Mes chers collègues, nous déplorons la déclaration d’irrecevabilité dont notre amendement a été frappé. Faute de mieux, j’interviens sur l’article, mais j’aurais aimé débattre de cette question avec M. le ministre.
Il s’agit, selon nous, d’un sujet d’une importance majeure pour nos concitoyennes et nos concitoyens : c’est celui de la juste qualification et donc de la juste protection du travail. Nombre d’entre vous auraient d’ailleurs approuvé notre objectif : redonner à l’entrepreneuriat ses lettres de noblesse !
Ne nous méprenons pas. Il n’est pas question ici d’embrasser une doctrine encourageant la sortie du salariat, mais, au contraire, d’en clarifier les contours. En effet, toute fuite du statut de salarié vers une indépendance purement nominale et formelle aboutit à une dégradation des conditions de l’entrepreneuriat ; elle nuit au vrai travail indépendant.
Pour preuve, l’on dénonce aujourd’hui l’explosion du nombre d’auto-entrepreneurs, qui favorise la concurrence déloyale et le salariat déguisé. Si rien n’est fait, l’on mettra en danger non seulement les droits des travailleurs, mais aussi les entreprises vertueuses. À cet égard, le cas des plateformes numériques est typique.
Sous prétexte de déployer leur activité économique et commerciale selon des modalités nouvelles, certaines sociétés se livrent à des fraudes massives, qui, au mépris de la loi, pénalisent les entreprises respectant les règles et poussent les travailleurs au moins-disant social.
La semaine dernière, « l’uberisation » a tué un homme : Franck Page, jeune livreur pour Uber Eats en Gironde, mort à dix-huit ans en effectuant une course, conduit comme nombre de ses collègues à prendre des risques toujours plus grands pour gagner un salaire toujours plus misérable.
Il est donc nécessaire de proposer une définition légale du salariat, afin de mettre un terme aux stratégies des plateformes, lesquelles sont dangereuses pour l’économie du pays et pour la vie des travailleurs.
C’est pourquoi nous avions proposé, avec cet amendement, d’inscrire dans la loi ce qui est déjà acté dans les prétoires depuis l’arrêt Take Eat Easy : les travailleurs des plateformes doivent être considérés pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des salariés. On ne peut laisser mettre à l’écart du droit du travail une catégorie de la population, de plus en plus importante, dans une situation de plus en plus précaire. Le droit du travail permet la résistance des travailleurs aux injonctions abusives et dangereuses de celles et ceux qui les exploitent.