Avec les experts des cours d'appel, nous cherchons à rapprocher le justiciable de l'expert. L'idée d'audiences foraines est aussi envisageable. D'ailleurs, les juges d'instruction se déplacent pour rencontrer les parties civiles, notamment à Nice ou à Carcassonne.
La convention signée avec Pôle emploi est très importante parce que, dans le parcours de reconstruction des victimes, le retour vers l'emploi ou vers la formation professionnelle est essentiel. Nous avons initié un cycle de tables rondes sur les dispositifs en matière d'emploi, qui a été très suivie par les associations de victimes et d'aide aux victimes. La convention signée il y a un an avec Pôle emploi prévoit, dans tous les départements, des référents territoriaux formés à l'aide aux victimes. Le réseau France victimes, qui est composé de 130 associations sur tout le territoire, contribue à la formation de ces délégués territoriaux. Nous avons fait un premier bilan après un an, et une victime était présente pour témoigner : 111 victimes ont bénéficié de ce dispositif. Lorsque je me rends à Nice, au comité local d'aide aux victimes, je peux mesurer à quel point ce dispositif est utile et important. Il doit encore prendre son essor, bien évidemment, mais il est indispensable pour jouer la carte du retour à l'emploi, à la formation et à la reconversion professionnelle des victimes des attentats.
Au niveau européen, j'ai participé lundi à Bruxelles à un comité restreint, qui a été mis en place à la demande du président de la Commission européenne et confié à Joëlle Milquet, qui est sa conseillère spéciale sur les victimes, avec l'idée de mieux harmoniser l'indemnisation des victimes au sein de l'Union européenne. Il existe en effet des différences extrêmes, puisqu'on va d'une indemnisation de quelques euros à des montants beaucoup plus généreux comme ceux que l'on connaît en France. Le souhait, ambitieux, de ce comité restreint, est de proposer à la nouvelle Commission une stratégie pour l'aide aux victimes d'attentats, mais pas seulement. Si le volet répressif de la coordination des politiques au sein de l'Union européenne en matière de lutte contre le terrorisme a été largement développé, il faut désormais faire de même pour les victimes. Nous envisageons plusieurs pistes : un coordinateur désigné pour l'aide aux victimes, avec un partage d'expériences qui bénéficie à l'ensemble des États de l'Union. Par exemple, l'Allemagne envisage de créer elle aussi une délégation interministérielle à l'aide aux victimes.
L'un des axes de la reconstruction et du parcours de résilience des victimes est d'être pris en charge sur le plan psychiatrique et psychologique d'une manière efficace. Nous avons donc souhaité la création d'un centre national de ressources et de résilience, qui sera focalisé sur la prise en charge du stress post-traumatique. Ce projet, porté par Mme Rudetzki, a déjà conduit à sélectionner le centre hospitalier universitaire de Lille et l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (nord). Le centre national aura trois objectifs. D'abord, rassembler la recherche en matière de stress post-traumatique. Des travaux ont été initiés à la suite des attentats de novembre 2015 et de juillet 2016, notamment sur la prise en charge des enfants. Le centre collectera la recherche et formera le corps médical au sens large, y compris les psychologues, sur la détection du stress post-traumatique. Il proposera aussi, en lien avec la Haute autorité de santé, un certain nombre d'offres de soins. Il s'appuiera sur dix unités de consultation qui ont été créés parallèlement - et l'une est à Strasbourg, justement. Le dispositif actuel prévoit une prise en charge pendant deux ans dans les dix ans qui suivent l'attentat. De fait, beaucoup de victimes ne vont pas immédiatement consulter un psychologue. Elles mettent du temps, mais il faut leur donner la possibilité de le faire pendant une durée significative. Pendant cette durée, les consultations chez le psychologue sont prises en charge à hauteur de 50 euros.
Le préjudice exceptionnel spécifique des victimes du terrorisme, c'est un préjudice qui répare une atteinte qui est faite à l'individu, alors que c'est la nation qui est visée. C'est un préjudice symbolique très important, sur lequel il faut que la position de l'État soit claire et qui doit être pris en charge et indemnisé, comme il l'a été depuis de nombreuses années.