Monsieur le ministre, il est difficile de discuter avec vous d'une décision que vous n'avez pas prise et que, peut-être, vous n'auriez pas prônée à ce moment-là et dans ces conditions. Le premier malentendu réside probablement - et ce n'est pas à vous d'en rendre compte - dans le fait qu'on ait annoncé une grande réforme de l'audiovisuel public et, avant même qu'on ait commencé à en étudier les propositions, il ait été décidé de réduire le périmètre de l'audiovisuel public de deux chaînes : c'est gigantesque.
Il fut une époque, et vous la connaissez, au moment de la réforme de l'audiovisuel de 2009, où l'idée d'une réduction du périmètre aurait fait grand scandale. Cela avait déjà été évoqué. Une décision aussi lourde, prise sans vrai débat, suscite probablement les malentendus auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, je parle ici de la forme. Il vous appartient ainsi qu'au Gouvernement d'envisager de rectifier la décision. Le maintien d'une chaîne dédiée à l'outre-mer remaniée, enrichie, peut-il être encore envisagé ?
Sur le fond, s'agissant de l'audience, beaucoup a été dit. J'ai souvenir que certains plaidaient à une certaine époque pour l'arrêt d'Arte. Nous avons pensé qu'il y avait une particularité d'Arte qu'il fallait plutôt renforcer, trouver son public, l'enrichir. C'était indispensable, tout comme pour France Culture à Radio France. Personne ne vient aujourd'hui plus le remettre en cause, le public a été trouvé.
Les citoyens d'outre-mer sont des personnes comme les autres : sur l'ensemble de l'offre, il doit y avoir une visibilité. Ce n'était pas fait : il faut le faire mieux et plus fort, même si des efforts ont été réalisés. Cela n'épuise cependant pas le sujet de la spécificité territoriale et culturelle, car il y en a une, d'une chaîne des outre-mer : l'un n'efface pas l'autre. À une autre époque, on aurait dit qu'il s'agissait d'un cadeau fait à la concurrence privée.
Dans un autre domaine, nous pouvons également évoquer la suppression de France 4. Cette chaîne, qui avait certes des problèmes d'audience, aurait pu être améliorée alors que la BBC dispose de deux chaînes enfance et que le secteur de l'animation pourrait être affecté. Il aurait probablement nécessité que l'on puisse en discuter au moment de la réforme à venir. Je redoute que tout soit parti d'une injonction budgétaire, et non d'une vision. Certes, le fait de supprimer deux chaînes indique une cible d'économies à l'horizon 2022, que l'on habille en parlant d'audience et de changement culturel. Peut-être aurait-il fallu faire l'inverse : acter le nécessaire maintien en réformant pour proposer une offre de meilleure qualité n'aurait pas produit d'économies par la suppression de cette chaîne.