et le fruit des travaux de la délégation sera à votre disposition quand il vous reviendra de piloter le débat.
Je voudrais pour finir remercier l'audiovisuel français, toutes catégories confondues, d'avoir accompagné Saint-Barthélemy et Saint-Martin au lendemain du cyclone Irma.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.