Sur notre modèle financier, la question est de choisir entre répartition ou capitalisation. Faut-il couvrir les engagements ? Le droit actuel prévoit que le FGTI doit calculer ses engagements et donc ses provisions techniques, ce qu'il fait, mais il n'impose pas, heureusement, de les couvrir intégralement. C'est, au fond, une question politique : souhaitons-nous reporter sur les générations futures le coût de l'indemnisation des victimes actuelles ? La réponse a des conséquences opérationnelles : dans un modèle dit de capitalisation, on a des actifs en face des engagements. Ces actifs, placés, procurent un rendement. Comme les passifs du FGTI sont sur du temps long - en moyenne douze ans - cela permet, en principe, d'aller chercher des rendements importants, et de soulager d'autant le contribuable.
Le principal déterminant de notre trajectoire est le coût moyen de chaque indemnisation. La contribution est actuellement fixe et forfaitaire et repose sur les contrats d'assurance de dommages aux biens. Il y a des débats sur la manière d'optimiser cette assiette, et on peut imaginer une contribution plus proportionnelle. J'avais moi-même fait observer il y a quelques temps que la loi ne nous donne aucun moyen pour contrôler et sanctionner d'éventuels manquements dans le versement de cette contribution. Je n'ai pas de soupçons, mais le système mériterait d'être clarifié. Nous avons des discussions sur ce point avec le ministère de l'économie.
La question de la fraude est un point de très grande vigilance pour le FGTI. La mobilisation de nos équipes a permis de détecter avant tout paiement la majorité des fraudes, sauf quatre cas, mais les fraudeurs en question figuraient sur la liste unique des victimes établie par le parquet.
Dans cette lutte, le FGTI est soumis à deux injonctions contradictoires. D'un côté, la bienveillance à l'égard des victimes, indispensable, implique d'alléger au maximum les formalités et les demandes de justificatifs ; de l'autre, nous devons faire preuve de vigilance puisqu'on sait qu'il peut exister des fraudes.
De plus, la réduction du champ de la liste unique des victimes expose davantage le FGTI à la difficulté, non seulement pour lui-même, mais pour les autres dispositifs publics qui bénéficient aux victimes de terrorisme. Nous recensons à ce jour seize fausses victimes identifiées, qui ont donné lieu à dix-huit condamnations - car deux d'entre elles avaient fraudé à la fois aux attentats du 13 novembre et à celui de Nice. Sur un total d'environ 6 000 victimes traitées, c'est assez peu. Comment renforcer la lutte contre la fraude ? La formation et l'expérience des collaborateurs sont notre meilleure arme, et nous avons d'excellentes relations avec le parquet, qui est mieux outillé en termes d'investigation. Le Gouvernement a pour intention de donner au FGTI accès à la procédure pénale pour mener les vérifications qui s'imposent.
Les associations d'aide aux victimes et les associations de victimes sont évidemment des partenaires-clés, avec lesquels nous entretenons des relations denses, à travers des rencontres régulières. Elles nous alertent sur des difficultés rencontrées par les victimes, ce qui est extrêmement précieux pour nous. C'est aussi avec elles que nous essayons de construire un certain nombre de projets, comme par exemple le guide de l'indemnisation des victimes, qui contient le référentiel d'indemnisation, ou l'expérimentation sur le retour à l'emploi des victimes.