Intervention de Roch-Olivier Maistre

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 30 janvier 2019 à 11h00
Audition de M. Roch-Olivier Maistre candidat désigné par le président de la république aux fonctions de président du conseil supérieur de l'audiovisuel

Roch-Olivier Maistre, candidat désigné par le Président de la République aux fonctions de président du Conseil supérieur de l'audiovisuel :

le décompte du temps de parole est une mission importante du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui veille au respect du pluralisme et à la diversité des expressions, singulièrement en période électorale.

Il faut distinguer deux temps : avant et pendant la période électorale.

Avant - la question se pose d'ores et déjà avec le lancement du grand débat national -, le CSA appliquait jusqu'à récemment la règle dite des « trois tiers » : un tiers pour le bloc exécutif, un tiers pour le bloc majoritaire et un tiers pour le bloc de l'opposition.

Après les élections de 2017, le CSA, après avoir mené une concertation très élargie, a revu ses règles : hors période électorale, un tiers du temps est « réservé » au bloc exécutif - le Président de la République, les collaborateurs du Président de la République, le Premier ministre, les membres du Gouvernement...- et les deux tiers restants doivent être répartis en fonction de la représentativité des forces politiques à partir d'une série de critères précis - représentation parlementaire, poids dans le débat politique, sondages d'opinion...

Une obligation déclarative pèse sur les éditeurs conventionnés avec le CSA qui doivent transmettre chaque mois le décompte des temps de parole. Le CSA procède lui-même à une vérification et les éditeurs doivent ensuite procéder à un rééquilibrage des temps de parole. Cette appréciation se fait sur un trimestre.

Ainsi, le temps de parole du Président de la République dans le cadre du grand débat national est bien décompté et les éditeurs devront rééquilibrer les choses sur le trimestre.

En période électorale, environ six semaines avant le début de la campagne, le CSA émet une recommandation dans laquelle il fixe la règle du jeu. C'est le principe d'équité qui s'applique - et non celui d'égalité, lequel n'a cours que pour l'élection présidentielle, dont c'est l'une des spécificités - avec un juste équilibre entre les forces politiques en présence et les différentes listes.

J'ai déjà souligné l'importance de la TNT, vecteur d'accès gratuit et neutre à la télévision pour un grand nombre de nos concitoyens. On peut encore le moderniser en allant vers l'ultra haute définition.

Dans le même temps, certaines échéances déjà évoquées se rapprochent, le haut débit se déploie sur le territoire, même s'il est encore loin d'être présent partout... Je reste toutefois un avocat chaleureux de la TNT qu'il faut défendre.

Le CSA n'a pas de compétence en matière de gouvernance du service public. C'est à l'État, actionnaire de ces entreprises, qu'il revient de les organiser. Quant à la réforme en cours d'élaboration, on en connaît seulement les contours évoqués par le Premier ministre l'année dernière. Il est donc encore trop tôt pour porter une appréciation précise.

Il n'est toutefois pas interdit d'avoir un avis. Aujourd'hui que j'ai le privilège de l'âge, je suis frappé par cette singularité française : à chaque élection nationale est posée la question du mode de désignation des responsables de l'audiovisuel public. Il faudra tout de même finir par trouver un système pérenne, même s'il n'en existe probablement pas d'idéal.

Votre commission a déjà largement eu l'occasion de travailler sur ces questions. Aujourd'hui, la désignation des dirigeants de l'audiovisuel public incombe à une autorité indépendante dont le collège est constitué de personnalités venues d'horizons différents, nommées par des autorités différentes - Président de la République, président du Sénat et président de l'Assemblée nationale. Cette diversité est encore accentuée par le renouvellement périodique du collège.

Le choix de confier cette désignation à une autorité indépendante est lié à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui vise à préserver l'indépendance des entreprises concernées.

Dans ce système, on reproche souvent au régulateur d'être à la fois juge et partie, puisqu'il choisit les dirigeants dont il va ensuite contrôler l'action. Mais quelles sont les alternatives ?

Laisser l'exécutif nommer directement les dirigeants, comme dans d'autres entreprises publiques ? Ce système, abandonné voilà quelques années, susciterait immédiatement la défiance : on soupçonnerait une tentative de reprise en main du secteur audiovisuel par le nouveau pouvoir.

Aller vers le droit commun des sociétés et laisser le conseil d'administration des entreprises concernées choisir leurs dirigeants ? Cette approche, assez séduisante, pourrait être le signe d'une certaine maturité du secteur. Mais si les administrateurs sont désignés par l'État, on retombe dans le travers précédent...

Tout cela pour dire qu'il n'existe pas de solution optimale. C'est un choix qui revient à l'autorité politique et au législateur en particulier.

Votre commission a beaucoup travaillé sur ce sujet, a beaucoup contribué au débat, a beaucoup nourri la réflexion. D'ailleurs, si une réforme de l'audiovisuel public est sur la table, c'est en grande partie grâce à vos travaux et à ceux, ai-je la faiblesse de penser, de la Cour des comptes.

Nous verrons ce qu'il ressortira de la réforme à venir, mais je pense que nous nous dirigeons vers un concept de média global. On ne fait plus de radio sans image aujourd'hui. Cette collaboration de toutes les entreprises existe déjà : Radio France et France Télévisions ont mis en place une offre conjointe.

Les premières expérimentations vont également débuter sur la collaboration entre France 3 et France Bleu.

Je suis convaincu que ce mouvement de convergence s'inscrit dans l'histoire. Comme pour les régulateurs, la question se pose d'une convergence par le bas, projet par projet, comme vient de le faire France Info et comme vont le faire France 3 et France Bleu, ou par le haut, dans le cadre d'un rapprochement institutionnel.

La création d'une BBC à la française peut également être une option, une holding coordonnant l'ensemble des entreprises du secteur public - à moins d'imaginer un président commun et des directeurs généraux, entreprise par entreprise, ou de permettre à ces entreprises de conserver leur autonomie tout en organisant leur collaboration... On peut tout imaginer, mais, à un moment donné, il faudra qu'il y ait un pilote dans l'avion pour organiser cette convergence et en déterminer la gouvernance.

Encore une fois, il ne s'agit que d'une analyse personnelle. Ces choix relèvent du Gouvernement et du Parlement.

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