Avant d'entamer l'audition publique, je souhaite rappeler à nos collègues qui ne seraient pas encore rompus à cet exercice son caractère très officiel : à l'issue de l'audition, nous devrons procéder à un vote pour lequel les délégations ne sont pas admises. Après les questions du rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel Jean-Pierre Leleux, je donnerai la parole à un orateur par groupe, puis à l'ensemble des sénateurs. Merci de vous concentrer sur quelques questions et d'éviter les commentaires.
Je suis étonné que la présidence du Sénat ne nous ait toujours pas demandé notre avis sur sa nomination d'un membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Le précédent collège a quitté ses fonctions. La commission aurait dû être informée.
La proposition de nomination devrait avoir lieu cette semaine ; je vous tiendrai au courant dès que j'en saurai davantage.
M. Roch-Olivier Maistre est introduit dans la salle de réunion.
Je souhaite la bienvenue à M. Roch-Olivier Maistre, candidat proposé par le Président de la République à la présidence du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Cette nomination s'exerce dans le cadre du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution selon lequel « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».
À l'issue de l'audition, nous nous prononcerons donc par un vote à bulletins secrets, comme l'Assemblée nationale l'a fait hier après-midi. Le dépouillement aura lieu simultanément dans les deux commissions. Si l'addition des votes négatifs représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés, le Président de la République ne pourra procéder à cette nomination. Aucune délégation de vote ne sera possible.
Permettez-moi enfin de rappeler l'importance de cette audition et des missions qui sont confiées au président du CSA, notamment à la veille d'une réforme de l'audiovisuel qui devrait intervenir cette année. Jamais, sans doute, la dimension régalienne de cette autorité publique n'aura été aussi prégnante, compte tenu des menaces qui pèsent sur l'information. Rarement également les aspects économiques et sociaux du secteur de l'audiovisuel et de la création n'auront été aussi questionnés à l'heure où les grandes plateformes numériques changent complètement les usages et l'offre.
Nous avons donc besoin de connaître votre vision sur ces évolutions, Monsieur le rapporteur général, et je sais que de nombreux collègues souhaiteront vous poser des questions. En attendant, nous vous écoutons.
J'ai pleinement conscience de l'importance de la mission que le Président de la République a proposé de me confier. La perspective d'oeuvrer dans un champ qui est au coeur de nos libertés publiques et de l'expression culturelle française est pour moi plus qu'un honneur, c'est une grande responsabilité.
C'est d'abord une expérience que j'entends mettre au service de cette institution. Actuellement président de chambre à la Cour des comptes où j'exerce les fonctions de rapporteur général, j'ai consacré toute ma vie au service public et en particulier au monde de la culture et de la communication. J'étais tout jeune conseiller au cabinet du ministre de la culture et de la communication lorsqu'a été élaborée, avec Michel Boyon - plus tard président de Radio France puis président du CSA - et le regretté Xavier Gouyou-Beauchamps, la grande loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, dite loi Léotard, qui, aujourd'hui encore, fixe le cadre général applicable au champ audiovisuel. J'ai vécu en direct ce moment de bascule pour l'audiovisuel et pour les Français, marqué par la fin d'un quasi-monopole public.
Depuis lors, le paysage s'est totalement métamorphosé ; par les différentes fonctions que j'occupe, par les différentes missions que les gouvernements successifs ont bien voulu me confier, j'ai eu la chance de pouvoir suivre en « spectateur engagé », pour reprendre la belle formule de Raymond Aron, cette extraordinaire évolution. J'en ai pris la mesure tout particulièrement aux côtés du président Jacques Chirac, auprès de qui j'ai suivi pendant cinq années en qualité de conseiller les questions d'éducation, de culture et de communication. J'ai vécu, entre autres, l'émergence de la télévision numérique terrestre, combat difficile où nous nous sommes heurtés à l'opposition des opérateurs historiques, et que nous avons pu mener à bien grâce notamment à la ténacité du président du CSA de l'époque, Dominique Baudis. Cela a transformé le rapport des Français avec la télévision. J'ai aussi accompagné la genèse et le lancement de France 24, qu'on appelait à l'époque la « CNN à la française ». J'ai vécu le formidable combat pour la reconnaissance de l'exception culturelle. J'ai participé, en 2017 et 2018, avec mon ami Marc Tessier, ancien président de France Télévisions, aux réflexions sur l'évolution de notre audiovisuel public.
Je pense avoir acquis aujourd'hui une bonne connaissance des acteurs et des problématiques de l'univers des médias audiovisuels, mais aussi de la presse écrite et de tous ces créateurs qui font la vitalité de notre vie culturelle et participent au rayonnement de notre pays dans le monde.
Par ailleurs, mon parcours m'a conduit à deux reprises à me confronter à l'exercice singulier de la régulation : dans l'univers du cinéma d'abord, en qualité de médiateur du cinéma pendant six ans ; dans le domaine de la presse écrite ensuite, en qualité de président de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse. Cette double expérience m'a appris que la régulation est un art subtil, exigeant un équilibre permanent entre le droit et les acteurs pour préserver les principes essentiels posées par le législateur ; un art qui exige capacité d'écoute, diplomatie, impartialité, équité dans la décision, sens de l'intérêt général ; un art qui exige aussi souvent du courage.
Enfin, avec les différentes responsabilités que j'ai eues à la Ville de Paris, à la direction générale de la Comédie française, comme président du conseil d'administration de la Cité de la musique ou comme administrateur de France Médias Monde, je pense avoir acquis une solide expérience de la gestion publique et de l'animation d'une équipe de collaborateurs. Mes années passées comme magistrat de la Cour des comptes, outre l'exigence d'indépendance et de neutralité qui s'attache à ces fonctions, n'ont fait que renforcer cette expérience, mais aussi conforter une conviction que j'ai chevillée au corps : la délibération collective, la collégialité ne peuvent qu'enrichir le processus de décision. C'est donc fort de ces expériences diversifiées et d'un attachement profond aux valeurs républicaines, que je souhaite aujourd'hui m'engager dans cette nouvelle mission. Je le fais en pleine conscience des évolutions, voire de la révolution qui est à l'oeuvre aujourd'hui dans le secteur.
Je voudrais partager avec vous trois convictions. La première, c'est que le CSA est une institution qui est au coeur de la demande sociale. C'est peu de dire que l'environnement dans lequel le CSA inscrit son action est en profonde transformation : révolution numérique, multiplication et fragmentation de l'offre, transformation des usages avec la diversification des écrans et des modes de réception du média radio - lui-même engagé désormais dans le déploiement de la radio numérique terrestre - irruption de nouveaux acteurs - en particulier les GAFA et maintenant les Gafam - disparition des barrières internationales à la télévision, à la radio sur tous les nouveaux supports...
Dans ce contexte particulièrement mouvant, j'ai le sentiment que les principes posés par la loi de 1986 demeurent d'une brûlante actualité : défense du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion à l'heure où l'audiovisuel est concurrencé par les réseaux sociaux et les sites internet, vigilance sur la diversité et la juste représentation de toutes les composantes de la société et de tous les territoires, notamment l'Outre-mer, promotion inlassable de la parité, protection de l'enfance et de l'adolescence, respect de la dignité de la personne humaine et de ses représentations, lutte contre la diffusion des contenus contraires à toutes les valeurs de la République. Chacun de ces principes fait écho à de fortes attentes de notre société - éducation aux images et aux écrans, lutte contre les contenus haineux, racistes et antisémites - et aux préconisations du récent rapport de Mme Avia et MM. Amellal et Taïeb. Je pense à l'inquiétant développement du phénomène des fausses nouvelles, qui met en péril le débat public ; je pense à la liberté d'informer, quand les journalistes sont attaqués dans l'exercice de leur métier ou quand on incendie volontairement une implantation de France Bleu en région. Cette liberté fondamentale nous renvoie à l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dit si justement que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ». Avec l'explosion des réseaux sociaux, la question de la déontologie de l'information est aujourd'hui devenue centrale pour nos concitoyens et pour la confiance qu'ils placent dans l'information, mais aussi pour les professionnels eux-mêmes et pour notre vie collective et notre démocratie : la dernière étude du Cevipof témoigne en effet de la défiance qu'expriment nos concitoyens à l'égard de la sphère publique et des médias en particulier.
Par son champ d'intervention, le CSA a un rôle éminent à jouer en la matière : en amont par les recommandations qu'il émet et le dialogue qu'il engage avec les éditeurs ; en aval par les mises en demeure et les sanctions. Il nous faudra demain mettre en oeuvre la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information. Alors que se dessine une importante réforme de l'audiovisuel public, le Conseil doit, en toute indépendance, tenir toute sa place pour que les valeurs et les spécificités du service public, son rôle majeur en matière de transformation, d'éducation, de culture et de savoir soient préservés et confortés. Il doit être en particulier attentif à ce que le service public accélère sa transformation numérique pour rajeunir ses audiences et conforte ses offres de proximité. S'il n'appartient pas au régulateur, bien entendu, de se substituer à l'État pour définir la réforme, il lui reviendra de donner son avis et de l'accompagner.
Ma deuxième conviction est que le CSA est une institution qui a beaucoup changé, mais qui est appelée à se transformer davantage encore. Aux attentes de la société que j'ai rapidement évoquées répondent en effet celles non moins fortes de tous les acteurs de la filière audiovisuelle, qui aspirent à une régulation des rapports entre les différents maillons de la chaîne - auteurs, producteurs, diffuseurs, distributeurs - défendant la création et garantissant son financement conformément aux principes de l'exception culturelle. Beaucoup d'acteurs de la filière aspirent à la restauration d'une concurrence équitable avec les nouveaux acteurs du numérique. Si l'on veut préserver durablement notre modèle au service de la création, il faut entendre ces attentes, car nul ne saurait ignorer la dimension économique et culturelle de la sphère audiovisuelle, qui est un atout formidable pour notre pays et un puissant vecteur de rayonnement au-delà de nos frontières.
Dans le prolongement de ce qui a été fait par le passé avec l'intégration dans le champ de la régulation des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT), puis des services de vidéo à la demande, il faut poursuivre l'adaptation du périmètre de la régulation, permettre l'intégration de nouveaux acteurs dans les diverses plateformes de diffusion ou les réseaux sociaux. Des avancées importantes ont été obtenues : le projet de nouvelle directive constitue une première étape encourageante. Il faut aussi adapter les règles du jeu, une réglementation stratifiée, complexe, en partie inintelligible et souvent inadaptée à cette nouvelle donne ; il est temps de codifier les règles applicables et assouplir ce qui doit l'être. Il faut enfin adapter les modes de régulation : notre modèle fait intervenir une pluralité d'acteurs et repose sur une approche profondément normative face à des évolutions toujours plus rapides. J'ai la conviction qu'une place accrue doit être donnée - comme s'y est engagé le président Schrameck dont je tiens à saluer l'action - à ce qu'on appelle le droit souple et à une forme de co-régulation : une déclinaison des principes généraux posées par la loi, des engagements négociés avec les acteurs et mis en oeuvre sous la supervision du régulateur, une charte énonçant des principes que les parties sont engagées à respecter, la médiation et la conciliation. Dans un paysage en mouvement, il faut jouer la carte de la responsabilité des acteurs ; nous avons aujourd'hui plus besoin de régulation que de réglementation.
Dans le même esprit, une collaboration renforcée entre les différents régulateurs s'impose pour tendre vers plus de mutualisation, plus de cohérence et plus d'efficacité dans l'action. La loi annoncée par le Gouvernement pour cette année sera naturellement une échéance décisive ; le collège du CSA, qui a formulé il y a peu de nombreuses propositions pour refonder la régulation, jouera, par ses avis, tout le rôle qui lui revient.
Ma troisième conviction, c'est que le CSA est une institution qui doit être toujours plus ouverte sur l'extérieur. L'indépendance qui est sa marque et que j'entends défendre ne saurait, dans mon esprit, être synonyme d'isolement ou de repli sur soi. Comment pourrait-on bien réguler sans être à l'écoute de l'écosystème ? Le CSA doit d'abord être ouvert à la représentation nationale. En la matière, ma vision est simple et sans ambiguïté : je me tiendrai toujours à la disposition du Parlement, en particulier de votre commission pour enrichir nos travaux, pour expliquer nos objectifs et nos choix, mais aussi pour imaginer ensemble les évolutions souhaitables et utiles. Il appartient au seul législateur de définir nos missions et les ressources qui leur sont nécessaires ; il nous revient de les remplir au mieux et au meilleur coût. C'est pourquoi je considère ce dialogue permanent entre le Parlement et le CSA comme essentiel pour asseoir la pleine légitimité de son action.
Le CSA doit également être ouvert sur nos concitoyens qui sont, en définitive, les premiers bénéficiaires de la liberté de communication. Au-delà du traitement normal des plaintes, l'institution doit s'attacher à prendre en compte les attentes des Français, elle doit veiller à la transparence de ses interventions à la pédagogie de ses initiatives et de ses décisions. La régulation aura de plus en plus une dimension participative.
Il doit aussi être ouvert sur les acteurs, qui seuls permettent d'anticiper les mutations économiques, technologiques, sociologiques, de se projeter dans le futur et de prendre la juste mesure des problématiques du moment face aux incertitudes de l'avenir - qui peut dire en effet ce que sera notre paysage audiovisuel dans cinq ou dix ans ? Le CSA doit renforcer sa capacité prospective, comme il l'a fait avec la création du CSA-Lab. Il doit enfin être ouvert sur le monde et singulièrement sur l'Europe et la francophonie. Sur ce point, j'entends poursuivre les efforts entrepris pour approfondir la logique de coopération engagée avec la création du Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (Erga) et avec le réseau des autorités de régulation francophones. L'émergence d'une Europe des médias dont témoignent les initiatives en cours sur la responsabilité et le régime fiscal des acteurs du numérique, avec la future directive « droits d'auteur », constitue à mes yeux un enjeu majeur. Mais elle ne saurait se réduire à une simple régulation du marché ; elle est indissociable de l'histoire du continent et de la richesse de sa culture. Je suis confiant : l'Europe, y compris dans le domaine des médias, s'attache à toujours mieux préserver son exception culturelle.
Face à ces défis, je suis convaincu que le CSA dispose, trente ans après sa création, de solides atouts pour se renouveler : richesse et diversité des expériences des membres de son collège et des 300 collaborateurs dont je connais la compétence et le sens du bien public. C'est donc avec conviction et détermination que je souhaite aujourd'hui, si vous en décidez ainsi, m'engager dans cette belle mission.
Parmi les centaines de questions que nous aimerions vous poser, j'en ai retenu quatre...
L'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les contrats d'objectifs et de moyens (COM) déterminent, pour chaque société publique, « le montant des ressources publiques devant lui être affectées ». Depuis 2017, ces contrats ne sont pas respectés par l'État, et aucune annonce concernant la préparation d'avenants n'a été faite. Si l'on considère que la garantie des ressources dans le temps est aujourd'hui la principale condition de l'indépendance de l'audiovisuel public, ce non-respect est une atteinte sévère à cette même indépendance. Le CSA n'a pas cru bon de se dresser jusqu'à présent contre cette situation. Comptez-vous oeuvrer pour faire évoluer la position de l'autorité sur ce point afin de réaffirmer l'indépendance de l'audiovisuel public et donc la nécessité de garantir des moyens dans le temps ?
Le colloque européen « Comment réenchanter l'audiovisuel public à l'heure du numérique ? » organisé par notre commission le 12 juillet dernier a mis en évidence l'importance de la stabilité des ressources de l'audiovisuel public. Alors que le rendement de la contribution à l'audiovisuel public - l'ancienne redevance - est menacé par l'évolution des usages, que pensez-vous d'une réforme « à l'allemande » telle que notre commission l'a proposée en 2015, à la suite du rapport que nous avions présenté, André Gattolin et moi ?
laquelle réforme a récemment été déclarée conforme à la Constitution dans ce pays.
Votre observation sur les contrats d'objectifs et de moyens rejoint, vous le savez, le constat que la Cour des comptes a fait elle-même, à l'occasion de ses contrôles sur France Télévisions et Radio France. C'est une vraie difficulté. Effectivement, les contrats sont à peine signés qu'ils ne sont pas respectés. Le CSA est compétent pour rendre chaque année un avis sur l'exécution du cahier des charges des entreprises mais aussi de leur contrat d'objectifs et de moyens ; c'est l'occasion pour lui de s'exprimer sur ce point. Ces entreprises ne peuvent bien fonctionner que si elles ont une visibilité en profondeur sur leur financement. Le Conseil constitutionnel lui-même a eu l'occasion de dire que le niveau de financement en rapport avec les missions que l'État confie à ses entreprises est une condition de leur indépendance. Il faut donc être vigilant sur ce point : le service public a besoin d'un financement pérenne, stable, autonome.
La question de la contribution à l'audiovisuel public est devant nous. Elle ne relève pas au premier chef de la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel, mais de celle du législateur. Nous allons tout d'abord être confrontés à un problème de vecteur, c'est-à-dire de collecte de cette ressource, avec la réforme de la taxe d'habitation. Se posera ensuite un problème d'assiette, en raison de l'évolution des usages que vous avez soulignée.
Jusqu'à présent, la redevance ayant été relativement dynamique, la question ne s'est pas directement posée. Toutefois, dans un récent rapport, la Cour des comptes a souligné que ce dynamisme n'était pas assuré dans le temps, eu égard à cette même évolution des usages. Dès lors, plusieurs options sont possibles.
Ces dernières années, plusieurs pays européens ont réformé leur dispositif de redevance. Le choix allemand d'une assiette large est intéressant, mais délicat. Il appartiendra aux pouvoirs publics de prendre une décision.
Depuis plusieurs années, la télévision numérique terrestre, la TNT, apparaît menacée par les opérateurs de télécommunications qui souhaitent récupérer les fréquences dédiées à la télévision. Au niveau européen, l'échéance de 2030 a été fixée, mais un examen d'étape aura lieu en 2025.
Aujourd'hui, l'accès à internet n'est pas garanti pour une part importante des Français - on parle de un sur quatre -, ce qui rend tout basculement vers le numérique irréaliste.
De plus, la TNT est la seule technologie qui respecte l'anonymat, au moment où la télévision est menacée par l'exploitation des data. Quelle serait votre position sur la TNT ?
Par ailleurs, une mission importante du CSA concerne la radio. Les fréquences FM sont aujourd'hui saturées. Même France Bleu n'est pas diffusée sur tout le territoire. La qualité de réception reste mauvaise sur les autoroutes et sur certaines routes.
Les grands groupes de radio se sont opposés au développement de la RNT - la radio numérique terrestre -, qui pourrait occasionner une redistribution des cartes. La réception par IP, sur internet, se présente aujourd'hui comme une alternative que l'on ne peut ignorer. Quelle serait votre position sur la RNT qui semble, depuis peu, reprendre son envol ?
J'ai évoqué mes souvenirs personnels liés au lancement de la TNT. Vous comprendrez donc mon attachement particulier à ce vecteur de diffusion. Toutefois, ce n'est pas seulement de la nostalgie : comme vous l'avez souligné, pour beaucoup de nos compatriotes, il s'agit du seul accès à une offre élargie de télévision gratuite. Il existe encore des marges de progression sur lesquelles travaille le CSA, notamment pour aller vers la ultra haute définition à l'approche des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Il faut défendre la TNT. Je suis conscient de ce problème de fréquences convoitées par la sphère des télécoms. Toutefois, l'échéance de 2030 est encore lointaine. Il est d'autant plus important de soutenir la TNT que la généralisation de l'accès au haut débit sur l'ensemble de notre territoire va prendre encore beaucoup de temps...
Je vous remercie d'avoir évoqué la radio. Les Français sont très attachés à ce média qu'ils écoutent environ trois heures par jour en moyenne. Pour autant, la radio est confrontée à plusieurs difficultés. Son auditorat vieillit : les plus jeunes se tournent plutôt vers les plateformes de streaming musical. Ses recettes publicitaires tendent à se contracter. Enfin, il y a la contrainte technologique que vous avez soulignée : le CSA a pu moderniser la bande FM pendant quelques années, ce qui a permis de libérer des fréquences. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il n'existe plus aucune marge de manoeuvre. Dans certaines zones - à Lyon, à Strasbourg ou à Lille, par exemple -, la saturation de la bande rend impossible toute attribution nouvelle de fréquence.
Pour toutes ces raisons, la radio numérique terrestre, qui a fait l'objet de nombreux rapports et qui faisait un peu figure de « belle au bois dormant », connaît une nouvelle dynamique. Le CSA a lancé des appels à candidatures à la fois sur les multiplex nationaux et locaux et a reçu plus de 40 demandes pour la partie nationale et plus de 170 pour la partie locale. Il s'agit de l'un des premiers dossiers auquel le nouveau collège devra s'attaquer.
Ce vecteur va permettre d'attribuer de nouvelles fréquences, notamment pour les acteurs locaux, d'offrir une qualité de son supérieure et surtout d'assurer la continuité du signal pour tous ceux qui se déplacent, sans rupture d'écoute. Les grands acteurs de la radio ont d'ailleurs fait acte de candidature et manifesté ainsi leur intérêt, ce qui est réconfortant.
Vous avez dit avoir participé, voilà un peu plus de dix ans, à la naissance de France 24 - CFII à l'époque.
Notre commission auditionnera demain le directeur général de Deutsche Welle, Peter Limbourg. Il nous exposera dans le détail la nouvelle ambition de l'audiovisuel extérieur allemand, notamment en Afrique et en Asie.
Quel peut-être le rôle du CSA dans la réforme à venir pour le développement de l'audiovisuel extérieur ?
Nous avons la chance de disposer d'un audiovisuel extérieur multifacettes avec une chaîne d'information en continu - France 24 -, un média radio très implanté et très efficace - RFI, en collaboration avec Monte-Carlo Doualiya - et un vecteur télévisuel très important de la francophonie, à savoir TV5 Monde.
Il s'agit d'un instrument puissant pour le rayonnement de notre pays, pour la diffusion de notre culture, de notre regard sur l'actualité et sur le monde. Cet ensemble, qui a été peu évoqué jusqu'à présent dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public, mérite une très grande attention.
Une mission sur l'audiovisuel public extérieur vient d'être confiée à un ancien collaborateur du Premier ministre, Olivier Courson. Attendons de connaître ses préconisations.
La Cour des comptes est actuellement en train de contrôler les entreprises de l'audiovisuel public extérieur, y compris Arte. Nous pourrons bientôt disposer d'une vision plus complète sur ce secteur.
Comme vous le savez, le CSA ne définit pas le cahier des charges. Il exerce une fonction de supervision et de suivi des conditions d'exécution de ces documents. C'est dans ce seul cadre qu'il peut porter une attention particulière à l'audiovisuel extérieur.
Dans votre propos liminaire, vous avez évoqué les relations entre le CSA et la représentation nationale, en soulignant la complémentarité qui peut exister. Au-delà du fait que nous participions à votre nomination, le CSA apparaît de plus en plus comme un « colégislateur » : nous votons des lois, puis l'exécutif prend des décrets d'application. Or il semble que la volonté du CSA prime de plus en plus sur celle du Conseil d'État en matière d'orientation.
Je ne vous cache pas que nous nous sommes étonnés de certaines libertés prises par le Conseil supérieur de l'audiovisuel quant à l'interprétation, par exemple, de l'amendement de notre collègue Jean-Pierre Plancade adopté dans le cadre de la loi de 2013 sur la répartition des droits audiovisuels : nous étions très loin de ce qu'avait adopté la représentation nationale...
Autre exemple : la loi du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique prévoit la remise d'un rapport par le CSA. Nous ne l'avons toujours pas reçu...
Je veux bien croire qu'il s'agit de simples dysfonctionnements. Il ne faudrait pas qu'une sorte de concurrence entre le CSA et nous s'instaure en matière d'interprétation de la loi. J'aimerais connaître votre position et votre philosophie sur cette question.
Votre question m'amène à une remarque plus large sur les autorités administratives indépendantes. Il s'agit d'une question que votre assemblée connaît bien ; le rapport que le sénateur Mézard a remis dans le cadre d'une commission d'enquête du Sénat ayant conduit à l'instauration d'un nouveau cadre législatif en 2017.
En tant que magistrat à la Cour des comptes, j'ai contrôlé plusieurs autorités administratives indépendantes. La Cour a remis un rapport auquel j'ai participé, en décembre 2017, à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur la politique de rémunération au sein de ces organismes, sujet particulièrement sensible...
Certains pensent que le développement de ces autorités s'accompagne d'une dépossession de l'autorité politique. Ce n'est pas ma lecture : le législateur crée ces autorités et leur assigne des missions. C'est particulièrement vrai du CSA : la loi de 1986 a été modifiée plus de quatre-vingts fois, ce qui donne un caractère quelque peu abscons au texte que j'ai eu la curiosité de regarder. Je ne vous en conseille pas la lecture...
Ce que j'ai dit dans mon propos liminaire n'était pas une figure de style : je pense que l'autorité du Conseil est indissociable du dialogue qui s'établit entre le Conseil et le Parlement. Je me tiendrai donc à la disposition de votre commission, madame la présidente.
Je crois que la phase de grands changements que nous allons traverser sera l'occasion d'échanges utiles et fructueux pour faire en sorte que notre paysage audiovisuel évolue de façon harmonieuse.
J'attache beaucoup d'importance à ce que notre commission auditionne au moins une fois par an le président du CSA afin de dresser le bilan des travaux de l'année écoulée. Il s'agit alors d'exercer pleinement notre rôle de contrôle.
M. Maistre et moi nous connaissons, notamment pour avoir travaillé ensemble sur le dossier Presstalis.
Je sais qu'il a oeuvré, au sein du cabinet de François Léotard, à l'élaboration de la loi qui ordonne encore aujourd'hui notre écosystème audiovisuel et à l'éclosion de la TNT. Il s'agit d'atouts essentiels au moment de repenser tout cet ensemble.
Vous avez marqué votre parcours, effectué en partie dans des cabinets qui ne sont pas de mon bord politique, de vos grandes compétences. Vous avez notamment occupé ces fonctions dans des périodes de cohabitation. Vous connaissez donc tout de l'art du compromis... Il me semblait important de souligner vos atouts au moment d'effectuer notre choix.
Ces dernières années, nous n'avons pas suffisamment vu le CSA s'affirmer dans le combat pour l'indépendance de l'audiovisuel vis-à-vis du commerce. Il s'agit pourtant d'un sujet fondamental. Le niveau de concentration du secteur audiovisuel pèse sur l'indépendance des contenus, notamment informatifs. J'aimerais connaître votre opinion sur ce sujet.
Par ailleurs, cette question a également une incidence sur l'une des missions du CSA : comment assurer la défense du pluralisme dans un secteur en pleine concentration ? Où pensez-vous placer le curseur ?
Enfin, les nouveaux usages que vous évoquiez concurrencent directement la télévision. Elle ne peut continuer d'exister que si ses fondamentaux ne peuvent être dupliqués par le numérique et la télévision à la demande. Il faut donc les défendre bec et ongles : je pense à l'information, bien évidemment, mais aussi au sport, dont l'accès est devenu payant et toujours plus cher.
Comment faire en sorte que le sport, facteur de cohésion sociale, soit plus accessible à l'ensemble de nos concitoyens ? Comment assurer la défense de l'information autrement qu'à travers des chaînes d'information en continu dont on a vu, encore récemment, qu'elles ne jouaient pas toujours un rôle très positif ?
Monsieur Assouline, merci de vos propos à mon égard. J'y suis très sensible.
Vous posez la question centrale de l'environnement économique de l'audiovisuel. Je pense que la régulation économique fait partie des missions qui doivent être dévolues au CSA.
Nous avons évoqué les problèmes d'asymétrie : certains acteurs internationaux présents sur notre sol - je pense aux fameuses plateformes - ne sont pas soumises aux mêmes obligations en termes de fiscalité, de catalogue ou de contribution au financement de la création.
La question se pose également en termes de concentration. Quand on a mis fin au monopole public, on a mis en place des dispositifs de nature à préserver le pluralisme et à éviter l'appropriation de plusieurs vecteurs par les opérateurs les plus puissants. Cette réglementation a vieilli.
Toutefois, depuis trente ans que cette question est sur la table, peu d'initiatives législatives ont vu le jour pour s'y attaquer. C'est un sujet complexe : d'un côté, il faut protéger les acteurs puissants à même de faire face à une concurrence internationale vive ; de l'autre, il faut préserver le pluralisme. Cela étant dit, quand je regarde mon écran de télévision, il me semble que ce pluralisme existe et que l'offre est même surabondante... Il nous faut donc trouver le point d'équilibre permettant de préserver à la fois nos acteurs nationaux puissants et le pluralisme.
Vous êtes meilleur expert que moi dans le domaine du sport pour avoir produit un rapport en 2015, si ma mémoire est bonne, sur le sujet. Je suis tout de même frappé de l'éviction des chaines gratuites du marché des droits sportifs. Ce phénomène est bien évidemment lié à l'explosion des droits sportifs, largement captés par les opérateurs privés.
Le décret de 2004 permet de préserver certains événements d'importance majeure - Tour de France, Roland-Garros, finale de la coupe de France de football... Une question majeure va se poser, celle des Jeux olympiques, dont les droits ont été cédés à une société privée. Comme vous le savez, il est très important que nos concitoyens puissent avoir accès aux épreuves qui vont se dérouler sur notre sol. Le service public a pris des initiatives en ce sens et noue des partenariats avec des acteurs privés.
Nous menons actuellement des travaux sur le piratage des retransmissions sportives qui a pris une nouvelle ampleur, notamment pour les matches du Paris Saint-Germain, par exemple. Il s'agit, là aussi, d'un vrai sujet.
Trente ans, le bel âge : celui de la maturité, mais aussi celui du changement.
Comme vous l'avez souligné, le législateur donne au CSA sa lettre de mission et ce dernier la met en oeuvre, avec une part importante de co-construction. J'ai retenu de vos propos que vous vouliez ouvrir cette institution vers l'extérieur.
En ce qui concerne la régulation j'aimerais savoir si vous seriez favorable, dans le cadre du projet de loi de réforme de l'audiovisuel, à une extension des pouvoirs du CSA en termes de régulation et de contrôle des contenus diffusés via les podcasts ou les plateformes en ligne, par exemple. Je pense notamment à la diffusion de fausses nouvelles...
À cet égard, comment envisageriez-vous de collaborer avec la Hadopi sur ces questions de régulation et de contrôle ?
Enfin, le Sénat a voté une proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans. Quel rôle le CSA entend-il jouer sur cette question ?
Cette proposition de loi, qui reconnaît pleinement le rôle du CSA, est très importante à nos yeux. Elle met également en exergue le peu de moyens dont dispose le Conseil pour mener ce combat.
Voilà quelques semaines, nous avons auditionné conjointement les cinq autorités administratives indépendantes intéressées : nous réfléchissons aujourd'hui aux convergences existantes, à la mutualisation des moyens entre ces différentes agences. J'aimerais connaître votre avis sur cette question.
Mon ambition, si je devais être nommé à sa tête, serait de faire entrer le CSA de plain-pied dans l'univers numérique. Tel est tout l'enjeu du mandat qui va s'ouvrir.
Au moment de sa création, la mission principale du CSA consistait à attribuer des fréquences appartenant au domaine public en contrepartie d'un certain nombre d'obligations et de s'assurer ensuite du respect de ces dernières. C'est sans doute de là que provient son surnom de « gendarme de l'audiovisuel ».
Le monde est entré dans une ère totalement nouvelle. De nouveaux acteurs viennent concurrencer les acteurs historiques. Nous assistons à des situations de distorsion de concurrence absolument majeures. C'est la raison pour laquelle il est devenu nécessaire d'étendre le périmètre de la régulation, devenu obsolète.
J'attends beaucoup du projet de loi en préparation. Le CSA a formulé une vingtaine de propositions à la fin de l'année dernière dont je me ferai l'avocat si je suis nommé à sa tête.
Je pense, madame Laborde, qu'il faut aller vers plus de collaboration avec les autres régulateurs. Je pense à l'Arcep - les télécoms sont aujourd'hui des acteurs majeurs de l'audiovisuel, comme on l'a encore vu ce matin avec l'annonce du rachat de Molotov par Altice -, à Hadopi - cette institution, comme le CSA, se trouve sur le terrain des contenus, dans la lutte contre le piratage - et à l'Arjel.
Une collaboration renforcée face à des interlocuteurs de dimension internationale, très puissants est aujourd'hui indispensable. Comment doit-elle se faire ? Par le bas, c'est-à-dire par le développement d'échanges, de rencontres, entre services, ou par le haut, c'est-à-dire de manière plus institutionnelle, avec des rapprochements ou des fusions ?
Malgré mon lourd passé de technocrate, encore aggravé par des années passées à la Cour des comptes, je suis prudent sur les scénarios de rapprochement. Qui trop embrasse mal étreint.
Nous évoquions à l'instant la question des autorités administratives indépendantes. Imaginons ce que deviendrait un « Big Brother » de la régulation en termes de respect des libertés publiques.
Par ailleurs, si ces autorités ont des intersections de compétences évidentes, ce ne sont que des intersections. Chacune d'entre elles a des missions très spécifiques, très particulières : la régulation des télécoms, c'est un métier à part entière ; le CSA est sur un autre. De même pour la CNIL, que je n'ai pas évoquée, mais avec laquelle il existe aussi des intersections évidentes en matière de protection des données, notamment des fichiers d'abonnements à forte valeur ajoutée.
Si je devais aller absolument vers un rapprochement, qui relèverait de la seule compétence du Parlement, ce serait peut-être avec la Hadopi. Ces deux institutions sont sur le terrain connexe des contenus : l'une lutte contre le piratage et promeut l'offre légale dans toute la mesure du possible, l'autre s'assure que les conditions de financement de la création sont préservées. Encore faut-il bien évaluer les données juridiques et économiques d'un tel rapprochement.
Nous sommes entrés dans une période de campagne électorale : comment voyez-vous le contrôle du temps de parole des partis politiques ?
Jusqu'à présent, nous n'avons été forcément très convaincus de l'objectivité de ce décompte.
J'aimerais revenir sur la télévision numérique terrestre. On parle beaucoup aujourd'hui de technique - THD, 4K, HDR... Comment garantir une télévision de grande qualité ?
Je voudrais enfin évoquer l'avenir de France Télévisions. Quelle votre vision du périmètre des chaînes actuelles de France Télévisions et que pensez-vous du processus actuel de nomination du président de France Télévisions ?
le décompte du temps de parole est une mission importante du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui veille au respect du pluralisme et à la diversité des expressions, singulièrement en période électorale.
Il faut distinguer deux temps : avant et pendant la période électorale.
Avant - la question se pose d'ores et déjà avec le lancement du grand débat national -, le CSA appliquait jusqu'à récemment la règle dite des « trois tiers » : un tiers pour le bloc exécutif, un tiers pour le bloc majoritaire et un tiers pour le bloc de l'opposition.
Après les élections de 2017, le CSA, après avoir mené une concertation très élargie, a revu ses règles : hors période électorale, un tiers du temps est « réservé » au bloc exécutif - le Président de la République, les collaborateurs du Président de la République, le Premier ministre, les membres du Gouvernement...- et les deux tiers restants doivent être répartis en fonction de la représentativité des forces politiques à partir d'une série de critères précis - représentation parlementaire, poids dans le débat politique, sondages d'opinion...
Une obligation déclarative pèse sur les éditeurs conventionnés avec le CSA qui doivent transmettre chaque mois le décompte des temps de parole. Le CSA procède lui-même à une vérification et les éditeurs doivent ensuite procéder à un rééquilibrage des temps de parole. Cette appréciation se fait sur un trimestre.
Ainsi, le temps de parole du Président de la République dans le cadre du grand débat national est bien décompté et les éditeurs devront rééquilibrer les choses sur le trimestre.
En période électorale, environ six semaines avant le début de la campagne, le CSA émet une recommandation dans laquelle il fixe la règle du jeu. C'est le principe d'équité qui s'applique - et non celui d'égalité, lequel n'a cours que pour l'élection présidentielle, dont c'est l'une des spécificités - avec un juste équilibre entre les forces politiques en présence et les différentes listes.
J'ai déjà souligné l'importance de la TNT, vecteur d'accès gratuit et neutre à la télévision pour un grand nombre de nos concitoyens. On peut encore le moderniser en allant vers l'ultra haute définition.
Dans le même temps, certaines échéances déjà évoquées se rapprochent, le haut débit se déploie sur le territoire, même s'il est encore loin d'être présent partout... Je reste toutefois un avocat chaleureux de la TNT qu'il faut défendre.
Le CSA n'a pas de compétence en matière de gouvernance du service public. C'est à l'État, actionnaire de ces entreprises, qu'il revient de les organiser. Quant à la réforme en cours d'élaboration, on en connaît seulement les contours évoqués par le Premier ministre l'année dernière. Il est donc encore trop tôt pour porter une appréciation précise.
Il n'est toutefois pas interdit d'avoir un avis. Aujourd'hui que j'ai le privilège de l'âge, je suis frappé par cette singularité française : à chaque élection nationale est posée la question du mode de désignation des responsables de l'audiovisuel public. Il faudra tout de même finir par trouver un système pérenne, même s'il n'en existe probablement pas d'idéal.
Votre commission a déjà largement eu l'occasion de travailler sur ces questions. Aujourd'hui, la désignation des dirigeants de l'audiovisuel public incombe à une autorité indépendante dont le collège est constitué de personnalités venues d'horizons différents, nommées par des autorités différentes - Président de la République, président du Sénat et président de l'Assemblée nationale. Cette diversité est encore accentuée par le renouvellement périodique du collège.
Le choix de confier cette désignation à une autorité indépendante est lié à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui vise à préserver l'indépendance des entreprises concernées.
Dans ce système, on reproche souvent au régulateur d'être à la fois juge et partie, puisqu'il choisit les dirigeants dont il va ensuite contrôler l'action. Mais quelles sont les alternatives ?
Laisser l'exécutif nommer directement les dirigeants, comme dans d'autres entreprises publiques ? Ce système, abandonné voilà quelques années, susciterait immédiatement la défiance : on soupçonnerait une tentative de reprise en main du secteur audiovisuel par le nouveau pouvoir.
Aller vers le droit commun des sociétés et laisser le conseil d'administration des entreprises concernées choisir leurs dirigeants ? Cette approche, assez séduisante, pourrait être le signe d'une certaine maturité du secteur. Mais si les administrateurs sont désignés par l'État, on retombe dans le travers précédent...
Tout cela pour dire qu'il n'existe pas de solution optimale. C'est un choix qui revient à l'autorité politique et au législateur en particulier.
Votre commission a beaucoup travaillé sur ce sujet, a beaucoup contribué au débat, a beaucoup nourri la réflexion. D'ailleurs, si une réforme de l'audiovisuel public est sur la table, c'est en grande partie grâce à vos travaux et à ceux, ai-je la faiblesse de penser, de la Cour des comptes.
Nous verrons ce qu'il ressortira de la réforme à venir, mais je pense que nous nous dirigeons vers un concept de média global. On ne fait plus de radio sans image aujourd'hui. Cette collaboration de toutes les entreprises existe déjà : Radio France et France Télévisions ont mis en place une offre conjointe.
Les premières expérimentations vont également débuter sur la collaboration entre France 3 et France Bleu.
Je suis convaincu que ce mouvement de convergence s'inscrit dans l'histoire. Comme pour les régulateurs, la question se pose d'une convergence par le bas, projet par projet, comme vient de le faire France Info et comme vont le faire France 3 et France Bleu, ou par le haut, dans le cadre d'un rapprochement institutionnel.
La création d'une BBC à la française peut également être une option, une holding coordonnant l'ensemble des entreprises du secteur public - à moins d'imaginer un président commun et des directeurs généraux, entreprise par entreprise, ou de permettre à ces entreprises de conserver leur autonomie tout en organisant leur collaboration... On peut tout imaginer, mais, à un moment donné, il faudra qu'il y ait un pilote dans l'avion pour organiser cette convergence et en déterminer la gouvernance.
Encore une fois, il ne s'agit que d'une analyse personnelle. Ces choix relèvent du Gouvernement et du Parlement.
Vous êtes un homme de culture, ouvert sur l'Europe et sur la francophonie.
Le CSA a été créé en 1989, aux prémices de la révolution numérique. Pourtant, ses fonctions de régulateur de l'audiovisuel se limitent encore officiellement à la télévision et à la radio. Or l'essentiel de l'information est aujourd'hui véhiculé par le web et par les plateformes numériques qui concentrent désormais un pouvoir sans commune mesure sur la diffusion des contenus.
La semaine dernière, le Sénat a adopté une proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse. Il s'agit de les protéger du pillage de leur contenu par les GAFA.
Êtes-vous favorable à ce que le CSA dispose d'une vraie compétence en matière de droits d'auteur et de droits voisins pour l'audiovisuel ?
À plusieurs reprises, vous avez justement qualifié le CSA de régulateur. Toutefois, à vous entendre, cette fonction de régulation est de moins en moins bien encadrée par l'État. Et aujourd'hui, très naturellement, le CSA assure également des missions de contrôle des politiques publiques, mission que la Constitution confie au seul législateur.
Dès lors, comment travailler en bonne intelligence pour renforcer mutuellement nos capacités de contrôle de l'audiovisuel ? Nous gagnerions à utiliser davantage vos expertises et vos données et peut-être pourriez-vous renforcer encore votre indépendance grâce aux meilleures relations que vous entretiendriez avec le Sénat...
À l'heure où les technocrates sont montrés du doigt, le musicien que je suis est très heureux de vous voir accéder à cette responsabilité.
Le maintien d'une filière culturelle nationale demande non seulement beaucoup d'argent public - nous savons combien il peut être difficile d'accorder les actes aux ambitions -, mais aussi des financements privés.
À cet égard, les groupes français apparaissent très fragiles par rapport à leurs concurrents européens. Ils se plaignent souvent des réglementations sur la concurrence, sur la production indépendante, sur la publicité, sur les différenciations et sur la diffusion des films.
Seriez-vous favorable, dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel, à une remise à plat de l'ensemble de ces règles pour bien distinguer celles qui sont nécessaires de celles qui sont beaucoup trop contraignantes ? Pensez-vous que le CSA peut jouer un rôle dans le rapprochement des différents acteurs concernés ?
Je vais rester dans mon rôle de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes pour vous poser quelques questions simples : quelle politique, comptez-vous mettre en place pour l'égalité, grande cause du quinquennat du président Macron ?
La délégation avait auditionné, avec la commission de la culture, Sylvie Pierre-Brossolette, alors membre du CSA sur son rapport sur la représentation des femmes à la télévision et à la radio. Elle avait mis en place un certain nombre de bonnes pratiques et nous avions pu tirer un premier bilan. Imaginez-vous poursuivre et amplifier ces mesures et cette politique en faveur de l'égalité, à la fois dans les missions du CSA et en termes de gestion des ressources humaines ?
Comme vous l'avez souligné, le périmètre et les modalités de la régulation vont beaucoup évoluer. Vous avez également évoqué un éventuel rapprochement avec la Hadopi.
Toutes ces modifications vont induire une évolution des métiers, des compétences... Comment envisagez-vous ce tournant ? Il ne s'agit pas forcément de dépenser plus d'argent public, mais de le dépenser autrement.
Je pense que le CSA doit également mener une révolution numérique et s'adapter aux nouveaux traitements de l'information. Comment comptez-vous procéder ?
Mme Laborde m'a « pris » ma question sur la fusion entre CSA et la Hadopi, véritable serpent de mer.
Aurez-vous les moyens de vous assurer de la retransmission des épreuves des Jeux paralympiques de 2024 à des heures de grande écoute, c'est-à-dire pas à trois heures du matin ? Cette question nous tient vraiment à coeur.
Dans le cadre de la future réforme de l'audiovisuel public, la suppression de France Ô et de France 4 a été annoncée.
Nous menons actuellement une réflexion sur le coût de la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public qui pose la question des indicateurs, voire même des quotas, et des pouvoirs de contrôle et de sanction. Il s'agit d'un chantier sensible et symbolique sur lequel j'aimerais connaître votre avis.
Mme Laborde a déjà posé « ma » question, mais vous n'y avez pas encore répondu...
Vous avez évoqué la protection des jeunes publics. Quelle est votre ambition en matière d'éducation à l'image et aux écrans, notamment au regard de la proposition de loi de la présidente Morin-Desailly, que le Sénat a adoptée ?
Je souhaiterais connaître votre position sur l'interdiction faite aux chaînes de télévision de diffuser des films un certain nombre de soirs de la semaine.
Cette mesure, qui visait à protéger les salles de cinéma, a-t-elle encore un sens aujourd'hui quand les plateformes de streaming comme Netflix permettent de regarder autant de films que l'on souhaite chaque soir ? Comment les chaînes de télévision peuvent-elles lutter contre une telle concurrence ?
J'ai été interrogé sur la proposition de loi relative à la création d'un droit voisin. Nous verrons ce qu'il adviendra de la directive Droits d'auteur, mais je pense qu'elle constitue un progrès important dans notre paysage.
Vous avez bien compris que j'avais un tropisme culturel. Or quand on s'intéresse aux questions liées à la culture, on est un adepte de la protection des droits d'auteur à la française. J'ai participé, à plusieurs reprises, à des combats importants dans ce domaine. La directive Droits d'auteur me semble pouvoir marquer une étape importante. Il s'agit d'un texte complexe qui rejoint en partie la directive sur le commerce électronique que vous connaissez bien, madame la présidente.
Je compte m'investir sur ce sujet, notamment en étant très présent au sein du réseau des régulateurs européens pour défendre les intérêts de la France et ceux de nos créateurs.
Je pense avoir déjà répondu aux différentes interrogations sur la capacité de contrôle du CSA et sur le dialogue que j'entends développer entre le Conseil et le Sénat.
Je l'ai dit d'emblée dans mon propos introductif : nous avons besoin de nourrir nos échanges respectifs, singulièrement dans cette période de mutation que nous allons traverser. Je serai à votre disposition pour participer à ces échanges. Je crois savoir que vous organisez prochainement un débat avec la Hadopi sur le piratage ; si je devais être nommé à la tête du CSA et si vous m'invitiez, je serais ravi d'y participer.
Vous m'avez également interrogé sur les obligations qui pèsent sur le secteur privé et sur l'ampleur de la réforme à mener. Faut-il faire une réforme globale ?
Pardonnez cette lapalissade, mais la loi de 1986 remonte à 1986, même si elle a été modifiée à plusieurs reprises. Nous avons d'autant plus l'occasion de rebattre les cartes que l'arrivée de nouveaux entrants de la sphère numérique crée des situations de concurrence qui percutent directement nos mécanismes de financement de la création : nos acteurs historiques, soumis à des obligations particulières, notamment en matière fiscale, sont concurrencés par des acteurs qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations ni au même régime fiscal.
Il s'agit de sujets éminemment compliqués et sensibles, raison pour laquelle je crois nécessaire d'embrasser ces questions dans leur globalité pour pouvoir avancer et combattre efficacement ces distorsions.
En ce qui concerne la place des femmes dans l'audiovisuel, le législateur a confié des missions particulières au CSA. C'est un sujet auquel j'attache beaucoup d'importance. Je veux d'ailleurs saluer l'action de Sylvie Pierre-Brossolette.
Parmi les missions du président du CSA figure l'organisation du collège et la répartition des groupes de travail entre ces mêmes membres. Je serai très attentif à ce que cette question soit suivie activement.
J'ai découvert avec satisfaction le dernier baromètre du CSA sur ce sujet : les chiffres sont encourageants, les choses ont commencé à bouger. Les femmes sont aujourd'hui présentes dans l'ensemble de l'offre - information, fiction... -, même s'il existe encore des marges de progression.
Par contre, les choses ont beaucoup moins progressé sur le terrain de la juste représentation de l'ensemble des composantes de la société. Je me souviens très bien - pardonnez-moi d'évoquer ainsi mes souvenirs d'ancien combattant - d'une réunion à la présidence de la République, en présence de tous les acteurs publics et privés de l'audiovisuel. Il s'agissait de la première réunion de ce genre, au début des années 2000. Il s'agissait déjà d'évoquer la question de la juste représentation de la diversité. Quand je regarde le dernier baromètre, je reste effaré du chemin qu'il reste à parcourir. Il s'agit pourtant d'une question de cohésion sociale absolument majeure. Nous devons être actifs sur ce terrain-là.
La question de la représentation des outre-mer rejoint ce que nous disions des contrats d'objectifs et de moyens très ambitieux, mais qui ne sont jamais tenus. Avec l'arrêt de France Ô, nous sommes dans l'obligation de rebattre entièrement les cartes.
L'outre-mer doit être présent dans l'ensemble des compartiments de l'offre du service public, de la météo à l'information, de la fiction au documentaire, et pas seulement quand une catastrophe naturelle se produit ici ou là. Il s'agit également d'un enjeu majeur de juste représentation de nos compatriotes sur le service public audiovisuel.
Une telle volonté suppose évidemment de disposer d'indicateurs précis de suivi. Nous serons attentifs à leur mise en place dans le cadre de la réforme à venir.
Vous avez évoqué, madame Darcos, la retransmission de Jeux paralympiques. J'entends votre juste préoccupation. J'aurai également l'occasion d'évoquer - si je devais prendre la tête du CSA - cette question avec la présidente de France Télévisions.
La question de la représentation du handicap se pose au même titre que celle de la diversité de la société française.
La suppression de France 4 et de France Ô me permet d'évoquer plusieurs enjeux. D'abord, celui de filières de soutien aux programmes jeunesse pour lesquels nous disposons d'un savoir-faire particulier en France, reconnu. Il faut prendre garde de ne pas nuire à la capacité à l'exportation de cette filière. Il s'agit d'un enjeu culturel au sens plein du terme : comment le service public aborde-t-il la question de la jeunesse ?
À cet égard, madame la présidente, je n'aurai pas besoin de souligner l'importance de la protection de la petite enfance. Le hasard des circonstances fait que je dois rencontrer le ministre de l'éducation nationale la semaine prochaine, quel que soit le sort qui me soit réservé à l'issue de cette audition. Je ne manquerai de discuter avec lui de cette question d'éducation à l'image, si ma candidature était confirmée. Mon dernier fils est certes un adolescent de quinze ans, mais je vois bien quelle problématique soulève la gestion des écrans, à l'instar de tous les parents.
Il me semble toutefois nécessaire de distinguer petite enfance et jeunesse. Le traitement n'est pas le même et les vecteurs utilisés diffèrent également. Les adolescents ont plus recours aux plateformes numériques, notamment pour la musique, quand la diffusion hertzienne est encore privilégiée par les plus jeunes. Il s'agit en effet d'un accès beaucoup plus sûr à l'image.
Mme Vérien évoquait les moyens humains. Sa question rejoint celle de Mme Laborde sur la collaboration avec les autres régulateurs. Dans certains domaines, la ressource humaine est rare, notamment sur ces sujets assez pointus en termes de technologie.
Chacune de ces autorités a ses propres spécialités : le CSA sur les gestions de fréquences, par exemple. L'Arcep a également un vrai savoir-faire technique. La piste de la mutualisation des forces entre régulateurs est intéressante, à l'image de ce qui se fait déjà pour les directions ministérielles mises à disposition d'un autre ministre que celui dont elles relèvent. C'est une réponse de magistrat de la Cour des comptes... Peut-être serai-je tout de même amené à demander un renforcement de mes ressources.
Nous vous remercions d'avoir répondu à l'ensemble de nos questions, monsieur le rapporteur général. Je vais maintenant vous raccompagner à l'extérieur, le temps que les membres de la commission procèdent au vote.
Je tiens à vous remercier pour l'intensité de ces questions. Je sais combien votre commission est active sur ces sujets. Je forme le voeu que nos échanges se poursuivent dans le futur.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La commission procède au vote sur la proposition de nomination de M. Roch-Olivier Maistre Besse par le Président de la République aux fonctions de président du Conseil supérieur de l'audiovisuel en application des dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Nous allons à présent procéder au vote sur la candidature de M. Maistre. Nous allons tout d'abord désigner nos deux scrutateurs. J'appelle nos deux collègues, Françoise Laborde et Jean-Raymond Hugonet.
Il est procédé au scrutin par vote à bulletin secret et au dépouillement.
Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin :
- nombre de votants : 27
- votes blancs ou nuls : 1
- nombre de suffrages exprimés : 26
- pour : 26
- contre : 0
La réunion est close à 12 h 45.