Nous sommes, vous le savez, fortement opposés au recours à la procédure d’habilitation à légiférer par ordonnances. C’est une atteinte aux droits du législateur que nous sommes et, finalement, à la démocratie.
Nous avons ici un excellent exemple de dispositif qui devrait faire l’objet d’un projet de loi spécifique. Notre collègue Fabien Gay est resté, à cet égard, en deçà de la réalité lors de son intervention en discussion générale : ce sont non pas dix projets de loi qui sont contenus dans le texte qui nous est soumis, mais bien davantage, si l’on prend en compte les ordonnances prévues par certains articles.
En l’espèce, les mesures qu’il s’agit d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances sont déclinées en vingt-huit alinéas. Elles concernent les conditions de participation des salariés à la gestion des fonds d’épargne retraite, les conditions de constitution de l’épargne, ses règles de prise en compte au titre de l’impôt sur le revenu, l’adoption de dispositifs éventuels de revalorisation… Cette énumération est loin d’être exhaustive !
Tout se passe un peu comme si le plus urgent, en matière de réforme du système de retraites, était de régler les modalités de constitution de dispositifs cohérents de retraite par capitalisation, avant même de modifier quoi que ce soit au système de retraite par répartition.
Dans cette perspective, on continue à mentir au grand public sur les « injustices » qui découleraient de la spécificité de certains régimes au regard du régime général. De fait, le champ de la réforme se trouverait réduit, et la fameuse « réforme systémique » lestée dès l’origine par la sophistication des dispositifs d’épargne retraite.
Notons d’ailleurs tout de suite que l’affaire de la retraite par capitalisation concerne autant, au travers de cet article, les 150 euros mensuels des plans d’épargne « Fillon » que les plans à prestations définies et pouvoir d’achat garanti, appelés « retraites chapeau » en français grand public.
Nous refusons évidemment cette dichotomie savamment organisée dans le débat sur les retraites et nous ne pouvons qu’appeler le Sénat à se saisir de la question, en rejetant cette demande d’habilitation à légiférer par ordonnances.