Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 9 complète, si l'on peut dire, le dispositif voté cet été dans la loi TEPA, s'agissant du cadre fiscal dans lequel se trouvent placés les détenteurs d'actifs suffisamment importants pour appartenir au nombre des contribuables de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Pour résumer les dispositions de l'article, il s'agit d'assouplir les contraintes déjà légères qui pèsent sur les signataires des pactes d'actionnaires en leur permettant de se dessaisir, sans risque fiscal, de leur patrimoine, attendu que ces actifs ne font pas d'eux des actionnaires déterminants dans le capital des entreprises concernées.
Le dispositif de l'article 885 I bis du code général des impôts, directement concerné par cet article 9, a été introduit dans notre législation dans le cadre de la loi Dutreil. Ce dernier avait lui-même présenté la mesure au Sénat, lors de la séance du 27 mars 2003. Permettez-moi de le citer.
« Il s'agit simplement de considérer sans passion, avec objectivité et sang-froid, dans un souci d'efficacité, les différents impôts qui existent, de voir comment ôter de ces impôts leur venin lorsqu'ils nuisent à la transmission, au développement et à la création des entreprises : c'est tout ce qui m'a inspiré.
« Nous aurions pu céder à la facilité qui aurait consisté à ne pas toucher à un certain nombre d'impôts jugés trop ?chauds?. Nous ne l'avons pas fait parce que nous voulons que ce texte soit efficace à tous égards, que soient engagées toutes les réformes nécessaires pour qu'il y ait, en France, davantage d'investissement, de créations d'entreprises et que les transmissions se passent dans de bonnes conditions. »
Je ne poursuis pas la lecture de son intervention, mais je vous invite à lire le compte rendu de la discussion.
Voilà que l'on tourne le dos à l'épargne longue et qu'on laisse émerger la possibilité de cessions accélérées.
Première remarque sur le fond : le dispositif Dutreil n'a pas rencontré un très grand succès. En effet, le montant de la dépense fiscale associée représente aujourd'hui un coût de 75 millions d'euros et concerne, selon les données fournies par l'administration fiscale elle-même, 8 700 contribuables de l'ISF. Pour une mesure qui a quatre ans d'existence, quel succès, surtout au regard des 456 816 contribuables actuels de cet impôt !
Cela signifie que le dispositif « actionnaires minoritaires » n'a pas connu de progression plus spectaculaire que celle du nombre des assujettis, et qu'il n'en intéresse que moins de 2 %...
Prenons donc le dispositif pour ce qu'il est, c'est-à-dire un des outils d'optimisation fiscale mis à disposition des redevables de l'ISF pour alléger, autant que faire se peut, leur cotisation annuelle, dont on connaît le caractère confiscatoire !
Au demeurant, dans un contexte modifié par l'existence du bouclier fiscal, le dispositif Dutreil est presque inopérant et superfétatoire. À cet égard, n'oublions pas l'essentiel : les mesures en question n'ont pas résolu réellement le problème du financement des petites et moyennes entreprises.
On ne fait pas une loi censée répondre à l'impératif d'intérêt général pour moins de 10 000 personnes, comme c'est le cas avec ce dispositif ! Il est donc parfaitement inutile de maintenir l'article 9 du projet de loi de finances pour 2008, qui en dévitalise, de surcroît, les fondements essentiels et ne constitue, de fait, qu'une source supplémentaire d'évasion fiscale.
Disons-le tout net : trop, c'est trop ! Il existe déjà bien assez d'outils d'optimisation fiscale, sans effet tangible pour l'emploi, qui sont laissés aux mains des détenteurs de gros revenus et patrimoines ; point n'est besoin d'en ajouter !