Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 30 janvier 2019 à 14h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 9

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’un des principaux arguments retenus par le Gouvernement pour aligner la France sur les seuils européens en matière de nomination de commissaires aux comptes est la création d’emplois. Quand on sait que les honoraires moyens d’un commissaire aux comptes dans une PME sont de 5 000 euros, soit 3 500 euros après déduction de l’impôt sur les sociétés, on se demande, avec une telle économie annuelle, comment les entreprises pourront créer des emplois !

À cette première constatation s’en ajoute une autre : on mésestime totalement le rôle du commissaire aux comptes en matière de prévention.

En matière de fraude fiscale, le Gouvernement déplore le faible nombre de révélations, le commissaire aux comptes devant révéler les délits dont il a connaissance. Évidemment que l’on en dénombre peu, car, la révélation, c’est l’arme atomique !

En revanche, un commissaire aux comptes qui décèle une tentative ou une volonté de fraude fiscale ou d’évasion fiscale dans une entreprise sait faire preuve de persuasion et, croyez-moi, la crainte du commissaire aux comptes joue parfaitement. Par conséquent, on ne peut pas quantifier les « économies » de fraude fiscale que l’on réalise ainsi.

De la même manière, comment évaluer les entreprises qui ont pu être sauvées grâce à l’intervention d’un commissaire aux comptes, en particulier par le déclenchement de la procédure d’alerte, comme il en a l’obligation ?

Tout cela n’est pas quantifiable : il aurait fallu une évaluation plus importante.

Par ailleurs, on n’a sans doute pas bien mesuré non plus le nombre d’emplois que cette décision supprimera dans les cabinets, gros et moyens : il est de l’ordre de plusieurs milliers.

Enfin, en tant qu’ancien membre de cette profession – j’ai cessé d’exercer depuis près de dix ans – et en tant que sénateur, je puis attester que cette mesure constitue encore une attaque indirecte contre les territoires et la province. Un cabinet moyen d’expertise comptable et de commissariat aux comptes en province détient quinze mandats. Une fois que ce texte s’appliquera, il lui en restera trois, quatre ou cinq et il n’aura plus les moyens humains et techniques d’exercer ses mandats.

Résultat, ces sociétés se tourneront vers les grands cabinets, les anciens big five ou les autres, qui, une nouvelle fois, trusteront les mandats de commissaire aux comptes. Aussi, ce centre d’activités se situera dans les métropoles et ne créera plus d’activités en milieu rural.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion