En réponse à votre rappel au règlement, monsieur Gay, et pour éclairer tous nos collègues, je souhaite préciser que l’article 48 du règlement du Sénat confie à la commission saisie au fond d’un texte la mission de se prononcer sur la recevabilité des amendements au titre de l’article 45 de la Constitution.
Sont seuls recevables les amendements qui s’appliquent effectivement au texte qu’ils visent ou, en première lecture, ceux qui présentent un lien, même indirect, avec le texte en discussion. Ce contrôle de recevabilité qui nous incombe concerne autant les amendements des sénateurs que ceux du Gouvernement.
Conformément à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, et selon une demande faite par le Conseil au Sénat en 2005, le lien avec le texte s’apprécie par rapport au contenu du texte initial, et non par rapport au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale ou par rapport à l’intitulé d’un texte.
Pour cette raison, sur l’initiative des rapporteurs, la commission a d’ailleurs supprimé des articles nouveaux introduits dans le projet de loi par nos collègues députés.
Sur la base du texte initial, les trois rapporteurs et moi-même avons considéré que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec celui-ci les amendements traitant notamment des sujets suivants : les thèmes évoqués dans le code de la consommation et les relations entre un consommateur et un professionnel – cela englobe en particulier les questions d’assurance emprunteur, qui ont fait l’objet d’un rappel au règlement de M. Bourquin hier, ou encore les questions de traitement du surendettement –, la fiscalité des entreprises – sauf si la disposition se rattache à un sujet du texte initial, comme la fiscalité sur les jeux –, les règles de la commande publique, le droit du travail – à l’exception des questions de seuil, mais cela n’a pas pour effet de permettre d’introduire dans le texte n’importe quelle disposition relevant du droit du travail –, les relations commerciales entre les entreprises et le droit de la concurrence – cela répond à une remarque de M. Lurel lors d’une réunion de la commission spéciale –, la protection sociale des salariés, notamment la question des complémentaires santé, ou encore les sujets abordés dans le code de l’environnement.
Ces sujets ne sont en effet pas traités dans le texte initial du projet de loi.
Les rapporteurs et moi-même avons examiné tous les amendements de façon très scrupuleuse, avant de soumettre à la commission la liste de ceux qui nous semblaient irrecevables. Il se trouve effectivement que le présent projet de loi est très vaste. Il pouvait donc inciter à proposer de très nombreuses dispositions additionnelles, ce qui explique d’ailleurs ce grand nombre d’amendements déclarés irrecevables. Sans doute, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement devrait-il confectionner des projets de loi plus ciblés, afin de mieux circonscrire les débats parlementaires et de limiter ces risques d’irrecevabilité.
M. Gay a lui-même évoqué ce problème lors de la discussion générale en disant à juste titre que ce texte contenait dix projets de loi à lui tout seul !
Évidemment, ces déclarations d’irrecevabilité ne préjugent pas l’appréciation que l’on peut porter sur le fond des amendements concernés. En tout état de cause, si nous devions introduire des cavaliers législatifs dans ce texte sans assurer le moindre contrôle, le Conseil constitutionnel les censurera immanquablement, y compris d’office s’il le faut.
Il nous appartient donc, non pas de vous priver de débat, mes chers collègues, mais de nous assurer nous-mêmes de ce contrôle, auquel le président du Sénat est très attaché.