Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans le temps limité qui m’est imparti, j’évoquerai la cession de tout ou partie des parts de l’État dans Aéroports de Paris.
Voilà quatorze ans, sous Jacques Chirac, l’établissement public a été transformé en société anonyme. Puis le capital a été ouvert, en 2006, par une mise en bourse. En novembre 2008, sous Nicolas Sarkozy, le groupe Schiphol est entré au capital d’ADP. L’État a encore cédé des blocs à Predica et Vinci, en 2013, sous François Hollande. Le gouvernement socialiste a aussi cédé la gestion des aéroports de Toulouse, puis de Lyon et Nice. S’agissant des deux derniers, un certain nombre d’erreurs commises pour le premier ont d’ailleurs été corrigées, dans le cadre de la loi Macron.
Il y a donc un mouvement général de cession au secteur privé, qui rejoint la situation européenne et mondiale. En Europe, près de la moitié des aéroports sont confiés à la gestion privée. Il y a des aéroports publics bien gérés et d’autres qui le sont moins ; il en est de même dans le secteur privé.
La question me paraît être : dans quel cadre les aéroports opèrent-ils, et les intérêts de l’État et du transport aérien sont-ils bien garantis ?
S’agissant des intérêts de l’État, le risque serait, comme il a été indiqué, de reproduire ce qui s’est passé pour les autoroutes. Ce risque me paraît devoir être écarté, au vu des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale. M. le ministre en parlé, et je pense qu’il pourra être encore plus loquace sur le sujet.
Sous réserve des conditions de mise sur le marché, étant entendu que les aéroports se vendent entre vingt-cinq et trente fois leur EBITDA, l’opération relève d’un intérêt financier à court et moyen termes. Elle est certes moins assurée à long terme, pour l’État comme d’ailleurs pour le preneur.
Deux questions viennent ensuite. D’abord, est-ce le rôle de l’État d’être actionnaire d’aéroports, alors qu’il garde le contrôle aérien, la gestion des droits de trafic, la police aux frontières, la douane et la sécurité ? Ensuite, l’argent est-il bien utilisé ?
À cet égard, je vois un avantage au fonds d’innovation que M. le ministre a présenté : il cantonnera cette réserve budgétaire, la mettant à l’abri des coupes habituelles. Nous mesurons nos difficultés à financer les ruptures technologiques, alors que nos partenaires y réussissent.
S’agissant des intérêts du transport aérien, ils furent l’une des questions centrales du groupe de travail que j’ai coanimé dans le cadre des assises du transport aérien.
Au Sénat, voilà une quinzaine de jours, Ben Smith, directeur général d’Air France-KLM, a rappelé que les compagnies souhaitent un régulateur indépendant, qui les préserve des augmentations de redevances. Ce n’est pas que la cession d’ADP les enthousiasme, mais elles soulignent que celle-ci ne doit pas être opérée à leur détriment et nous invitent à amender le texte dans le sens d’un renforcement de la régulation. À nous de conforter ce régulateur, qui garantira demain des conditions équitables pour l’État et pour les compagnies, à l’instar de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, dans son domaine.
Globalement, et de façon paradoxale, le dispositif proposé prévoit plus de garanties pour l’État qu’il n’y en avait dans le cadre d’une société ADP publique. La raison en est simple : l’État nommait le PDG d’une ADP publique, ce qui était une garantie en soi. Aujourd’hui l’État se donne d’autres moyens d’assurer le contrôle.
J’invite le Sénat à jouer pleinement son rôle de législateur, après que la commission spéciale a déjà adopté des amendements justifiés, sur l’initiative de Jean-François Husson. Réguler la cession d’ADP et résoudre au passage un problème majeur du transport aérien, ou bien rejeter cette cession, tel est le dilemme que notre assemblée va devoir trancher !