Le crédit d'impôt en matière d'accession à la propriété, institué par la loi TEPA, est ouvert à tous, sans critère d'attribution, dès lors que le prêt a été contracté au cours de l'année d'adoption de cette loi. Il concerne donc un ménage qui rachète un appartement, après avoir réalisé une forte plus-value sur son bien antérieur en raison de l'inflation immobilière, mais il touche de la même manière le primo-accédant, qui n'a pas ou peu d'apport personnel et qui subit de plein fouet les deux causes majeures du renchérissement de l'achat d'un logement : l'envolée des prix et la hausse des taux d'intérêt.
Or l'érosion du pouvoir d'achat a concerné essentiellement les catégories modestes et les petites classes moyennes. Les fonctionnaires d'État, par exemple, dont le revenu moyen s'élevait, en 2005, à 2 127 euros nets, ont vu en une seule année leur pouvoir d'achat reculer de 0, 9 % par rapport à 2004.
Depuis 2000, leur perte de pouvoir d'achat est alarmante : moins 6 % ! Je vous rappelle que les deux tiers des acquéreurs de logement en 2004 faisaient partie des 20 % des Français les plus aisés.
Aujourd'hui, la vraie difficulté n'est pas tant le changement de résidence principale pour des ménages déjà propriétaires, mais bien plutôt l'accès des locataires au marché. Les barrières à l'entrée tiennent en un seul chiffre, un record que nous vous devons, monsieur le ministre : les prix de l'immobilier ont augmenté de 82 % en moyenne en cinq ans. Bravo ! Le résultat en est que moins d'un quart des achats dans le neuf sont le fait des primo-accédants.
C'est sur les primo-accédants que l'effort public doit se concentrer : les jeunes ménages, mais aussi les occupants du parc social qui ne peuvent libérer leur logement, faute de dispositifs d'aide à l'accession déterminants. Avec ou sans déductibilité des intérêts d'emprunt, ceux-là resteront à la porte, si je puis dire, de l'achat immobilier.
Il y a donc un certain paradoxe, pour ne pas dire un hiatus certain, entre l'objectif affiché - favoriser l'accession à la propriété de tous - et la portée réelle de la mesure, qui permet à des ménages ayant déjà les moyens d'être propriétaires ou de le devenir de dégager des liquidités.
C'est une sorte de « Noël vache » : un cadeau bien enrubanné pour ceux qui ont le sapin, et tout juste un chocolat dont on ne peut ôter le papier pour les autres.
En réservant le crédit d'impôt aux seuls primo-accédants, les sénateurs socialistes proposent donc de rapprocher le projet de loi de finances des intentions du Gouvernement. C'est dire si nous sommes prévenants : nous avons à coeur de vous aider à faire ce que vous dites !