Mon ambition, si je devais être nommé à sa tête, serait de faire entrer le CSA de plain-pied dans l'univers numérique. Tel est tout l'enjeu du mandat qui va s'ouvrir.
Au moment de sa création, la mission principale du CSA consistait à attribuer des fréquences appartenant au domaine public en contrepartie d'un certain nombre d'obligations et de s'assurer ensuite du respect de ces dernières. C'est sans doute de là que provient son surnom de « gendarme de l'audiovisuel ».
Le monde est entré dans une ère totalement nouvelle. De nouveaux acteurs viennent concurrencer les acteurs historiques. Nous assistons à des situations de distorsion de concurrence absolument majeures. C'est la raison pour laquelle il est devenu nécessaire d'étendre le périmètre de la régulation, devenu obsolète.
J'attends beaucoup du projet de loi en préparation. Le CSA a formulé une vingtaine de propositions à la fin de l'année dernière dont je me ferai l'avocat si je suis nommé à sa tête.
Je pense, madame Laborde, qu'il faut aller vers plus de collaboration avec les autres régulateurs. Je pense à l'Arcep - les télécoms sont aujourd'hui des acteurs majeurs de l'audiovisuel, comme on l'a encore vu ce matin avec l'annonce du rachat de Molotov par Altice -, à Hadopi - cette institution, comme le CSA, se trouve sur le terrain des contenus, dans la lutte contre le piratage - et à l'Arjel.
Une collaboration renforcée face à des interlocuteurs de dimension internationale, très puissants est aujourd'hui indispensable. Comment doit-elle se faire ? Par le bas, c'est-à-dire par le développement d'échanges, de rencontres, entre services, ou par le haut, c'est-à-dire de manière plus institutionnelle, avec des rapprochements ou des fusions ?
Malgré mon lourd passé de technocrate, encore aggravé par des années passées à la Cour des comptes, je suis prudent sur les scénarios de rapprochement. Qui trop embrasse mal étreint.
Nous évoquions à l'instant la question des autorités administratives indépendantes. Imaginons ce que deviendrait un « Big Brother » de la régulation en termes de respect des libertés publiques.
Par ailleurs, si ces autorités ont des intersections de compétences évidentes, ce ne sont que des intersections. Chacune d'entre elles a des missions très spécifiques, très particulières : la régulation des télécoms, c'est un métier à part entière ; le CSA est sur un autre. De même pour la CNIL, que je n'ai pas évoquée, mais avec laquelle il existe aussi des intersections évidentes en matière de protection des données, notamment des fichiers d'abonnements à forte valeur ajoutée.
Si je devais aller absolument vers un rapprochement, qui relèverait de la seule compétence du Parlement, ce serait peut-être avec la Hadopi. Ces deux institutions sont sur le terrain connexe des contenus : l'une lutte contre le piratage et promeut l'offre légale dans toute la mesure du possible, l'autre s'assure que les conditions de financement de la création sont préservées. Encore faut-il bien évaluer les données juridiques et économiques d'un tel rapprochement.