Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 29 janvier 2019 à 21h45
Croissance et transformation des entreprises — Article 6

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Avec cette affaire des seuils sociaux, nous sommes face à une sorte de serpent de mer, visant à nous faire croire que la présence syndicale, la représentation des salariés et un certain nombre de droits qui leur seraient concédés constitueraient un frein au dynamisme de nos entreprises et à l’emploi.

Par l’augmentation des seuils, monsieur le ministre, vous proposez une orientation très ferme dans cette direction et la commission spéciale pousse encore plus loin que le Gouvernement. En outre, vous prévoyez d’accorder un délai de cinq ans à une entreprise dépassant le seuil pour qu’elle se mette en conformité avec toutes les règles de représentation s’imposant à elle.

Permettez-moi de vous dire que votre vision de l’entreprise est d’un archaïsme terrible ! Dans le monde contemporain, ce dont nous avons besoin, c’est qu’un dialogue social s’opère avec les salariés, que leurs droits soient reconnus et que l’on puisse réfléchir collectivement à l’avenir de l’entreprise, avec une juste répartition des richesses, des emplois et des investissements.

Le choix qui est le vôtre, monsieur le ministre, n’a jamais fait ses preuves ! Chaque fois que l’on nous annonce que la flexibilité va créer de la croissance ou de l’emploi, le résultat n’est pas vérifié. Toutes les études – même les plus récentes, que ce soit pour la loi Macron, sous le précédent gouvernement, ou pour les ordonnances Travail, sous l’actuel – montrent l’absence de tout effet sur l’emploi.

Les patrons le demandent-ils ? Le MEDEF, bien sûr ! Mais il s’agit là d’une position idéologique.

En revanche, si l’on étudie la question – ce que l’INSEE a fait –, on constate que 47 % des chefs d’entreprise évoquent des freins à l’embauche et que, parmi eux, plus de 28 % citent la visibilité économique comme le premier d’entre eux. Autrement dit, les patrons ne veulent pas embaucher parce qu’ils ne savent pas quelle sera la conjoncture ! Une formation en adéquation avec leurs besoins figure au deuxième rang des problèmes, tandis que la question du code du travail ou de la représentation salariale n’arrive qu’en quatrième ou cinquième position.

La Commission européenne a, elle, dressé des comparaisons à l’échelle de l’Europe. Elle a montré que la France se situait dans la moyenne basse de l’Union pour ce qui est de la représentation des salariés, les pays les plus performants de la zone figurant, paradoxalement, plutôt dans la moyenne haute.

Dès lors, monsieur le ministre, il vous faut réfléchir à ce qu’il s’est passé avec les « gilets jaunes ». Soit vous estimez que, dans ce pays, les corps intermédiaires, les syndicats, les organisations représentatives – tout ce qui a été créé pour représenter le monde salarial – ne comptent pour rien…

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