Madame Lavarde, je propose que nous retravaillions ensemble sur la concurrence entre les produits d’assurance vie. En revanche, la portabilité et la transférabilité des contrats d’assurance vie, telles que vous les proposez dans cet amendement, me paraissent source de risques excessifs à la fois pour l’économie française, pour les assureurs eux-mêmes et pour la fiscalité associée à l’assurance vie.
Que se passera-t-il si l’on garantit la transférabilité totale des contrats d’assurance vie, comme vous le proposez ? Très concrètement, l’épargnant qui détient un contrat d’assurance vie pourra immédiatement changer, s’il trouve mieux ailleurs. Par conséquent, le nombre de contrats d’assurance vie investis le plus possible en actions décroîtra fortement. L’assureur ne pourra pas investir en actions, qui est un placement de long terme, à partir du moment où il sait que l’assuré peut changer de contrats d’assurance vie quand bon lui semble.
Il y a donc une véritable contradiction entre le financement en actions à long terme de notre économie par l’assurance vie et la transférabilité, qui signifie le zapping permanent de ces contrats.
Je me contenterai de donner un chiffre : 1 % de contrats en actions en moins dans l’assurance vie représenterait 14 milliards d’euros en moins pour le financement des entreprises. Il nous faut donc faire un choix entre le développement du financement en actions de notre économie, le développement des produits en actions de l’assurance vie et la transférabilité des contrats, qui provoquerait un va-et-vient permanent de la part des assurés.
Nous faisons le choix du financement en actions stable et durable pour notre économie. La preuve en est d’ailleurs que je me bats à Bruxelles pour que la règle Solvabilité II soit modifiée, ce qui est un point capital pour les assureurs. Je me suis engagé à obtenir des résultats, car, aujourd’hui, le ratio de fonds propres que l’on demande aux assureurs pour avoir des placements en actions me semble tout à fait excessif par rapport au risque que cela représente.
La première raison, c’est donc le zapping des assurés, qui fera baisser la part en actions de l’assurance.
La deuxième raison, c’est que cela fait peser un risque sur les assureurs eux-mêmes. Je vais essayer d’être le plus concret possible. Imaginons un épargnant qui a décidé de placer son argent sur des produits d’assurance vie, avec un taux obligataire à 1 % ou 1, 2 %. Que se passera-t-il si les taux remontent ? Il suffit qu’un nouvel assureur profite de cette remontée et propose des taux plus élevés pour qu’immédiatement l’assuré change de boutique et aille là où le taux est le plus élevé.
Par conséquent, cette mesure fragilisera les assureurs eux-mêmes, la moindre remontée des taux provoquant la fuite des contrats d’un assureur vers un autre : l’ancien assureur verra son stock se déprécier, tandis que le nouveau attirera à lui de nouveaux assurés.
La troisième raison est de principe. La fiscalité des contrats d’assurance vie, à laquelle je n’ai aucune intention de toucher, est extraordinairement favorable. Pourquoi ? Une fiscalité favorable a toujours pour objet de servir l’intérêt général et on fait très attention à ce que l’avantage fiscal – vous veillez attentivement sur ce point, et à juste titre, mesdames, messieurs les sénateurs – corresponde à l’intérêt général.
L’avantage fiscal accordé à l’assurance vie a pour finalité le financement de l’économie. Il vise à garantir un bon financement stable et de long terme de l’économie. Si l’on garantit la même fiscalité attractive, tout en permettant à l’assuré de changer de contrat tous les quatre matins, en fonction du niveau des taux et en fonction de son intérêt, on s’expose à un vrai problème de principe quant à l’avantage fiscal qui est accordé.
Pour les trois raisons que je viens d’exposer, je vous propose de retirer cet amendement, madame la sénatrice. En revanche, vous mettez le doigt sur un sujet très juste : aujourd’hui, il n’y a pas assez de concurrence entre les assureurs et entre les différents produits pour permettre plus de transparence, plus de défense des intérêts des assurés et des épargnants eux-mêmes. Je suis prêt à travailler sur ces questions, mais il me semble que, en proposant la transférabilité totale, nous prenons des risques excessifs.