Cet amendement instaure un dispositif d’autorisation préalable des équipements de réseaux radioélectriques. Nous sommes donc dans la continuité des échanges que nous venons d’avoir sur la sécurité économique et les investissements étrangers.
Le Gouvernement est particulièrement vigilant à la sécurité et à la résilience des réseaux de communications fixes et mobiles et aux équipements qui constituent le cœur de ces réseaux.
Avec le développement de la 5G qui est prévu dès le début de l’année 2020, les réseaux mobiles deviennent de plus en plus critiques du fait d’usages potentiels dans les domaines de l’industrie ou de la santé. Je vous donne un exemple : le robot qui est commandé à distance aura besoin d’une technologie de type 5G et il serait ennuyeux qu’une opération chirurgicale s’arrête en plein milieu, parce que quelqu’un aura pris la main sur ce robot. On pourrait aussi citer, bien évidemment, l’exemple de la voiture autonome.
Il est donc nécessaire d’apporter des évolutions au cadre juridique actuel qui ne protège que la confidentialité des communications et s’inscrit dans l’idée de protéger le secret des correspondances. Ce cadre est ancien, fragile et peu adapté au regard de l’importance de l’ensemble des enjeux actuels de sécurité nationale, notamment les risques potentiels de sabotage des réseaux.
Cet amendement tend donc à soumettre à autorisation préalable du Premier ministre l’exploitation d’équipements actifs des antennes mobiles pour les opérateurs télécoms qui sont considérés comme des opérateurs d’importance vitale, dits OIV. Il a fait l’objet d’un avis positif de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et a été élaboré avec les opérateurs télécoms concernés.
Pourquoi une telle procédure ? Parce qu’il faut être à la fois suffisamment agile pour autoriser des innovations, ne pas être dans l’inspection des travaux finis ou le surcontrôle et en même temps ne pas être naïf. Dans l’esprit de ce que nous avons tous exprimé il y a quelques minutes, nous devons être capables de bloquer des équipements industriels ou de communication qui présenteraient des fragilités, en raison notamment de la présence de portes dérobées.
Ces mesures ne ciblent pas un équipementier en particulier. Des vulnérabilités peuvent être constatées chez tous les équipementiers et il convient de mettre en place les contrôles appropriés.
La création d’un nouvel instrument juridique opposable pour contrôler les équipements télécoms n’emporte pas non plus un changement de doctrine de la France en la matière. Nous créons simplement les leviers nécessaires pour contrôler efficacement les équipements de réseaux et nous nous donnons la capacité de faire évoluer nos modalités d’action en fonction des évolutions technologiques.
Il est évident que nous devons nous adapter à la montée en puissance des équipements technologiques et au fait qu’ils entrent plus profondément dans l’ensemble des processus, que ceux-ci soient individuels ou industriels.
Il est essentiel que ce nouveau régime n’obère pas la capacité des opérateurs à investir. Il leur faut un cadre juridique clair et transparent qui soit mis en œuvre rapidement. L’amendement donne deux garanties très précises à ce stade : les autorisations préalables sont les plus larges possible, tant du point de vue matériel que temporel ou géographique ; les opérateurs connaîtront la liste des appareils et logiciels qui feront l’objet d’un contrôle.
Le Gouvernement est évidemment prêt à poursuivre les travaux et, si nécessaire, à faire évoluer certains éléments du dispositif dans le cadre des travaux de la commission mixte paritaire.
Vous l’aurez compris, cet amendement constitue d’abord une plateforme de discussion, notre objectif étant d’ouvrir ce débat.
Je sais que cet amendement a été déposé tardivement, je pense que Mme le rapporteur le soulignera… Nous en sommes tout à fait conscients, mais compte tenu de l’enjeu, il nous semble important d’ouvrir la discussion. En outre, nous ne disposerons pas de tant de véhicules législatifs que cela dans un avenir proche. Or la technologie avance et elle n’attend malheureusement pas la discussion parlementaire.
Nous vous proposons donc aujourd’hui d’amorcer une discussion qui a vocation à se poursuivre en commission mixte paritaire, puis le cas échéant en nouvelle lecture.
En ce qui concerne la 5G, il existe déjà des travaux dits de « bac à sable » et des expérimentations sont en cours.
Je m’engage personnellement à ce que vous soyez directement associés au dialogue de fond que nous engageons et à ce que des réponses précises soient apportées à vos interrogations.
L’absence d’adoption d’un tel amendement par la Haute Assemblée aurait des conséquences pour le moins paradoxales. D’une part, cela retarderait l’entrée en vigueur d’un dispositif qui me paraît essentiel par rapport à vos préoccupations de sécurité nationale. D’autre part, l’attente de l’adoption d’un tel dispositif juridique entretiendrait une incertitude pour les investissements des opérateurs, ainsi que pour ceux des fournisseurs d’équipements.
Vous savez qu’il existe aujourd’hui trois fournisseurs d’équipements : Ericsson, Huawei et Nokia. Ils ne sont pas tous au même niveau de maturité technologique et l’un des enjeux est de leur donner envie d’investir afin que nous puissions conserver notre souveraineté, lorsque nous devons choisir tel ou tel équipement. Le plus français de ces fournisseurs, si je peux me permettre de le dire ainsi, est Nokia, dont les laboratoires 5G sont situés en France, mais ce n’est pas nécessairement celui qui a la plus grande force de frappe en matière d’investissements et de recherche et développement.
Si ces fournisseurs ne connaissent pas le dispositif d’encadrement, ils peuvent s’interroger sur le niveau d’efforts à fournir. Or ces investissements sont nécessaires pour assurer la couverture numérique du territoire, et également parce que la 4G est un élément de fragilité.
J’insiste beaucoup sur la 5G qui, en tant que technologie de rupture, présente une fragilité potentielle pour notre souveraineté, mais le déploiement de la 4G et tout ce que nous faisons pour le New Deal conduisent à équiper de manière très importante tout le territoire et nous devons donc rester très vigilants sur l’ensemble de ces équipements.
Bien entendu, le Gouvernement maintiendra son attention et soumettra de nouveau le projet au Parlement, mais nous savons tous combien notre temps est précieux et limité. C’est pourquoi je vous invite à nous soutenir dans cette démarche, en adoptant cet amendement.