Intervention de Didier Migaud

Réunion du 7 février 2019 à 10h30
Dépôt du rapport public annuel de la cour des comptes

Didier Migaud :

Monsieur le président du Sénat, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, la parution de notre rapport public annuel est devenue, pour les juridictions financières, un rendez-vous phare avec les Français. En complément des travaux publiés tout au long de l’année, elle nous conduit à réaliser à leur intention un exercice d’explication et de pédagogie sur une grande variété de sujets, conformément à la mission d’information que nous a confiée le constituant, en leur fournissant des éléments objectifs, étayés, contredits, vérifiés et s’appuyant sur des comparaisons internationales toujours utiles, même si elles ne sont pas systématiquement reproductibles.

La publication de ce rapport annuel est aussi un temps fort, vous l’avez rappelé, monsieur le président, dans les relations déjà très denses que nous entretenons avec la représentation nationale. En plus de celui-ci, le Parlement est en effet destinataire d’un grand nombre de nos travaux tout au long de l’année.

Certains viennent spécifiquement alimenter la procédure d’examen des textes financiers, en application des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances et de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Ils font ainsi pleinement vivre la mission d’assistance confiée par l’article 47-2 de la Constitution à la Cour des comptes, au bénéfice, notamment, du Parlement dans son activité de contrôle du Gouvernement.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont aussi la possibilité d’adresser à la Cour des demandes d’enquêtes ou d’évaluations sur des sujets spécifiques. Vous usez chaque année de cette faculté, complétant ainsi, de façon concertée, la programmation de leurs travaux que les juridictions financières établissent en toute indépendance.

Les rapports réalisés dans ce cadre portent sur des politiques publiques stratégiques, à forts enjeux. En 2018, la commission des finances de votre assemblée a reçu, par exemple, communication d’enquêtes portant sur le soutien aux énergies renouvelables, l’indemnisation des victimes du terrorisme ou les matériels d’équipement dans la police et la gendarmerie.

En tout, ce sont ainsi douze enquêtes qui ont été réalisées à la demande des assemblées parlementaires. Elles s’ajoutent aux très nombreux travaux effectués par les juridictions financières qui vous sont transmis chaque année : rapports publics thématiques, notes d’exécution budgétaire, actes de certification, référés, rapport sur les finances locales… Le total, pour 2018, s’élève à 190 travaux qui vous ont été adressés. Le troisième tome de notre rapport public annuel vous en donnera un détail plus complet. J’ajoute que, au cours de cette même année, la Cour a été auditionnée à 80 reprises par le Parlement.

Je me réjouis évidemment de ces chiffres. Surtout, je souhaite que la quantité très importante d’informations qui vous est transmise de notre part soit aussi utile que possible à l’exercice de votre mandat.

J’en viens à présent aux trois principaux messages que notre rapport public annuel formule.

Le premier porte sur la situation de nos comptes publics.

La Cour constate, d’une part, la fragilité du redressement opéré ces dernières années ; elle relève, d’autre part, les incertitudes qui pèsent sur la trajectoire des finances publiques pour les mois à venir.

Dans un cadre budgétaire contraint par l’état de nos comptes, notre pays doit amplifier et systématiser la modernisation de ses services publics pour les rendre plus efficaces et plus efficients. En la matière, des possibilités existent ; elles sont même nombreuses. C’est le deuxième message de ce rapport. Il n’est en rien nouveau – je l’ai d’ailleurs formulé devant vous à de nombreuses reprises –, mais il est, je crois, essentiel de le réitérer dans le contexte que connaît notre pays et qui pousse, parfois, à la résignation.

Pour redonner du souffle à nos comptes et pour alléger le poids de notre dette, notre rapport identifie, comme l’ont fait ses précédentes éditions, des marges d’économies et de ressources nouvelles. Certaines de ces marges sont déjà connues ; elles rejoignent d’ailleurs parfois des propositions que vous formulez dans vos travaux d’évaluation et de contrôle. Mais les actions tardent souvent à venir ou à porter pleinement leurs fruits. Aussi notre rapport esquisse-t-il, au travers d’exemples de transformations réussies comme, à l’inverse, de situations d’immobilisme, quelques conditions à remplir pour se saisir des opportunités de modernisation de l’action publique s’offrant aux décideurs. Ce sera mon dernier message.

Je dirai quelques mots, à présent, sur chacun de ces messages.

Chaque année, la parution du rapport public annuel est l’occasion de porter une appréciation sur l’état de nos finances publiques.

S’agissant de 2018, la Cour constate d’abord que le redressement de nos comptes publics semble marquer le pas. Après huit années ininterrompues de baisse, le déficit public s’établirait à un niveau proche de celui de 2017, soit à 2, 7 points de produit intérieur brut, selon la dernière prévision fournie par le Gouvernement. Cette prévision semble réaliste, voire prudente, compte tenu des données actuellement disponibles. Elle ne pourra toutefois être confirmée que par les résultats complets de l’exécution budgétaire pour l’année 2018, qui, comme vous le savez, ne seront disponibles qu’à la fin du mois de mars.

Nous aurons l’occasion d’approfondir ces premières analyses lors de la remise des rapports sur l’exécution du budget de l’État et sur la situation et les perspectives des finances publiques. Nous le ferons cette année en expérimentant un calendrier renouvelé, qui vous permettra de disposer avant l’été de l’ensemble des analyses des juridictions financières sur l’exécution budgétaire portant sur l’année passée, comptes sociaux et locaux désormais inclus.

Toujours pour l’exercice 2018, le diagnostic de la Cour est le même si l’on raisonne indépendamment de la conjoncture économique, c’est-à-dire en analysant le solde structurel de nos comptes. Le déficit structurel pour 2018 devrait se maintenir au niveau atteint en 2017, soit autour de 2, 3 points de PIB, selon le Gouvernement. Mécaniquement, cette situation devrait accroître notre dette publique, dont le montant approcherait 98, 7 % du PIB.

Derrière les chiffres, ce que je veux souligner devant vous, c’est le décalage qui continue de se creuser entre la France et la majorité de ses partenaires européens. La plupart d’entre eux font en effet beaucoup mieux. En moyenne, la dette publique des pays de la zone euro pour 2018 est ainsi inférieure, de plus de 10 points de PIB, à celle de la France. La dette publique allemande, pour sa part, n’a cessé de se réduire depuis 2012 et approche désormais le seuil de 60 % du produit intérieur brut. Ce pays va ainsi quasiment revenir au niveau de dette qui était le sien – et qui était aussi le nôtre ! – en 2007.

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