Monsieur le ministre, beaucoup ayant été dit sur le sujet, je ne serai pas très longue. Nous ne devons cependant pas oublier que le jeu n’est pas une marchandise comme les autres. Je veux revenir à mon tour sur la question des addictions.
L’Observatoire des jeux et de nombreuses associations qui œuvrent avec beaucoup de pugnacité contre les addictions nous alertent sur l’évolution du nombre de joueurs à risque excessif – 300 000 – et sur l’augmentation assez forte du nombre de joueurs à risque modéré. Ces joueurs ne compromettent pas l’équilibre de leur budget quotidien en jouant de façon pathologique, excessive, mais leur nombre augmente et atteindrait aujourd’hui 1 million dans notre pays, ce qui doit nous conduire à nous interroger.
Le devenir de la Française des jeux, la progression du chiffre d’affaires, en particulier, aura forcément des conséquences. On peut estimer qu’une progression du chiffre d’affaires de 1 % correspondra à plusieurs milliers de nouveaux joueurs pathologiques ou à risque modéré. Or la Française des jeux, acteur principal du secteur, représente 60 % du jeu problématique dans notre pays. Et ce jeu problématique a des coûts sociaux exorbitants.
Peut-être allons-nous obtenir de l’argent en privatisant, mais je crains que nous n’en dépensions bien davantage pour essayer de lutter contre les addictions. Il faut donc une politique publique de jeu responsable.
Il est quasiment certain qu’un actionnaire privé, tenté de maximiser sa rentabilité et ses dividendes, mènera une politique beaucoup plus agressive. Selon un exemple souvent cité, après avoir observé, en 2014, le caractère extrêmement addictif du jeu Rapido, la Française des jeux, consciente de l’incidence sur la santé publique, a décidé de le retirer. Un acteur privé ne réagira pas de la sorte.
Par conséquent, il y a là une mission d’intérêt général pour la puissance publique, et de ce point de vue, deux garanties valent mieux qu’une : une régulation externe, certes, mais aussi une régulation interne parce que la Française des jeux a un sens du service public et de l’intérêt général qui n’existe pas dans une entreprise privée.