Mon collègue vient d’employer l’expression « dépouiller les territoires ».
Je vais, une fois de plus, vous parler des territoires que je connais mieux, ceux que l’on appelle « l’outre-mer ».
Pour prendre les chiffres et les indicateurs du territoire que je connais le mieux, la Martinique, 53 000 personnes sont inscrites au chômage ; 47 000 touchent le RSA, le revenu de solidarité active ; le taux de chômage dépasse les 23 % et plus de 50 % chez les jeunes, y compris les jeunes diplômés.
Avant de venir ici, vous pensez bien que j’ai consulté les professionnels de ma région. Leur avis est unanime – unanime, j’y insiste –, aussi bien celui de la compagnie locale des commissaires aux comptes que celui de l’ordre des experts-comptables : cette mesure fera fondre de manière extrêmement sensible l’activité des cabinets, et ce n’est pas une question de rente. On va me dire qu’ils sont assis sur des rentes… Mais moi je parle de rente de survie dans les territoires dont je viens de donner les indicateurs majeurs.
Savez-vous quel sera l’impact pour la Martinique ? Ce sont cinquante collaborateurs de moins ! Cinquante ! Voilà l’impact direct sur les jeunes dont on a encouragé la formation, car, il y a quelques années, le métier d’expert-comptable et celui de commissaire aux comptes étaient des métiers en tension : il n’y avait pas de collaborateur disponible. Des filières très professionnelles se sont ouvertes, et des jeunes peuvent aujourd’hui être des comptables et des commissaires aux comptes de haut niveau, grâce à cette incitation et aux efforts qui ont été fournis aussi bien par l’État que par les collectivités locales pour encourager ces formations.
Aujourd’hui, le verdict est clair : dans les territoires où l’activité et l’emploi se comptent parfois sur les doigts d’une main, cette mesure aura un impact violent sur cinquante collaborateurs environ. Il faudra s’en séparer tout simplement parce qu’ils n’auront pas d’activité.
Oui, mon collègue Karoutchi a raison, il faudrait supprimer cet article. Mais puisque le débat est ouvert et que le Gouvernement dit entendre la Haute Assemblée, je le répète et je le souligne une fois de plus, il y a, à des milliers de kilomètres, des personnes qui travaillent et pour qui, souvent, traverser la rue pour trouver un emploi revient à tomber à la mer.