Intervention de Denis Badré

Réunion du 26 novembre 2007 à 10h00
Loi de finances pour 2008 — Article 7

Photo de Denis BadréDenis Badré :

Avec cet article 7, nous en arrivons à l'un des points les plus sensibles du projet de loi de finances pour 2008, du fait non seulement de sa portée budgétaire, mais aussi de sa valeur symbolique.

Le dispositif proposé ne représente que quelques lignes, mais son coût est élevé : plus de 200 millions d'euros en 2008 et plus de 800 millions d'euros en rythme de croisière. Or je doute qu'il rapporte gros !

En tout cas, dans le cadre du présent projet de loi de finances, il nous faut aborder ce sujet avec un vrai sens de la responsabilité, car nous sommes au coeur du débat qui s'est tenu au début de l'été dernier, lors de l'examen de la loi TEPA.

Cet amendement de suppression de l'article 7 a donné lieu à une discussion au sein de notre groupe, lequel - c'est un peu nouveau chez nous ! - cultive désormais le débat. Notre groupe a finalement été unanime pour le déposer, son premier cosignataire étant le président de l'UC-UDF lui-même. Celui-ci m'a demandé de défendre notre proposition avec toute l'énergie dont je pouvais être capable, en entraînant, si possible, la conviction du plus grand nombre d'entre vous, mes chers collègues ! J'avais d'ailleurs annoncé cet amendement lors de la discussion générale, monsieur le ministre.

À nos yeux, le coeur du débat, s'agissant de la loi TEPA, c'est l'aggravation du déficit, qui est déjà exorbitant ; cela aboutit donc à envoyer un mauvais signal non seulement à tous nos concitoyens, mais aussi, et surtout, à nos partenaires européens, et ceux-ci l'ont d'ailleurs bien perçu. En effet, la poursuite et la réussite de la construction européenne nous imposent de tenir nos engagements : rien ne sera possible si tel ou tel État membre revient sur ses engagements.

C'est particulièrement vrai sur ce sujet : nous devons être exemplaires dans la gestion de nos finances publiques si nous voulons pouvoir peser sur celles de l'Union européenne.

En ce moment, nos partenaires sont fondés à nous demander de leur confirmer que nous pilotons nos finances publiques dans un esprit de responsabilité, ce afin d'être crédibles lorsque nous leur faisons la leçon. L'image que nous donnons est désastreuse !

Monsieur le ministre, voici la réponse que vous avez vous-même donnée lors de l'examen de la loi TEPA, et que nos partenaires étrangers ont, eux aussi, entendue : la seule chose à faire pour relancer durablement l'équilibre de nos finances publiques est d'engager un programme de réformes de fond, en commençant par la mise en oeuvre des mesures votées dans ladite loi.

La question a été tranchée, nous n'y revenons pas ! Vous l'aurez noté, lorsque le projet de loi de finances pour 2008 se limite à transcrire en termes budgétaires les dispositions prévues dans la loi TEPA, nous ne rouvrons pas le débat. En l'espèce, nous ne sommes pas exactement dans ce cas de figure !

Nous l'avions dit à l'époque, la mesure votée dans la loi TEPA se situait véritablement à la limite de l'acceptable.

Il nous semble donc impératif aujourd'hui d'envoyer très vite un signal, notamment, je le répète, à nos partenaires européens. Le Gouvernement a fait le pari de réformer le pays, en annonçant que cela allait être difficile et qu'il fallait commencer par ces réformes, lesquelles, en raison de leur coût, le contraignaient à reporter le retour à l'équilibre des finances publiques non pas en 2010, mais seulement en 2012. Si nous voulons que ce discours, accepté tout de même avec beaucoup de réticences par nombre de nos partenaires, soit crédible, n'en rajoutons pas aujourd'hui !

Les autres États membres de l'Union européenne attendent de la France qu'elle leur envoie un message fort : le pari que nous avons engagé au mois de juillet dernier porte ses fruits et un certain nombre d'indices attestent de l'efficacité des mesures adoptées.

Or, avec cet article 7, c'est le message inverse qui leur est adressé : on n'a pas beaucoup de signes d'encouragement à vous présenter dès aujourd'hui, mais on espère en avoir plus demain.

Alors que nous étions déjà à la limite de l'acceptable, je crains que nous ne dépassions cette limite en chargeant la barque.

Au mois de juillet dernier, la prise en charge, sous forme de crédit d'impôt, des intérêts des emprunts contractés pour des acquisitions immobilières déjà réalisées était précisément l'une des mesures que nous avions combattues. Nous estimions que cette mesure était inutile, car elle n'était pas de nature à relancer la consommation dans ce domaine ; les moyens disponibles pour soutenir les acquisitions futures étant d'ores et déjà très limités, il était inconcevable de prévoir une prise en charge des intérêts d'emprunt pour les acquisitions réalisées, d'autant que cela n'encouragerait en aucune façon les nouveaux acquéreurs.

Déjà, à l'époque, vous affaiblissiez votre démonstration en mettant en avant le soutien à l'investissement. En effet, on n'investit pas et on ne relance pas la croissance de cette manière. Le Conseil constitutionnel nous a d'ailleurs donné raison en censurant la mesure.

Par conséquent, le coût de la loi TEPA s'est trouvé allégé. Vous aviez là l'occasion d'annoncer une réduction de la facture, car la disposition censurée ne garantissait aucunement une meilleure efficacité en la matière. Vous ne disposiez pas d'une cagnotte ! Je le rappelle, le déficit s'élève à environ 40 milliards d'euros et il sera encore aggravé avec cette loi de finances. Néanmoins, en l'absence de cagnotte, vous décidez tout de même de doubler la prise en charge des intérêts payés au titre de la première annuité de remboursement des futurs emprunts.

Ce faisant, vous sortez du cadre de la loi TEPA, de ce qui constituait le corps des mesures annoncées. Vous en rajoutez, alors que rien ne vous y obligeait.

Monsieur le ministre, vous seriez fondé à agir ainsi si vous étiez en mesure de nous faire la démonstration immédiate qu'un tel rajout aura une efficacité telle qu'il augmentera notre crédibilité et que la confiance reviendra beaucoup plus vite. Pouvez-vous donc nous garantir que cette mesure, dont le coût est estimé à plus de 200 millions d'euros en 2008 et plus de 800 millions d'euros à partir des années suivantes, permettra de soutenir la croissance et de relancer la consommation ?

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