Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux de vous présenter en séance ce projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit projet de loi PACTE, et je me réjouis par avance, avec ma secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher, des débats constructifs que nous allons avoir dans les jours à venir.
Ce projet de loi PACTE, c’est dix-huit mois de dialogue pour offrir de véritables solutions, permettant à nos entreprises de grandir, d’investir, d’innover, d’embaucher et de gagner des parts de marché à l’extérieur.
Dialogue avec les acteurs économiques, d’abord.
Ce texte n’est pas sorti tout droit du bureau du ministre de l’économie et des finances ; il découle des concertations, des discussions, des échanges que nous avons eus avec les entrepreneurs, les salariés, les fédérations professionnelles, les organisations syndicales.
Dialogue avec les parlementaires, bien sûr.
J’ai attaché beaucoup d’importance à ce que tous les parlementaires, sénateurs et députés, soient associés dès le départ à notre démarche. Nous avons d’ailleurs adopté une position ouverte, en travaillant avec les députés de tous les partis politiques – ceux du groupe majoritaire, mais aussi ceux du groupe socialiste ou du groupe Les Républicains – pour améliorer notre texte.
Cette approche reposant sur le dialogue et la concertation, en vue d’améliorer un projet de loi servant l’intérêt général, j’entends la conserver, ici, au Sénat, durant les travaux que nous engageons aujourd’hui. Le dialogue que nous avons commencé à nouer tout en conviction me donne la certitude que nous pouvons encore renforcer ce texte, au service de nos entreprises. C’est tout l’objectif de nos discussions.
Je voudrais tout particulièrement remercier la présidente de la commission spéciale, Catherine Fournier, le rapporteur sur le chapitre Ier, Élisabeth Lamure, le rapporteur sur le chapitre II, Jean-François Husson, et le rapporteur sur les chapitres III et IV, Michel Canevet, pour le travail remarquable qu’ils ont réalisé afin d’étudier les possibilités d’amélioration du texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez les grandes orientations du projet de loi PACTE, nous les avons discutées en commission. Il s’agit de la croissance des entreprises, de l’innovation – c’est la clé du succès de notre nation – et de la justice – chacun a conscience, vous peut-être plus que les autres, de la soif de justice des citoyens français.
La croissance, d’abord, doit nous préoccuper, car nos entreprises sont trop petites et le ralentissement économique, partout dans le monde, mais particulièrement dans la zone euro, nous impose de retrousser nos manches et d’améliorer notre système économique, afin que celui-ci engendre plus d’activité, produise plus d’emplois et retrouve le dynamisme qui doit être le sien, à la hauteur des talents de la France.
Depuis des années, nous avons accumulé toute une série de blocages, au service d’intérêts particuliers, et non de l’intérêt général. Administratifs, techniques, culturels, financiers, ces blocages étaient chaque fois pleinement justifiés, mais, je le redis, ils servaient des intérêts particuliers, pas l’intérêt général, et ont bridé le dynamisme et la compétitivité de nos entreprises, les empêchant de créer les emplois et la prospérité dont les Français ont besoin. Ces blocages, nous allons, tous ensemble, les lever !
Cela passe par la simplification.
Nous nous sommes fait une spécialité, en France, de la complexité administrative, et celle-ci est un obstacle pour nos entreprises. Chaque fois, c’est le prétexte de la sécurité ou de la protection qui est avancé, alors que la vraie sécurité, la vraie protection, repose sur la croissance des entreprises et l’emploi pour tous.
Nous travaillerons donc à la simplification des registres, des déclarations administratives, à la simplification de la création d’entreprise – particulièrement dynamique en France –, à la simplification du rebond ou de la transmission des entreprises. Je crois, en effet, au capitalisme familial, à la possibilité offerte à une famille de transmettre le fruit de son travail et de son ingéniosité à ses descendants.
Parmi ces simplifications, il est une mesure emblématique, celle qui, à mon sens, est la plus à même de permettre à nos PME de grandir : il s’agit de la simplification des seuils sociaux, de leur allégement et des cinq années données aux PME pour remplir leurs nouvelles obligations en la matière.
Si vous adoptez ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, une PME de 47 ou 48 salariés du secteur du bâtiment ou des travaux publics, qui, à la suite d’une commande importante, par exemple la construction d’un hôpital, d’une crèche ou d’un collège, décide de passer à 55, 56 ou 60 salariés, disposera désormais de cinq années avant d’être obligée de remplir ses obligations fiscales au titre des seuils sociaux. Si, au terme de ce délai, elle n’a plus de commandes et revient à un effectif de 47 ou 48 salariés, elle n’aura subi aucune contrainte supplémentaire ; si, en revanche, elle maintient son effectif à 60 ou 70 salariés car la croissance était structurelle, elle devra légitimement s’en acquitter.
Cette simplification majeure doit permettre à tous ces chefs d’entreprise que nous avons, vous et moi, rencontrés sur nos territoires, dans les départements, et qui rechignent à embaucher un cinquante et unième salarié, de le faire librement, sans contrainte supplémentaire.
J’ai compris, des travaux de la commission, que vous souhaitiez aller plus loin et décaler le seuil de 50 salariés, sans toucher aux questions de représentativité – j’y suis profondément attaché et, à mon sens, il ne faut pas y toucher. Mais nous aurons un débat – bienvenu – sur le sujet, car je serai favorable à tout ce qui permet de débloquer cet acte fondamental qu’est l’acte d’embauche, décision la plus lourde de responsabilités pour un chef d’entreprise.
La modification des seuils est décisive pour libérer la création de dizaines de milliers d’emplois dans notre pays. Je suis donc prêt à étudier, de manière ouverte et constructive, les propositions d’amélioration que vous ferez sur ce thème.
L’innovation, ensuite : c’est la condition de la compétitivité de nos entreprises.
Sur ce sujet, soyons lucides. Nos entreprises ont pris du retard en matière de digitalisation et de robotisation. Or l’une et l’autre font la productivité, et la productivité fait l’emploi.
Voilà quelques jours, je visitais une magnifique entreprise de Vénissieux qui a réussi à se transformer. Elle fabriquait des injecteurs diesel pour Bosch ; désormais, elle fabrique des chaudières électriques extraordinairement performantes. Cette entreprise Boostheat, pour la nommer, emploie des technologies de pointe, et c’est là que réside sa productivité. Grâce à cela, elle a embauché 200 salariés au cours de l’année passée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est l’innovation qui fera notre succès !
Hélas, d’après les comparaisons européennes, la France accuse un retard, qu’il faut désormais combler rapidement. Quand on dénombre 19 robots pour 1 000 salariés dans l’industrie française, on en dénombre 21 ou 22 en Italie, et 34 en Allemagne.
À ce retard sur la robotisation, s’ajoute un nombre important de PME, en particulier parmi les plus petites, qui ne sont pas digitalisées, et une entreprise non digitalisée aura malheureusement des difficultés à réussir.
Tous les moyens de financement que nous allons mettre en place pour faciliter les expérimentations, donner plus de transparence aux Initial Coin Offerings, les ICO, construire des ponts entre la recherche publique et l’entreprise vont nous permettre de développer l’innovation et de lever, là aussi, certains freins incompréhensibles à la construction du lien entre innovation et entrepreneuriat.
Ainsi, comment accepter que l’on ait bridé, à ce point, la possibilité, pour un chercheur, de travailler dans une entreprise ? Pourquoi a-t-on empêché un chercheur de posséder des participations dans une entreprise et de les conserver après son retour dans le monde de la recherche ? Levons ces freins et ces obstacles, qui ont empêché le talent français de s’exprimer au niveau qui est le sien !
La justice, enfin, car le travail doit payer.
Le travail doit payer en France et chacun mesure bien, à l’aune de la crise actuelle, le nombre de nos compatriotes qui se retrouvent à ne pas pouvoir vivre dignement de leur travail, voire à ne pas en vivre du tout. Certes, les salaires ont progressé au cours des dernières années, mais les dépenses contraintes ont augmenté encore plus, le nombre de femmes élevant leurs enfants seules a explosé. Elles doivent les déposer le matin à la crèche, revenir les chercher le soir, parfois avec des horaires contraints, effectuer des déplacements en voiture et elles ont le sentiment, en travaillant, de vivre moins bien que si elles restaient chez elles à percevoir des allocations.
Il me semble donc indispensable, au travers du projet de loi PACTE, de pousser encore plus loin la politique que nous avons engagée avec le Premier ministre et le Président de la République pour faire en sorte que le travail paie.
Les salariés sont la première condition de la réussite d’une entreprise. Il est légitime que, lorsqu’une entreprise réussit, ses salariés en soient récompensés, via l’intéressement ou la participation.
D’où cette mesure phare du projet de loi qui vous est soumis : la suppression de toute taxe sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés. Désormais, dès lors qu’il n’y a plus ni taxe ni prélèvement et que cela ne lui coûtera plus rien, aucune PME n’a de raison de refuser de proposer un intéressement à ses salariés.
Dans ce même chapitre consacré à la justice, nous devons veiller à ce que les écarts de rémunération entre salariés et dirigeants au sein d’une même entreprise ne soient pas excessifs. Nous instaurons donc un rapport d’équité dans l’entreprise sur la transparence des niveaux de rémunération, rapport d’équité permettant de définir le salaire médian dans les entreprises et qui, je l’espère, en plus de devenir une règle nationale grâce au projet de loi PACTE, s’imposera à l’avenir comme une règle européenne.
Il faut aussi remédier à la faiblesse actuelle du statut de conjoint collaborateur pour les indépendants, qu’ils soient artisans, commerçants ou professions libérales. Un quart des indépendants travaillent avec leur conjoint, dans le cadre d’un temps partiel ou d’un temps complet. Or près d’un tiers de ces conjoints, qui sont majoritairement des femmes, travaillent sans être protégés. Nous devons leur donner cette protection, et c’est ce que permet le texte.
Par ailleurs, et cette mesure figurera dans une prochaine loi de finances, il faut obliger les mandataires sociaux des entreprises françaises les plus importantes à payer leurs impôts en France.