Vous avez évoqué un refus par le FGTI d'indemniser les nouveaux préjudices d'angoisse, d'attente et d'inquiétude. Il n'est pas question pour celui-ci de ne pas les indemniser puisqu'ils font partie des éléments qui sont reconnus comme relevant du préjudice indemnisable. Le débat est entre prise en charge par le FGTI ou par l'État.
Vous nous avez interrogés sur les délais. Tout le monde salue la réactivité du FGTI, qui envoie des équipes sur place et se charge des situations très difficiles dans lesquelles peuvent se trouver des victimes ou des proches de victimes. Le fonds verse des provisions, qui ne correspondent pas à l'indemnisation définitive, et qui peuvent être versées en plusieurs fois.
Nous avons pris en août des engagements qui vont au-delà de ce que prescrit la loi : le FGTI s'engage à verser 80 % du montant de son offre lorsqu'on en est au stade, après instruction, de l'offre définitive d'indemnisation, sans savoir si la victime va accepter, ou non, cette offre. Celle-ci, en effet, est libre d'accepter l'offre et de conclure une transaction, ou de la refuser et de saisir un juge. En attendant qu'elle décide, le fonds lui verse 80 % de son offre, ce qui évite les situations de dénuement et exonère le FGTI du grief de faire pression par des moyens économiques sur les victimes.
Pendant la durée de l'instruction des dossiers, nous avons des dispositifs successifs d'accompagnement financier. Cette instruction peut être compliquée pour plusieurs raisons. D'abord, plus une victime est gravement atteinte, plus son état met du temps à être consolidé au sens médico-légal, c'est-à-dire à ne plus apparaître susceptible d'amélioration, ni d'aggravation. Il faut parfois, pour en arriver là, de multiples interventions chirurgicales. C'est alors seulement qu'on peut mesurer le préjudice, ce qui est indispensable pour l'indemniser.
Le préjudice économique est aussi un sujet complexe. Il n'est pas simple d'apprécier l'indemnisation qui peut en être faite, ni la situation financière exacte qu'il s'agit de compenser. Sur ce point, nous sommes très dépendants des justificatifs, que nous sommes bien obligés de demander à la victime ou à ses ayants-droit.
Du reste, il est aussi arrivé au FGTI de se heurter à des réactions négatives quand il faisait les choses trop vite avec des victimes, qui lui disaient ne pas en être à ce stade, que ce n'était pas le moment.
Enfin, lorsque le FGTI a fait son offre d'indemnisation, il n'y a pas de délai pour l'accepter. Du coup, il se passe parfois beaucoup de temps avant qu'une victime prenne position, ce qui ne laisse pas d'être préoccupant pour notre situation financière ! Et si la victime ne répond pas, aucun texte ne permet à l'heure actuelle de mettre un terme à cette situation, qui peut durer des années. Nous avons de plus en plus d'offres d'indemnisation définitives qui restent en suspens, avec des victimes qui tardent à prendre position ; c'est une préoccupation pour le fonds de garantie. Je ne dis pas cela pour critiquer les victimes : il est parfaitement légitime qu'avant d'accepter une offre elles s'entourent de tous les conseils nécessaires et prennent le temps de la réflexion.
Pour nous, l'important est de mettre en oeuvre un accompagnement suffisant pour ne pas laisser une victime sans réponse.
Le FGTI n'est pas un organisme relevant de la fonction publique, avec des ETPT alloués. Face au terrorisme de masse que nous connaissons depuis 2015, il s'est donné les moyens d'embaucher le nombre de personnes nécessaires et, par conséquent, nous n'avons pas de pénurie de moyens - et il nous incombe de ne pas en avoir !
À partir du moment où la compétence du parquet est nationale, il me paraît logique qu'un juge soit implanté au même lieu, ne serait-ce que pour des raisons d'accès au dossier et de connaissance des mécanismes. C'est une question d'efficacité.
Sur la trajectoire, je voudrais vous rassurer. Le terrorisme ne représente à l'heure actuelle que 12 % des dépenses du FGTI. Ce qui met en péril son équilibre financier à long terme, ce n'est pas spécifiquement le terrorisme, c'est l'augmentation du coût moyen d'indemnisation dans tous les dossiers de préjudices corporels, notamment lourds, qu'il s'agisse de terrorisme ou d'infractions de droit commun. Nos projections montrent que, même si nous n'avions aucun attentat terroriste important, notre trajectoire deviendrait déficitaire en dix ans.
Lors de l'attentat de Nice, dans un lieu ouvert, beaucoup de personnes ont déclaré souffrir de séquelles psychiques. Comment les examiner toutes ? La disponibilité des médecins locaux arrivait assez vite à saturation. Aussi le FGTI a-t-il mis en place un dispositif assez lourd, mais efficace, qui a consisté à envoyer des médecins à Nice pendant des journées entières pour procéder à des auditions. Reste la question de savoir où commence et s'arrête le traumatisme. La loi dit que la mission du FGTI est de réparer les dommages résultant d'atteintes à la personne lors d'assassinats ou de tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste. Cela impose que l'on soit dans une proximité importante ; le lien de causalité avec l'infraction doit exister. Au fond, nous avons tous été très émus par les attentats terroristes. Où s'arrête le lien de causalité avec l'infraction ? Jusqu'où la vulnérabilité pathologique d'une personne peut-elle l'amener à faire état de problèmes psychiatriques méritant d'être pris en compte ? Où s'arrête la mission du FGTI ?