Monsieur le ministre, vous présentez le projet de loi PACTE comme « un nouveau modèle économique ». C’est ambitieux, mais cette définition est peut-être un peu excessive : s’il s’agit incontestablement d’un texte intéressant, dont on ne peut qu’approuver les orientations générales, il contient cependant des dispositions assez disparates, allant de la suppression du stage à l’installation des artisans à la privatisation de trois grands groupes publics, en passant par la possibilité de définir une « raison d’être » de l’entreprise.
Je qualifierais plutôt ce texte d’étape importante dans l’adaptation à la transformation de notre économie. Il met en place des conditions favorables à la création et au développement des entreprises et essaie de mieux associer les salariés à cette démarche.
La simplification, la réduction des délais, l’allégement des contraintes et la dématérialisation y sont très souvent mis en avant. Attention, toutefois : entre les mots et la réalité concrète de la vie de l’entreprise, il y a parfois des écarts qui, lorsqu’ils sont trop flagrants, peuvent provoquer des frustrations et des déceptions. Il arrive que la complexification coure plus vite que la simplification !
Sauf à faire un examen exhaustif des différentes mesures, je vais rapidement évoquer celles qui me paraissent les plus satisfaisantes, celles qui mériteraient d’être améliorées ou enrichies et celles, enfin, qui ne nous ont pas convaincus.
Parmi les satisfactions, il y a, bien entendu, la simplification des procédures de création, de transmission et de reprise d’entreprise. Une anecdote à ce sujet : j’étais hier matin dans une PME de mon département qui a fait l’objet d’une transmission familiale. Le fondateur, qui est toujours le principal actionnaire, se trouvait dans l’entreprise et apportait son concours à son fils dans différentes tâches. Il y a peu, il est redevenu directeur général, parce qu’un contrôle lui avait fait remarquer qu’il se trouvait en situation de travail dissimulé. Pour éviter la sanction, il a donc fallu le nommer de nouveau à des fonctions dans l’entreprise. Vous voyez, monsieur le ministre, qu’il y a encore des terrains à explorer en matière de simplification !
Il y a, aussi, la rationalisation du nombre de seuils existants, en privilégiant les seuils de 11, 50 et 250 salariés – nous parlerons plus tard du seuil de 100 –, ainsi que les souplesses importantes introduites en termes de franchissement desdits seuils.
Il y a, encore, l’allégement de certaines contraintes pour les PME : relèvement du seuil d’obligation de certification des comptes ; augmentation du nombre d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance ; réforme de l’épargne, avec notamment la promotion du PEA-PME et un meilleur fléchage de l’assurance vie en direction de l’actionnariat, donc des entreprises ; protection des entreprises stratégiques, avec le renforcement de la procédure d’autorisation préalable d’investissement.
Il y a, enfin, la suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Sur ce dernier point, monsieur le ministre, je vous ferai une proposition, ainsi que nous en avons déjà parlé, consistant à étendre le champ d’application obligatoire de l’intéressement à toutes les entreprises à partir de 11 salariés, dès lors qu’elles n’ont pas institué de participation. C’est dans l’intérêt des entreprises, en termes de motivation du personnel, comme dans celui des salariés, dans l’optique d’une meilleure répartition des richesses et d’une amélioration du pouvoir d’achat. Dans le contexte actuel, cette disposition ne pourrait que contribuer à crédibiliser la démarche du Gouvernement dans le cadre du grand débat national. Ne laissez pas passer cette opportunité !
Parmi les sujets qui soulèvent certaines difficultés, il y a, bien entendu, la restructuration des réseaux consulaires. Si nous sommes favorables à des contraintes de mutualisation, nous ne sommes pas pour autant convaincus par la régionalisation des chambres de métiers, qui se traduira nécessairement, à terme, par une nouvelle perte de proximité pour les structures départementales.
Par ailleurs, le stage d’accompagnement à l’installation, à condition de le cibler strictement sur les aspects relatifs à la gestion, mérite d’être maintenu pour les candidats n’ayant aucune notion dans ce domaine ; les autres en sont déjà exonérés. Sa suppression offre, certes, un affichage de simplification, mais elle ne rendrait pas service aux artisans.
Je m’interroge également sur l’absence dans ce texte de propositions d’amélioration significative du droit des sociétés ou encore de solutions aux freins existants pour les entreprises dans l’accès au crédit, qui n’est traité que par le biais de la commande publique – de manière positive, d’ailleurs – et de l’orientation des capitaux, ce qui, en pratique, ne répond pas totalement aux besoins exprimés par les PME pour financer leurs investissements et leur fonds de roulement. Le secteur bancaire, qui n’est pratiquement pas évoqué en dehors de la Caisse des dépôts et de La Poste, demeure extrêmement frileux dans ce domaine.
Nous nous interrogeons également sur les conditions de privatisation de trois grands groupes et sur le contrôle que l’État doit conserver sur la mise en œuvre des missions dont ceux-ci ont la charge.
Si la destination de ces cessions de participations publiques permet la constitution d’un fonds pour l’innovation et l’industrie – une excellente utilisation ! –, on ne peut cependant réprimer certaines craintes au vu des expériences passées, comme celle des sociétés d’autoroutes ou encore de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, au sujet desquelles on a bien constaté que les plus-values potentielles d’exploitation étaient plus facilement captées par les opérateurs privés, bien meilleurs que l’État dans ce domaine.