Je partage l’avis de Bernard Lalande et de Jean-Marc Gabouty : depuis Pompidou, de l’eau a passé sous les ponts – j’ai exactement l’âge de l’élection de Giscard : c’était il y a quarante-quatre ans –, et le monde a quelque peu changé.
Le droit, notamment, s’est extrêmement complexifié. S’agissant de la partie du droit qui me concerne et que je pratique régulièrement, il y a quarante-quatre ans, on ne faisait pas de contrats de travail – en particulier, on n’en faisait pas dans l’agriculture, bien sûr, mais pas non plus dans l’artisanat. Pour conclure une embauche, on se serrait la main ; et, de même, pour se séparer, on se disait « au revoir ».
Le monde d’aujourd’hui n’est plus du tout le même que du temps de Pompidou : désormais, un petit artisan qui souhaite embaucher fait face à une situation extrêmement complexe. Même si les ordonnances Macron ont simplifié les choses – c’est un tout petit peu plus simple –, le droit reste le même pour un petit artisan et pour une multinationale, ce qui a de très lourdes conséquences.
Ne serait-ce que d’un point de vue juridique et économique, donc, il me semble que l’on ne peut pas lâcher un charcutier ou un coiffeur – j’en reviens à l’exemple que j’ai donné et que Mme la rapporteur a repris –, comme ça, dans la nature. Même si – je l’entends – une telle formation devrait sans doute, en effet, être intégrée à la formation initiale, cela n’enlève rien à la force de ce premier argument.
Deuxième élément : la notion de corps intermédiaire – il faut vraiment que nous y soyons sensibles. J’entends par là le fait d’appartenir à un corps : pour un artisan, c’est extrêmement important.
Or ce sentiment d’appartenance passe par ce petit moment de stage où tous, ensemble, font corps en apprenant les règles de la profession. Celles-ci ne s’apprennent pas à l’école, mais avec les collègues. À l’époque où je suis devenu avocat, la carrière commençait par deux ans de stage. Pendant ces deux ans, on apprenait le métier chez son patron. Ce stage a disparu : désormais, n’importe qui peut poser sa plaque, du jour au lendemain. On y a perdu : tout ce qui est confraternité et déontologie, c’est pendant le stage qu’on l’apprenait.