Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 7 février 2019 à 10h30
Dépôt du rapport public annuel de la cour des comptes

Photo de Vincent EbléVincent Eblé :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, comme chaque année, M. le Premier président de la Cour des comptes présente au Parlement le rapport public annuel de celle-ci. C’est un moment solennel pour notre assemblée, qui symbolise, davantage qu’il ne résume, la richesse de nos relations avec la Cour des comptes.

En effet, il est désormais loin le temps où le rapport public annuel constituait l’unique synthèse des travaux de la Cour des comptes dont les parlementaires pouvaient s’inspirer pour réformer l’action publique. Comme le lui prescrit notre Constitution, la Cour des comptes assiste tout au long de l’année le Parlement, ainsi que le Gouvernement, dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que, de façon plus générale, dans l’évaluation des politiques publiques.

En application de l’article 58-2 de la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances, notre commission des finances commande régulièrement à la Cour des comptes des enquêtes susceptibles d’éclairer l’ensemble des sénateurs sur des sujets d’intérêt général. C’est une contribution utile à l’information des citoyens.

Comme vous l’évoquiez dans votre propos introductif, monsieur le président, nous avons ainsi, il y a huit jours seulement, entendu les magistrats de la Cour des comptes sur l’indemnisation des victimes du terrorisme. Nous les entendrons de nouveau dans quelques jours sur l’important sujet de la dette des entités publiques ou encore, au début du mois de mars, sur la Caisse de garantie du logement locatif social. Leur expertise alimente les travaux et réflexions de nos rapporteurs spéciaux, tout comme la Cour des comptes s’inspire aussi des nombreuses informations et pistes de travail contenues dans les rapports du Sénat.

À cet égard, je voudrais souligner ce qui, dans ce rapport annuel, attire plus particulièrement l’attention de la commission des finances.

En premier lieu, il s’agit bien évidemment du chapitre relatif à la situation d’ensemble de nos finances publiques, qui confirme ce que nous ne savons que trop, à savoir que la loi de finances pour 2019 ne prend que très partiellement en compte l’incidence budgétaire des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages adoptées, dans les conditions que l’on sait, en fin d’année. Pour être précis, leur coût est de l’ordre de 11 milliards d’euros tout de même, mais seulement 4, 1 milliards d’euros de mesures de compensation ont été annoncées, sans avoir encore été prises à hauteur de 3, 7 milliards d’euros ! Il s’agit notamment de la restriction de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, de la nouvelle taxe sur les grands acteurs de l’internet, ou encore, soyons clairs, des mesures d’économie sur les dépenses de l’État qui restent à concrétiser.

Le Gouvernement passe sous silence les fragilités de nos perspectives macroéconomiques dans un contexte de ralentissement européen et mondial. La Cour des comptes mentionne un scénario des finances publiques « préoccupant » et « estime indispensable que le Gouvernement présente, dès que possible, des projets de lois financières rectificatives, pour l’État et pour la sécurité sociale, intégrant de manière exhaustive et sincère l’ensemble des mesures annoncées ainsi que les conséquences de l’évolution de la situation macroéconomique ».

Dans sa réponse, le Gouvernement temporise en renvoyant au programme de stabilité d’avril, qui sera présenté à la Commission européenne mais qui ne remplace pas un texte budgétaire soumis au Parlement ! L’existence d’un grand débat fiscal ne saurait masquer la responsabilité du Gouvernement de revenir devant les parlementaires le plus rapidement possible pour préciser le cadrage de nos finances publiques, et ce avant toute présentation de la trajectoire de nos finances publiques devant la Commission européenne.

Si l’on se penche sur les performances du Gouvernement en matière d’équilibre de nos finances publiques, notre constat est plus sévère que ne l’est le rapport annuel. La Cour des comptes note que le déficit structurel pour 2019 sera « au mieux stable », au rebours des efforts de la majorité de nos partenaires européens, et que la dette publique rapportée au produit intérieur brut devrait encore augmenter en 2019. Le niveau relativement élevé de la croissance – de 1, 5 % à 1, 7 % en 2018, selon les estimations – n’a pas été mis à profit pour commencer à réduire le poids de la dette publique.

Lors de son arrivée en juin 2017, le nouveau gouvernement avait demandé à la Cour des comptes un « audit » des finances publiques, dans lequel celle-ci s’alarmait du fait que « sans mesures nouvelles de redressement, le déficit public dépasserait de 0, 4 point de PIB l’objectif, pour atteindre 3, 2 points de PIB ». Aujourd’hui la Cour des comptes note sobrement que « le Gouvernement a annoncé vouloir adopter courant 2019 des mesures de hausse de prélèvements obligatoires et de baisse des dépenses de l’État […] afin de maintenir à 3, 2 points de PIB le déficit prévu ». L’objectif semble être non plus de réduire le déficit en dessous de 3 % du PIB, mais de ne pas l’augmenter davantage ! Monsieur le Premier président, la Cour frôle la complaisance ; c’est inhabituel !

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