Je répondrai tout de suite à cette dernière question : l'équilibre entre ville-centre et région n'est pas difficile à trouver en Île-de-France. Paris dispose de 30 % des voix au sein du conseil. Or aucun projet parisien n'a jamais été retoqué. Île-de-France Mobilités a même financé le plan Vélo de la capitale à hauteur de 40 %. Aujourd'hui, près de 90 % des décisions de l'autorité sont prises à l'unanimité.
En revanche, des conflits ont pu apparaître lorsque la ville-centre a pris des décisions égoïstes, en omettant de les mettre en cohérence avec le plan régional de transport, qui implique l'ensemble des habitants de la petite et de la grande couronne. Je pense évidemment à la fermeture des voies sur berges sans concertation ni mesures compensatoires. Alors que la ville de Paris ne représente que 2 millions d'habitants sur les 12 millions de Franciliens, elle a un poids démesuré par rapport aux autres territoires. Par le passé, elle est parvenue à imposer des projets d'infrastructures qui n'étaient pourtant pas forcément prioritaires. Lui donner davantage de poids me paraîtrait dangereux.
Par principe, je ne suis pas contre la privatisation du concessionnaire des aéroports franciliens. Je pourrais donc être favorable à la privatisation d'ADP, à condition qu'elle ne se fasse pas contre les intérêts des riverains, des territoires ou de l'État français. J'ai proposé au ministre de l'économie que la région siège comme censeur au conseil d'administration d'ADP. Je suis favorable à ce que les collectivités publiques investissent dans le capital de l'opérateur privé, que les concessions de cet opérateur soient revues très régulièrement, que les intérêts de l'État soient préservés, et que des clauses drastiques en termes de nuisances et de tarifs soient respectées.
Le sur-tourisme n'est pas un sujet en Île-de-France. Nous rejetons très peu de touristes, généralement dans l'hypercentre de Paris. Cela peut paraître surprenant, mais nous sous-utilisons notre potentiel touristique, notamment en grande couronne.
Rejoindre Orly par l'ouest est très compliqué. Il existe bien une liaison TGV Massy-Nantes, qui pourrait permettre de rejoindre Orly, quand Massy sera relié à l'aéroport par la ligne 18 du Grand Paris Express. On pourrait alors imaginer une rocade Massy-Orly. Cela étant, il faudrait agir vite, car les travaux du Grand Paris Express sont en cours.
En réponse à Mme Filleul, nous avons voté la gratuité des parkings dans les gares à compter du printemps prochain, ce qui représente une prime pour les automobilistes de 30 à 40 euros par mois. Cette mesure implique que nous labellisions davantage de parkings-relais en moyenne et grande couronne.
Le transport fluvial de voyageurs se heurte à deux problèmes : les écluses et les limitations de vitesse. Londres a développé le transport fluvial de voyageurs parce qu'il n'y a pas ou peu de limitations de vitesse sur la Tamise. Sur la Seine, les péniches ne peuvent pas dépasser les 12 kilomètres par heure sur le tronçon central. À ce compte-là, vu les arrêts, autant y aller à pieds ! C'est dommage, car le transport fluvial pourrait être pertinent entre le pont de Saint-Cloud et Maisons-Alfort. Nous avons aussi beaucoup de canaux.
L'arrivée de nouvelles gares va effectivement enrichir certains territoires. Cela posera la question de la péréquation. Île-de-France Mobilités, vous l'avez compris, a pour rôle d'assurer cette péréquation, qui ne se fait pas d'elle-même !
Vous m'avez interrogée sur les inondations et la retenue de La Bassée. Paradoxalement, c'est la métropole du Grand Paris qui a obtenu la compétence sur les inondations. Je ne sais pas pourquoi... Du coup, la métropole du Grand Paris, qui n'est pas compétente sur la grande couronne, vient financer des retenues d'eau en grande couronne. Ce sont les plaisirs de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) !
Sur l'ouverture à la concurrence des lignes RATP, il est encore un peu tôt pour se prononcer. On n'y est pas encore, mais on est en train d'ouvrir à la concurrence les lignes de grande couronne. Nous avons simplifié, et nous sommes passés de 250 lignes à 40. Tous les centres de remisage sont désormais pilotés par Île-de-France Mobilités, afin d'aboutir à une organisation transparente et fluide de l'ensemble du système. Nous lançons les premières mises en concurrence pour les premières lignes de la grande couronne.
Je viens de prendre, à la demande de l'État, la présidence du Grand Paris Aménagement, et il me semble très important de ne pas tout concentrer en petite couronne. L'aménagement se gère en fonction des pôles de développement économique. Ma vision de la région est celle de M. Delouvrier : une région polycentrique, avec des pôles très forts de développement en grande couronne, de façon à ce qu'on se déplace moins et qu'on ait du travail près de chez soi, et à ce que les infrastructures de transport soient utilisées dans les deux sens, et pas seulement de la banlieue vers Paris ou de l'Est vers l'Ouest. Pour mettre cela en oeuvre, j'ai besoin d'une compétence renforcée sur l'aménagement, que je n'ai pas, puisqu'il y a des établissements publics d'aménagement nationaux, locaux, ou métropolitains. Je plaide pour des opérations d'intérêt régional en Île-de-France, sachant que les grands pôles de développement sont Marne-la-Vallée pour le tourisme, Roissy pour l'aéroportuaire, Évry, Massy et Saclay pour la technologie, la petite couronne pour les biotechnologies, la Seine-Saint-Denis pour les industries créatives et le luxe, la vallée de Seine pour l'industrie et la Défense et l'ouest parisien pour la finance.
La coordination des aides à l'acquisition de véhicules propres, nous l'avons faite de nous-mêmes selon un principe de subsidiarité géographique. Cette prime est tellement populaire... Chacun était tenté de la mettre en place !
La ZFE verra-t-elle le jour ? J'ai l'impression que les maires sont très réticents à la voter, pour des raisons sociales. Il n'est pas facile de dire à ses habitants ni à ses salariés qu'on ne veut plus d'eux, surtout quand ce sont des personnes modestes. Je suis favorable au principe de la ZFE. Le problème, c'est l'accompagnement social du changement, et que l'écologie ne soit pas une source de ségrégation sociale en devenant une écologie pour les privilégiés.
Nous déployons le calendrier du stationnement du covoiturage. Nous construisons 10 000 places de parking-relais supplémentaires. Certaines sont dédiées au covoiturage, mais il en manque encore beaucoup, notamment aux entrées de Paris. La municipalité était d'abord très hostile et disait qu'il fallait lâcher sa voiture bien avant les portes de Paris. Finalement, elle nous a proposé 1 000 places, mais à demi-tarif, c'est-à-dire à 75 euros, ce qui reste très cher.
On me dit que Tokyo a fait quelque chose de remarquable sur la plus-value foncière.
Faire siéger la métropole à Île-de-France Mobilités, pourquoi pas ? Mais quand elle paiera les transports en Île-de-France. Pour l'instant, elle ne verse pas un kopeck. Si elle devait verser à due concurrence des quatre départements d'Île-de-France, elle verserait plusieurs centaines de millions d'euros par an de recettes qu'elle n'a pas à ce stade. Les départements ont les routes nationales et départementales, et ils sont dans le bloc local. Le contrat de plan État-Région définit le bloc local comme les départements et les intercommunalités. Ce sont eux qui sont représentés. La métropole ne participe ni au financement des infrastructures ni au financement de l'exploitation. C'est logique. Pourquoi ajouter de la complexité dans quelque chose qui fonctionne bien ?
Le sentiment d'abandon des gilets jaunes des autres régions n'a rien à envier au sentiment d'abandon des Franciliens qui habitent à 30 kilomètres de Paris. M. Drouet, d'ailleurs, pour lequel M. Mélenchon a beaucoup d'admiration, est seine-et-marnais, tout comme Mme Mouraud. Les gilets jaunes qui s'expriment le plus à la télévision sont des Franciliens ! C'est qu'à 40 kilomètres de Paris, vous n'avez plus rien...