Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation de la décision 2018/994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct.
Cet acte électoral a été adopté en 1976, en prévision des premières élections européennes organisées trois ans plus tard. Il fixe des dispositions communes pour l'organisation de ces élections dans l'ensemble des États membres.
Dans le contexte d'un désintérêt hélas croissant des citoyens européens pour ce scrutin, manifesté par une baisse progressive et inquiétante du taux de participation - passé, en France, de 60 % en 1979 à 42 % en 2014 -, l'Union européenne a souhaité harmoniser les procédures électorales entre les États membres, en poursuivant trois objectifs :
- rendre le processus électoral plus transparent pour les citoyens ;
- consolider les principes communs régissant les élections dans chacun des États membres afin d'en souligner le caractère européen, comme le prévoit le traité de Rome ;
- et in fine, renforcer la légitimité et la représentativité du Parlement européen.
Après trois ans de négociation, la présente décision a été adoptée par le Conseil, après avis conforme du Parlement européen. Le Sénat s'est d'ailleurs prononcé sur ces négociations, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, le 16 novembre 2017. À présent, et en application de l'article 223 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il revient à chaque État membre d'approuver cette décision selon ses procédures constitutionnelles ; c'est la raison pour laquelle nous l'examinons aujourd'hui.
L'approbation de cette décision n'appellera aucune modification en droit interne puisque la loi relative à l'élection des représentants au Parlement européen, actualisée le 25 juin 2018, a déjà intégré ces dispositions dans notre droit électoral. Cette loi a été soumise au Conseil constitutionnel qui n'en a censuré qu'un membre de phrase, sans rapport avec les dispositions que nous examinons aujourd'hui. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la conférence des présidents a inscrit ce projet de loi en procédure d'examen simplifié.
Cette décision est composée de deux articles : l'article premier énumère les modifications apportées à l'acte électoral de 1976, et l'article 2 contient les dispositions finales du texte.
L'article premier de l'acte électoral, dans sa nouvelle rédaction, précise que les députés européens sont - je cite - des « représentants des citoyens de l'Union », comme le stipule le traité de Lisbonne. Cette modification vise à asseoir la légitimité des députés ainsi élus comme parlementaires européens et non comme représentants du seul État membre dans lequel ils ont été élus.
L'article 3 précise désormais que dans les États membres ayant recours à un scrutin de liste, le seuil d'éligibilité doit être compris entre 2 % et 5 % des suffrages exprimés dans les circonscriptions comptant plus de trente-cinq sièges. Cette disposition instaure un tel seuil pour éviter l'éparpillement des voix et favoriser ainsi l'émergence de familles politiques de taille significative afin de faciliter le processus législatif au Parlement. En France, le seuil d'éligibilité est fixé à 5 % des suffrages exprimés depuis 1979. Il n'a pas été remis en cause par la loi relative à l'élection des représentants au Parlement européen du 25 juin dernier.
Afin d'harmoniser le calendrier de dépôt des candidatures, l'article 3 bis nouveau en fixe la date limite. Ainsi, au sein de chaque État membre, les candidatures doivent impérativement être déposées au moins trois semaines avant la date de l'élection. En France, la date limite est fixée au quatrième vendredi précédant le jour du scrutin ; elle est donc conforme à l'échéance instituée au niveau européen, qu'elle précède même d'une journée.
En outre, trois nouvelles possibilités sont ouvertes :
- premièrement, la possibilité de faire apparaître sur les bulletins de vote le nom ou le logo du parti politique européen d'affiliation, ce que le droit français permettait déjà ;
- deuxièmement, le texte instaure la faculté de voter par correspondance, par voie électronique ou en ligne, sous réserve d'assurer la confidentialité du scrutin, la fiabilité du résultat et la protection des données à caractère personnel. En France, le vote électronique est possible dans plusieurs bureaux de vote bénéficiant d'une autorisation préfectorale ; en revanche, le vote par correspondance a été supprimé en 1975. Quant au vote en ligne, il n'est ni prévu, ni envisagé en raison du risque de cyberattaques, ce que je regrette à titre personnel pour nos compatriotes résidant à l'étranger. Comme je l'indiquais, il s'agit d'une faculté et non d'une obligation ; ainsi, au sein de l'Union européenne, seule l'Estonie a fait le choix du vote sur Internet pour les élections de mai prochain ;
- et enfin troisièmement, la possibilité de prendre les mesures nécessaires permettant la participation des ressortissants résidant dans un État tiers. C'est déjà le cas pour les Français établis hors de l'Union européenne, qui peuvent soit voter par procuration, soit se déplacer dans les bureaux de vote installés dans nos ambassades et nos consulats.
L'acte de 1976 dispose que « nul ne peut voter plus d'une fois ». À cet égard, une obligation de prévoir, dans les législations nationales, des sanctions en cas de double vote, est introduite par la présente décision. L'article L. 92 du code électoral français trouve déjà à s'appliquer dans ce cas précis : il prévoit une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans ainsi qu'une amende de 15 000 euros.
Enfin, la décision précise que chaque État membre devra désigner une autorité chargée d'échanger avec ses homologues européennes les données relatives aux électeurs et aux candidats. Il s'agit notamment de communiquer, au cours des semaines précédant la tenue du scrutin, les données sur les citoyens inscrits sur le registre électoral ou candidats dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. En France, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a été chargé de l'échange d'informations relatives aux électeurs. Le ministère de l'intérieur, quant à lui, communique aux autres États membres l'identité de leurs ressortissants candidats dans l'Hexagone, ainsi que la liste des citoyens français sous le coup d'une peine d'inéligibilité.
Pour conclure, la portée de cette décision du Conseil sera limitée pour notre pays. En effet, à l'exclusion de la disposition relative au vote en ligne qui n'a aucun caractère contraignant (puisqu'il s'agit d'une faculté et non d'une obligation), les dispositions de la présente décision sont déjà en vigueur dans notre droit interne. Ce texte a néanmoins le mérite de faire progresser la question de l'harmonisation des modalités d'élection des parlementaires européens, harmonisation vers laquelle les quatre dernières décennies ont montré qu'il est difficile de tendre en raison de l'attachement des États membres à leurs propres traditions électorales. À titre d'exemple, les prochaines élections européennes auront lieu du jeudi 23 au dimanche 26 mai car dans certains pays comme les Pays-Bas ou l'Irlande, les électeurs sont habitués à voter en semaine.
Je préconise donc l'adoption de ce projet de loi, voté par l'Assemblée nationale le 19 décembre dernier.
Treize États membres ont déjà notifié leur approbation de la décision.
L'examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 14 février prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.